Assurance en ligne : satisfaction amère

Par Alizée Calza | 17 mai 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Un pouce en l'air et un pouce en bas.
Photo : Andriy Popov / 123RF

Le Règlement sur les modes alternatifs de distribution publié récemment par l’Autorité des marchés financiers (AMF) rassure les professionnels de l’industrie des services financiers sur certains points concernant la vente d’assurance en ligne, mais une certaine amertume persiste.

« C’est une bonne nouvelle, une semi-victoire par rapport au projet de loi 141. On est rendu avec des balises. L’Autorité a compris que l’humain était encore important dans le processus », reconnaît Gino-Sébastian Savard, président de MICA – Cabinets de services financiers.

Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), se dit rassuré par le règlement de l’AMF. Il apprécie le fait que les assureurs ne puissent vendre des produits d’assurance directement et doivent passer par un cabinet inscrit. Il approuve que celui-ci soit dans l’obligation d’avoir un représentant joignable à tout moment durant la transaction.

« Ça nous rassure parce que les obligations du cabinet et du représentant sont les mêmes que celles de n’importe quel autre représentant », explique-t-il.

PAS DE CRAINTE SUR L’ABSENCE DE LIMITE DE PRODUITS

Daniel Guillemette, président de Diversico, Experts-conseils, avoue ne pas s’inquiéter du fait que tous les produits puissent potentiellement être vendus en ligne, car pour lui, il est certain qu’aucun client ne contractera d’assurance complexe par l’entremise d’un site Internet.

« Il y a des risques que tu ne veux pas prendre en tant que consommateur. C’est quand même le sort de ta famille que tu mets entre les mains d’un site Web », assure-t-il.

Pour Flavio Vani et Gino-Sébastian Savard, ce n’est pas aussi simple que cela. Les deux s’accordent sur le fait que l’assurance est un monde extrêmement compliqué. Pour Gino-Sébastian Savard, il n’y a tout simplement pas de produits simples, donc autant les rendre tous accessibles. Il espère simplement que les règles de divulgation de vente se rapprochent le plus possible de celles auxquelles sont assujettis les conseillers en services financiers.

Flavio Vani reste plus conservateur, affirmant qu’on verra ce que cela donne avec le temps : « on saura alors si ça va ou non à l’encontre du consommateur. »

LA RESPONSABILITÉ PARTAGÉE, UNE BONNE CHOSE?

Quant au fait que le représentant mette sa responsabilité professionnelle en jeu même s’il n’a pas fait l’entièreté de la transaction, Flavio Vani se demande comment on peut déclarer ce qui est de la responsabilité du représentant alors que ce n’est pas lui qui a recueilli toute l’information.

Gino-Sébastian Savard, de son côté, estime que c’est une excellente chose, car cela protège le consommateur et correspond à la « réalité de la distribution comme elle se fait actuellement ». Évidemment, il est conscient qu’il risque d’y avoir des embûches en pratique, mais il pense que l’AMF pourra les résoudre au fil du temps. Quant à reconnaître la responsabilité exacte du conseiller, il estime que l’avantage de l’environnement numérique est que tout est traçable. Il sera ainsi simple de déterminer ce que le représentant a fait.

Daniel Guillemette croit que de toute façon, cela prendra du temps avant qu’un client se rende compte qu’il a été floué. Si seulement il s’en aperçoit un jour, car c’est plutôt sa succession qui risque d’avoir des problèmes s’il a souscrit le mauvais produit d’assurance. Il estime que peu iront jusqu’au bout de leur plainte et que l’institution concernée pourrait faire en sorte « d’étouffer l’affaire, peu importe le coût » en réglant à l’amiable.

UNE PLANIFICATION FINANCIÈRE SANS PL. FIN.?

Pour les trois intervenants, offrir de la planification financière en ligne comme le prévoit le règlement n’a toutefois pas de sens. « Un logiciel ne peut pas remplacer un être humain », souligne Flavio Vani.

Daniel Guillemette met de l’avant le fait que la compréhension du français diffère énormément selon les gens et que dans l’interaction humaine, une bonne partie de l’échange ne passe pas par les mots.

« Une personne peut se comporter d’une certaine façon, mais son comportement peut dire autre chose », confirme Flavio Vani.

« Les produits proposés sont très intimement liés à la qualité des questions que tu auras posées qui, elles, dépendent de ton interaction avec le client. Cela risque de finir par de mauvaises recommandations, c’est aussi simple que ça », ajoute Daniel Guillemette.

Gino-Sébastian Savard pense, quant à lui, qu’il serait possible de créer un questionnaire complet, mais que personne ne prendra les quatre heures requises pour y répondre. D’autant plus que, connaissant le niveau de littératie financière de la population, les clients risquent de se sentir rapidement perdus.

Une chose est certaine, le temps nous dira ce qui fonctionne ou non. Toutefois, les conseillers sont confiants quant au fait que l’AMF se montre assez réceptive pour corriger les problèmes au fur et à mesure.

Alizée Calza Alizee Calza

Alizée Calza

Alizée Calza est rédactrice en chef adjointe pour Conseiller.ca et pour Finance et Investissement.