Assurer la survie du conseil indépendant

Par La rédaction | 16 mars 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’indépendance du conseil, alors qu’il conduit à l’achat d’un produit spécifique, est une question qui agite la profession depuis de longues années. À l’heure d’Internet et de la prochaine entrée en vigueur du projet de loi 141, Charles Hunter-Villeneuve propose quelques pistes de réflexion dans sa dernière chronique sur LinkedIn.

Planificateur financier à Diversico, Experts-conseils, il estime notamment qu’« un conseil totalement objectif sans une surveillance indépendante externe, ça n’existe pas » et prévient l’industrie que « les médias et la population en général » pourraient ne pas être dupes encore bien longtemps. À quelques semaines du lancement d’un « label d’indépendance » des professionnels du secteur, Conseiller lui a posé quelques questions.

Conseiller : Vous affirmez que seul le conseiller indépendant est impartial…

Charles Hunter-Villeneuve : Avec le projet de loi 141, l’environnement du conseiller va changer parce qu’on diminuera un peu la valeur du conseil. Dans ces conditions, comment on fait pour distinguer un professionnel qui travaille vraiment dans l’intérêt du client par rapport à un autre? Il y a trois critères : il doit être transparent, objectif et indépendant, ce qu’on peut résumer sous l’acronyme TOI.

Je ne veux pas dénigrer ce que les autres font, je veux juste souligner un fait : comment un conseiller pourrait-il prétendre qu’une seule et même compagnie, en l’occurrence celle pour laquelle il travaille, est la meilleure pour toutes les catégories d’actif, par exemple en matière de placements? Une même compagnie ne peut pas être la meilleure à la fois en revenus fixes, en actions canadiennes, en actions américaines, en actions internationales, pour les pays émergents… Ça n’a pas de sens! Aucune compagnie ne peut prétendre être la meilleure dans tous les secteurs, ça n’existe pas. En réalité, un conseiller réellement indépendant doit pouvoir choisir le meilleur pour son client en allant magasiner à plusieurs endroits.

C : Mais comment un client peut-il obtenir cette information?

CHV : Il est en effet aujourd’hui très difficile pour un consommateur d’avoir la certitude qu’il reçoit un service réellement « objectif ». C’est pourquoi Daniel Guillemette a mis sur pied le mouvement et l’accréditation Asteris, dont le lancement aura lieu le 12 avril à Montréal. Ce mouvement s’adresse à tous les conseillers désireux d’avoir leur « machine de valeur ajoutée » afin d’être mieux positionnés sur le marché si demain les commissions sont diminuées ou abolies.

On l’a baptisé Asteris, d’après un mot qui se rapporte aux étoiles, puisque, autrefois, les gens se guidaient à l’aide des étoiles. Il y a aussi un rapport avec la bande dessinée Astérix, ce Gaulois qui vit sa vie dans son village mais qui, lorsqu’il se fait attaquer, n’hésite pas à se défendre. Cela dit, nous ne sommes pas des « revendicateurs », tout ce que nous voulons, c’est créer un mouvement qui accélère le passage vers un conseil transparent, objectif et indépendant, et assure la survie du conseil indépendant.

L’objectif de départ est de rassembler au moins 150 membres fondateurs d’ici au lancement mais, demain, nous souhaitons qu’il y ait un maximum de clients qui réclament un conseiller accrédité Asteris. Ainsi, le consommateur pourra désormais savoir exactement à qui il a affaire, puisque ces conseillers devront divulguer toutes les formes de conflits d’intérêts qui pourraient les concerner. Il y a également d’autres critères, mais je ne peux pour l’instant les divulguer.

C : Il s’agit donc d’une nouvelle association?

CHV : Nous ne voulons pas monter d’association. Ce qu’on veut, c’est créer un mouvement qui aura pour objectif d’accélérer le passage à un conseil transparent, objectif et indépendant. Ce qu’on veut, c’est apporter les transformations nécessaires à la survie du conseil indépendant et à son expansion. Et la concrétisation de cette idée-là se nommera Asteris, avec un site web, Asteris.ca, qui sera opérationnel dans quelques jours. Notre objectif est de nous rapprocher du client, parce qu’avec l’arrivée d’Internet, notamment, les commissions pourraient disparaître. Donc, nous entendons nous positionner de manière à ce que notre valeur ajoutée soit telle que le client ne puisse pas se passer de nous.

Éventuellement, on souhaite passer à un mode de conseil à honoraires, parce que demain nous allons nous retrouver en compétition avec nos propres fournisseurs. Alors si une personne peut acheter directement ses produits à un agent général, elle n’aura plus forcément besoin de l’intermédiaire conseiller. C’est pour éviter cela que nous devons absolument nous positionner comme étant notre propre « machine de valeur ajoutée » et offrir des services à la fois transparents, objectifs et indépendants.

C : Comment « mesurer » le degré d’objectivité d’un conseil? Par le biais d’un contrôle externe?

CHV : Je n’aime pas les termes de contrôle ou de surveillance, parce qu’ils ont une connotation négative. En réalité, avec l’accréditation Asteris, il s’agit davantage de garantir au public que le conseiller avec lequel il traitera sera « TOI ». Et si ce dernier est accrédité par notre mouvement, il sera forcément transparent, puisqu’il sera obligé de divulguer le montant de ses commissions ainsi que ses conflits d’intérêts potentiels. Il sera aussi objectif, car il aura accès à plusieurs compagnies pour choisir le produit le mieux adapté à son client. Enfin, il sera indépendant puisqu’il ne sera pas lié à une seule et même compagnie.

Mais on ne veut pas que ce résultat soit obtenu par une campagne de surveillance, ce n’est pas le message qu’on veut passer à la profession.

C : Qu’est-ce qui détermine le niveau de risque de conflit d’intérêts?

CHV : Premièrement, il faut savoir pour qui travaille le conseiller, et s’il a ou non les mains liées. Comment savoir s’il travaille dans le meilleur intérêt du client? Pour en avoir le cœur net, il faut lui poser des questions, par exemple combien cela coûte-t-il de recevoir des services financiers? Beaucoup de gens ignorent cette information, donc il faut la demander. Ensuite, il faut savoir si le conseiller a accès à tous les types de placements. Avec l’accréditation Asteris, notre but est de simplifier au maximum la tâche du consommateur, car celui-ci aura désormais l’assurance qu’il a affaire à un professionnel « TOI » ayant accès à plusieurs compagnies, sans conflits d’intérêts et prêt à divulguer sa rémunération.

La rédaction