Bonification du RRQ : des réactions mitigées

Par La Presse Canadienne | 3 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le gouvernement du Québec a finalement annoncé hier qu’il bonifiait les rentes versées aux retraités par le Régime de rentes du Québec (RRQ) — une importante mesure de lutte contre la pauvreté.

Le ministre des Finances, Carlos Leitao, a déposé son projet de loi à cet effet jeudi. En vertu de celui-ci, on ajoutera au régime de base un nouveau régime à compter de 2019. La rente de retraite passera d’un taux de remplacement du revenu de 25 % à 33,33 %.

Pour y parvenir, il faudra hausser les cotisations graduellement pour atteindre 2 % par année.

Le maximum des gains admissibles, soit le salaire maximal sur lequel est calculé la cotisation du travailleur au RRQ, sera haussé de 14 %.

À titre d’exemple, pour des revenus de travail moyens de 40 000 $, la rente de retraite annuelle totale atteindra 13 320 $, soit une rente supplémentaire de 3 320 $.

Des mesures ont été prises pour que la hausse des cotisations n’affecte pas trop les travailleurs qui ont un faible salaire. Ainsi, le gouvernement fédéral a déjà bonifié la Prestation fiscale pour rente de travail (PFRT), qui vise justement à soutenir les bas salariés, note le ministre Leitao.

« L’impact net sur le portefeuille ne sera pas problématique », assure-t-il.

Il souligne aussi qu’il y aura également augmentation de la rente d’invalidité et de la rente au conjoint survivant.

COMME LES AUTRES

Jusqu’ici, Québec avait refusé de signer l’entente de Vancouver, conclue en juin 2016 par les autres provinces canadiennes, qui permettait de hausser progressivement les cotisations au Régime de pensions du Canada l’équivalent du Régime de rentes du Québec afin de verser des rentes plus généreuses aux retraités.

Sans cette bonification annoncée aujourd’hui, un retraité du Québec aurait touché des rentes moindres qu’un retraité de l’Ontario ou du Manitoba.

Le ministre Leitao justifie son changement de cap par le fait que la consultation publique qui a eu cours au Québec en janvier dernier l’a convaincu qu’il existait un large consensus face à une telle réforme. Il souligne que la Prestation fiscale pour rente de travail a été rehaussée, permettant ainsi de compenser, pour les bas salariés, la hausse des cotisations au RRQ.

DES SATISFAITS

L’annonce a été saluée par ceux qui représentent les travailleurs et les jeunes, mais pas par les organisations patronales.

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) avait lancé sa campagne pour faire bonifier le RRQ lors de la Fête du travail en 2009. Elle avait formé une coalition d’une centaine d’organisations, incluant des jeunes et des étudiants, pour obtenir de telles modifications au bénéfice des retraités les plus pauvres.

« C’est une excellente nouvelle pour les Québécois, les Québécoises et surtout pour les gens les plus mal pris de la société. Il faut se rappeler qu’il y a 6 travailleurs sur 10 au Québec qui n’ont aucun régime de retraite. Donc souvent, ces gens-là arrivent à la retraite et le reste de leur existence se vit dans la pauvreté », commente au cours d’une entrevue avec La Presse canadienne le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux.

La FTQ avait même commandé un sondage auprès de la population qui démontrait un fort appui populaire à une telle hausse. « Finalement, le gouvernement entend le bon sens. Il va légiférer dans le sens souhaité par la population. C’est une hausse qui n’est pas négligeable pour les gens qui n’ont pas de régime de retraite », ajoute M. Cadieux.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui ont aussi fait campagne pour cette cause, se réjouissent de la bonification, « qui contribuera à améliorer la retraite de l’ensemble des Québécois ».

Le groupe Force jeunesse félicite aussi le gouvernement. La bonification annoncée « représente un gain important pour les jeunes qui font actuellement leur entrée sur le marché du travail, la classe moyenne et les personnes à faible revenu ou en situation d’emploi atypique », commente sa présidente, Sophie Tremblay.

DES PRÉOCCUPÉS

Le son de cloche est tout autre à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui craint les répercussions sur les petites entreprises. « Si on peut s’entendre qu’il est souhaitable que les Québécois bénéficient d’une retraite décente, cette proposition obligera les ménages à épargner plus dans un seul outil qui n’est peut-être pas le meilleur pour eux », affirme sa vice-présidente principale, Martine Hébert.

La FCEI rappelle que ces hausses de cotisations s’ajoutent à la hausse du salaire minimum et à celle de l’assurance-emploi. « En bout de ligne, les employeurs se retrouvent avec des hausses de cotisations importantes sur leur masse salariale qui leur enlève de la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour bonifier les salaires, les heures travaillées », ajoute-t-elle.

À la Fédération des Chambres de commerce du Québec, le PDG Stéphane Forget s’est dit « préoccupé » pour la compétitivité des entreprises québécoises, compte tenu du fait que les taxes sur la masse salariale y sont plus élevées que dans les autres provinces.

En chiffres

  • Revenu de travail de 20 000 $ : la rente de retraite annuelle totale sera de 6 660 $, soit une rente supplémentaire de 1 660 $.
  • Revenu de travail de 40 000 $ : la rente de retraite annuelle totale sera de 13 320 $, soit une rente supplémentaire de 3 320 $.
  • Revenu de travail de 80 000 $ : la rente de retraite annuelle totale sera de 20 268 $, soit une rente supplémentaire de 6 948 $.

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