Argumenter en faveur de conseils en placement « sans superflu »

Par James Langton | 21 Décembre 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les investisseurs disposant d’un petit pécule trouvent souvent que les conseils sont rares. La Financial Conduct Authority (FCA) du Royaume-Uni, une instance de régulation du secteur financier britannique, tente de relever ce défi en proposant un modèle de « conseils de base » moins coûteux qui pourrait inspirer le marché canadien.

Dans un document de consultation, la FCA a présenté des réformes visant à faciliter la prestation de conseils à une partie du marché mal desservie. Au Royaume-Uni, ce marché comprend environ 4,2 millions d’investisseurs disposant d’au moins 10 000 £ en espèces – des clients potentiels ayant les moyens d’investir, mais pas nécessairement l’occasion, car les sociétés financières ciblent généralement les investisseurs plus riches.

Une pénurie de conseils pour les investisseurs à faible valeur nette a été documentée au Canada également, y compris parmi les investisseurs travaillant avec un conseiller. Dans une étude de 2019, le Comité consultatif des investisseurs (CCI) de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a indiqué que de nombreux investisseurs ne recevaient pas de conseils de base en matière de planification financière, de budgétisation et de planification successorale, alors qu’ils les payaient implicitement par le biais de structures de rémunération intégrées, telles que les commissions de suivi des fonds d’investissement.

La pénurie est particulièrement aiguë pour les investisseurs disposant de moins de 50 000 dollars et pour les investisseurs du « marché de masse » disposant de 50 000 à 100 000 dollars, selon le panel.

La recherche du CCI désirait contester l’affirmation selon laquelle l’élimination de la rémunération intégrée créerait un « déficit de conseil » en rendant le service aux petits clients non rentable. Le rapport a fait valoir que, puisque le fossé existe déjà, les organismes de réglementation devraient s’attaquer aux conflits d’intérêts et aux autres préoccupations réglementaires découlant de la rémunération intégrée.

En fin de compte, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) n’ont éliminé les commissions de suivi que pour les courtiers à qui il est interdit de fournir des conseils (c.-à-d. les courtiers à escompte), laissant l’écart de conseil pour un autre jour.

Une réponse possible est celle des conseillers-robots. Cependant, le document de la FCA indique que si les conseils automatisés peuvent fonctionner pour certains investisseurs, les conseillers-robots ont rencontré un succès limité sur le marché. « Nos recherches montrent que les clients ont tendance à préférer l’interaction humaine et à bénéficier d’une recommandation personnelle », souligne son rapport.

Désormais, la FCA veut rendre plus économiques les conseils humains aux petits clients. Le régime proposé de « conseil de base » imposerait des exigences réglementaires moins strictes tout en préservant la protection des investisseurs.

Le régime proposé permettrait aux conseillers de recommander un ensemble limité d’investissements « grand public » dans le cadre d’un processus d’adéquation simplifié qui reflète le risque moindre lié à la vente de produits simples. Des normes de compétence moins élevées refléteraient la complexité réduite des conseils requis. En ce qui concerne la rémunération, les investisseurs pourraient payer les conseils transactionnels en plusieurs versements.

« Nous proposons ce changement parce que nous voulons que les consommateurs qui seraient autrement intéressés par le conseil, mais rebutés par les frais initiaux, soient plus à même d’accéder au conseil en investissement de base », indique le document de la FCA.

Les propositions sont soumises à commentaires et le régulateur a l’intention de finaliser le nouveau régime au printemps 2023, avec une mise en œuvre en avril 2024.

Au Canada, les défenseurs des investisseurs accueillent favorablement l’idée d’un régime de conseils de base, mais se demandent si la réglementation l’en empêche.

Jean-Paul Bureaud, directeur général de FAIR Canada, affirme que l’amélioration de l’accès aux conseils pour les investisseurs à faible valeur nette pourrait les encourager à épargner davantage et à constituer un patrimoine plus efficacement. « L’idée d’élargir l’accès à de bons conseils financiers au Canada vaut certainement la peine d’être considérée et étudiée plus en profondeur », dit-il.

Cependant, il reste sceptique quant à la rationalisation des exigences réglementaires proposée par la FCA. « Il n’est pas clair pour moi que les normes réglementaires constituent le principal obstacle, explique-t-il. Il pourrait y avoir de nombreuses autres raisons, notamment le fait que les investisseurs potentiels ne veulent pas payer les frais, qu’ils ne font peut-être pas confiance au secteur ou qu’ils ne savent pas à qui s’adresser ou par où commencer. »

Si d’autres raisons existent, « l’abaissement des normes de protection des investisseurs pourrait ne pas entraîner de changement significatif dans ce phénomène », conclut Jean-Paul Bureaud.

Neil Gross, ancien président du CCI de la CVMO et maintenant membre du nouveau CCI des ACVM, soutient également l’idée d’améliorer l’accès aux conseils de base. « Les besoins de nombreux consommateurs en matière d’investissement sont assez simples, de sorte qu’un ensemble de conseils de base abordables est une excellente idée », déclare-t-il.

Toutefois, il met en garde contre le fait que les entreprises doivent s’engager et combler cette lacune du marché.

« Pour que cela fonctionne, il ne suffira pas de trouver des gains d’efficacité en matière de prestation de services et de les combiner avec une réglementation accommodante. Cela dépendra également de l’émergence d’acteurs du secteur qui considèrent qu’il est rentable d’exploiter le marché de masse au lieu de se contenter de chasser les clients fortunés, détaille-t-il. Ainsi, avant que les régulateurs ne commencent à proposer cette solution, ils devraient peut-être s’assurer qu’il existe des entreprises convaincues qu’un conseil « sans fioritures » sera lucratif. »

L’évaluation de l’appétit de l’industrie devrait être plus facile au Canada en raison des organismes d’autoréglementation, que le Royaume-Uni a éliminés il y a longtemps. Mais si l’un des objectifs à long terme de la réforme de l’OAR au Canada est de permettre une plus grande innovation dans le secteur, le nouvel OAR ne sera pas en mesure d’alimenter de nouveaux modèles commerciaux avant un certain temps.

« La clé n’est pas un OAR unique, assure Neil Gross. Il s’agit d’un OAR doté d’un règlement unique, dans lequel les activités similaires sont réglementées de la même manière et où les entreprises doivent simplement se conformer à un seul ensemble de règles. Dès que le nouvel OAR aura mis cela en place, les choses iront beaucoup mieux. »

L’harmonisation des règles du secteur prendra probablement quelques années. D’ici là, les résultats de l’expérience de conseil de base de la FCA devraient être disponibles pour que les acteurs du marché canadien puissent les évaluer.