Assurance vie ou préarrangements funéraires?

Par La rédaction | 27 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Martina Vaculikova / 123RF

Vaut-il mieux prendre un préarrangement funéraire ou souscrire une police d’assurance vie? Dix ans après s’être déjà posé la question, Conseiller fait le point sur ce dossier qui, vieillissement de la population oblige, concerne de plus en plus de Québécois.

Si l’assurance vie traditionnelle arrive toujours en tête de leurs habitudes lorsqu’ils décident de financer à l’avance leur dernier voyage, l’arrangement funéraire préalable (ou « préarrangement »), qui consiste à choisir à l’avance des services funéraires et à les payer au tarif d’aujourd’hui, rencontre de plus en plus de succès depuis une trentaine d’années.

Regroupant 500 professionnels du secteur, dont 125 entreprises de pompes funèbres, la Corporation des thanatologues du Québec estime ainsi qu’environ 30 % des décès qui surviennent dans la province sont encadrés par un contrat d’arrangements préalables. Il est cependant impossible d’être plus précis, déplore sa directrice générale, Annie Saint-Pierre, car « ni l’Institut de la statistique du Québec ni Statistique Canada ne recensent de données à ce sujet ».

UN MARCHÉ EN FORTE EXPANSION AU QUÉBEC

Ce marché est en pleine croissance, notamment en raison du vieillissement de la population québécoise, confirme Yvan Rodrigue, président et chef des opérations d’Urgel Bourgie, qui répond chaque année aux demandes de quelque 10 000 familles, ce qui représente environ 15 % des obsèques célébrées dans la province. « Quand j’ai commencé à travailler au début des années 1980, moins de 5 % de nos clients effectuaient une démarche de préarrangement. Désormais, ils sont près de 50 % à avoir opté pour cette solution, soit presque une personne sur deux », observe-t-il.

D’après ses estimations, « entre 500 et 700 millions de dollars » seraient aujourd’hui déposés dans les banques au Québec pour ce type de prestations, pour un marché global de frais funéraires qu’il évalue à 800 millions dans la province. Et le volume des sommes en jeu est loin d’être négligeable, puisque la facture moyenne liée à une inhumation s’élève aujourd’hui à « environ 6 000 dollars », selon Yvan Rodrigue. Celui-ci précise que ce montant inclut « les transports, la location d’un salon, les frais occasionnés par le personnel nécessaire à l’organisation des obsèques, l’achat d’une concession dans un cimetière ainsi que le prix du cercueil ou d’une urne ».

Un montant relativement important donc, qui sera le plus souvent utilisé seulement 10, 15, 20 voire 30 ans après la signature du contrat. « Nos clients ont entre 55 et 75 ans, avec un niveau de revenu moyen. Il ne s’agit pas de personnes très riches qui elles, d’habitude, n’effectuent pas ce genre de démarche. Ce sont des gens du peuple, qui veulent s’assurer qu’ils ne laisseront pas de dettes à leurs proches survivants et que leurs dernières volontés seront bien exécutées. En général, ils viennent nous voir lorsque leurs enfants ont quitté la maison ou quand il arrivent à l’âge de la retraite », détaille Yvan Rodrigue.

« LE PRÉARRANGEMENT RÉPOND À TROIS BESOINS DES CLIENTS »

Qu’il s’agisse d’une assurance vie classique ou d’un préarrangement, que seuls les directeurs de funérailles (c’est-à-dire les entreprises de pompes funèbres) ont le droit d’offrir en vertu de la législation qui encadre l’activité de ce secteur, il peut s’écouler un long délai entre la signature et l’exécution du contrat.

Par conséquent, la somme versée par le client devra être capitalisée dans l’intervalle. Dans le cas d’un préarrangement, explique Yvan Rodrigue, « la loi 162 a été mise en place pour protéger le consommateur et s’assurer que son argent soit bien déposé dans des fiducies au cas où la compagnie ferait un jour faillite » (voir l’encadré). Dans celui d’une assurance vie, celui-ci est également couvert puisque son distributeur est soumis à la Loi sur la distribution de produits et services financiers et supervisé par l’Autorité des marchés financiers.

Si les clients sont donc couverts dans les deux cas, ont-ils plutôt intérêt à opter pour un préarrangement ou pour une assurance vie? Si l’on en croit les spécialistes que Conseiller a rencontrés, cette question n’a pas vraiment de réponse. « Il s’agit de deux produits complètement différents. L’assurance vie, c’est un montant d’argent que les gens donnent à une compagnie pour s’assurer qu’au moment de leur décès leurs proches reçoivent une certaine somme. Tandis qu’un arrangement préalable de services funéraires, qui n’est pas un produit financier à proprement parler, répond à trois grands besoins des consommateurs : avoir la certitude que leurs dernières volontés seront respectées par rapport au genre de funérailles qu’ils désirent; soulager leurs proches, enfants ou exécuteurs testamentaires lors de leur décès en leur épargnant diverses formalités et en leur évitant d’avoir à prendre des décisions sous le coup de l’émotion; et enfin “geler” le coût des frais funéraires », détaille Yvan Rodrigue.

La Fédération des coopératives funéraires du Québec (FCFQ) soutient par ailleurs que cette formule constitue « un placement avisé », puisque « au moins 90 % des montants confiés [à une entreprise de pompes funèbres] sont déposés chez un fiduciaire reconnu ». Autrement dit, résume-t-elle, « c’est l’assurance de recevoir demain des services au prix d’aujourd’hui ».

L’ASSURANCE VIE, OUTIL DE TRANSFERT DE PATRIMOINE

« Les clients qui viennent nous voir ont souvent le désir d’enlever tout souci financier à leur entourage après leur décès », constate également Nathalie Tremblay, responsable du secteur Produits d’assurance vie et santé chez Desjardins Sécurité financière (DSF). Outre le préarrangement, ils ont le choix entre deux options : prendre une assurance vie ou investir le montant que coûteraient aujourd’hui leurs obsèques.

La première solution constitue « un excellent outil de transmission de patrimoine » et est idéale « dans l’optique où l’objectif premier est de laisser un montant d’argent à ses proches », affirme-t-elle. « Lors de sa rencontre avec un conseiller, le client peut demander qu’une certaine somme destinée à couvrir le coût des frais funéraires soit ajoutée au montant qu’il souhaite léguer à sa famille. Il est possible que ce coût fluctue au fil du temps, mais au moment voulu l’argent de l’assurance sera versé à la succession, qui réglera en priorité les frais funéraires avant de distribuer le restant aux héritiers », détaille la représentante de DSF. Toutefois, poursuit-elle, dans ce cas, le client devra aussi préciser ses demandes dans un testament, si possible déposer ses volontés funéraires auprès de l’entreprise de pompes funèbres et, en outre, « il aura intérêt à en parler avec sa famille pour la tenir informée de son choix et éviter ainsi toute mauvaise surprise ».

CERTAINS INCONVÉNIENTS…

« Beaucoup de gens procèdent ainsi, note Nathalie Tremblay. Mais dans le cas d’une personne souhaitant uniquement couvrir les frais liés à ses obsèques, l’assurance vie présente certains inconvénients, notamment si elle souscrit une police alors qu’elle est encore jeune et qu’elle décède longtemps après », reconnaît la dirigeante. « Mettons qu’une personne de 50 ans s’assure à hauteur de 10 000 dollars pour couvrir ces frais. Si elle vit jusqu’à 95 ans, et avec un taux d’inflation moyen de 2 %, elle aura besoin de 25 000 dollars et elle devra souscrire un montant plus élevé que cela ne coûte aujourd’hui. Donc si elle meurt rapidement, une partie de cet argent ira à la succession. Mais si tout ce qu’elle désirait était de couvrir ses frais funéraires, l’assurance vie peut ne pas être complètement adéquate. »

De plus, cette option « présente un danger dans le cas où la succession serait déficitaire, c’est-à-dire qu’elle aurait plus de dettes que d’actif », relève Nathalie Tremblay. La raison? « Dans cette situation, les héritiers pourraient la refuser et elle serait alors confiée aux Biens non réclamés de Revenu Québec. Néanmoins, ce cas de figure est prévisible et un conseiller en sécurité financière pourrait alors proposer d’autres solutions », indique-t-elle.

CONSULTER UN CONSEILLER EN SERVICES FINANCIERS

La seconde option consiste à s’adresser à un conseiller en services financiers. « L’idée est d’évaluer le montant qu’il en coûterait aujourd’hui et de l’investir afin de le faire fructifier pour qu’il soit suffisant lorsque le décès surviendra », résume Nathalie Tremblay. Dans ce cas, explique-t-elle, le client devra d’abord rencontrer un employé de l’entreprise ou de la coopérative de services funéraires pour procéder à cette évaluation en fonction de ses choix (cercueil, urne, salle, cimetière, etc.). Le moment venu, la succession devra régler les frais avec l’argent investi.

« L’un des avantages de cette approche est que, pendant 10, 20 ou 30 ans, les sommes déposées vont générer un rendement qui viendra enrichir la succession au lieu de revenir à l’entreprise de pompes funèbres, dans la mesure bien sûr où le rendement réalisé surpasse l’inflation », note la représentante de DSF. S’il choisit cette solution, le client a intérêt à remplir un formulaire de « dépôt de volontés », disponible dans certaines entreprises funéraires, notamment les coopératives. S’il constitue une indication pour les proches, ce document n’a pas force de loi et, contrairement à un arrangement préalable, il n’offre aucune protection en cas de hausse des prix, met cependant en garde la FCFQ.

Interrogée sur la formule du préarrangement funéraire, Nathalie Tremblay juge qu’il s’agit là d’« une solution intéressante pour les gens qui doivent planifier leur fin de vie dans un court délai et pour les personnes âgées qui veulent avoir l’esprit en paix ». Néanmoins, elle souligne que cette approche ne convient pas forcément à tout le monde : « Si le client est relativement jeune, l’argent qu’il verse à la maison funéraire devra être placé en fiducie pour être sûr que lors de son décès le montant sera suffisant pour couvrir les frais liés à ses obsèques. Donc s’il s’écoule beaucoup de temps entre la signature du contrat et la date de sa mort, ce n’est peut-être pas la meilleure solution du point de vue financier. » En outre, ajoute-t-elle, « la plus-value enregistrée si le rendement dégagé dépasse le niveau de l’inflation revient à l’entreprise de pompes funèbres plutôt qu’à la succession ».

Par contre, ajoute-t-elle, « lorsqu’une personne très malade ou très âgée procède à un tel arrangement, l’argent ne reste pas longtemps en fiducie car celle-ci va décéder à court terme ». Et en fin de compte, « le fait de savoir que tout est réglé représente un tel soulagement pour certains clients que cela peut valoir la peine ».

Préarrangement : comment ça marche?

La loi prévoit que seul le titulaire d’un permis de directeur de funérailles, ou son représentant, peut négocier ou conclure un contrat d’arrangements préalables, indique l’Office de la protection du consommateur (OPC). Pour vérifier si l’entreprise avec laquelle il fait affaire est en règle, un client peut consulter le Répertoire des directeurs de funérailles sur le site web du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Concrètement, une personne intéressée par ce type de prestation commencera donc par planifier la manière dont elle veut que ses obsèques soient organisées en rencontrant un employé de la compagnie funéraire. Aux termes de la loi, cette dernière doit ensuite déposer dans un compte en fidéicommis au moins 90 % de l’argent versé, le reste servant à couvrir ses frais de vente et d’administration. C’est l’institution financière avec laquelle l’entreprise de pompes funèbres fait affaire qui s’occupera de gérer ces fonds et de veiller à ce qu’ils soient disponibles au moment du décès du souscripteur. « Ce ne sont donc pas les directeurs de funérailles qui choisissent les placements ni la façon dont l’argent est investi, ils ont juste un droit de regard », souligne Yvan Rodrigue.

LES PLACEMENTS DOIVENT ÊTRE SÉCURITAIRES

La loi spécifie également que l’institution financière choisie doit effectuer des placements sécuritaires pour s’assurer que le capital versé offrira un rendement couvrant au moins le niveau de l’inflation. Par ailleurs, moyennant certaines conditions, le client peut en tout temps modifier ou résilier son contrat de préarrangement et demander à être remboursé, « par exemple s’il déménage ou part vivre à l’étranger », indique Yvan Rodrigue. En cas d’annulation, il recevra son capital de départ indexé sur le coût de la vie durant la période où l’argent a été placé, moins une pénalité de 10 %.

« Autrement dit, quelqu’un qui aurait souscrit un arrangement préalable d’une valeur de 5 000 dollars pendant cinq ans devra acquitter une pénalité de 500 dollars. Il recevra donc un chèque de 4 500 dollars, plus une somme correspondant au niveau de l’inflation au cours des cinq dernières années », résume le président d’Urgel Bourgie. « Et lorsque l’argent déposé en banque a rapporté davantage que le coût de la vie, les excédents reviennent à l’entreprise funéraire », précise-t-il.

La rédaction