Brexit : la chasse aux banquiers est ouverte

Par La rédaction | 19 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Dans la foulée du Brexit, les grandes banques internationales pourraient délocaliser jusqu’à 40 000 postes du Royaume-Uni vers le Vieux Continent. La France et l’Allemagne se disputent cette main-d’œuvre haut de gamme.

Entre Paris et Francfort, la capitale financière allemande, « la guerre fait rage » pour attirer les employés des institutions financières qui s’apprêtent à déménager leurs bureaux, indique le magazine économique français Capital. La raison? Profiter de la manne que représentent ces « demandeurs d’asile d’un nouveau genre », qui bénéficient le plus souvent de (très) hauts revenus.

Pour les inciter à rester dans la Ville Lumière, le gouvernement français a par exemple l’intention de proposer, dans son prochain budget, un cadeau fiscal supplémentaire aux établissements bancaires qui s’installeront dans l’Hexagone, soit une baisse de 20 % à 13,6 % de la taxe sur les salaires du secteur financier supérieurs à 152 000 euros (environ 224 000 dollars canadiens). De plus, le taux de l’impôt sur les sociétés devrait passer de 33,3 % à 25 % d’ici à 2022, comparativement à 30 % environ en Allemagne.

L’ALLEMAGNE A L’AVANTAGE

Pour l’instant, c’est néanmoins l’Allemagne qui a pris l’avantage dans cette bataille de la haute finance, et une dizaine de banques, dont Citigroup, Morgan Stanley, Goldman Sachs et UBS, ont déjà choisi Francfort comme nouveau quartier général. À ce jour, seule HSBC a annoncé son intention de s’installer à Paris. Mais en réalité, souligne Capital, « les établissements financiers n’ont que faire des susceptibilités nationales », car ce qui les motive avant tout « est de préserver, aux meilleures conditions, leur accès au marché unique » lorsque le Brexit sera effectif.

Ainsi, les deux métropoles entendent bien récupérer chacune au moins 10 000 postes de banquiers venus de Grande-Bretagne, « à quoi s’ajouteront des milliers d’autres emplois induits dans les services », comme des avocats, des ingénieurs, des développeurs, des courtiers ou encore des comptables, explique le magazine. Toutefois, poursuit-il, le mouvement de délocalisation ne se fera pas du jour au lendemain. « Ce n’est pas d’un coup que des milliers de financiers vont débarquer à Francfort avec leurs familles », confirme Stefan Winter, président de l’Association des banques étrangères en Allemagne.

Pour tenter de renverser la situation, Paris a décidé de multiplier les réformes fiscales destinées spécifiquement aux banques étrangères. Outre la baisse de la taxe sur les salaires les plus élevés et celle du taux de l’impôt sur les sociétés, la taxe sur les transactions journalières programmée par le précédent gouvernement vient par exemple d’être supprimée. De même, les bonus seront désormais exclus du calcul des indemnités en cas de rupture du contrat de travail, ce qui facilitera les licenciements de traders. Quant au fameux « impôt sur la fortune », il se transformera « en simple impôt immobilier », détaille Capital. Enfin, la France a annoncé son intention d’ouvrir trois lycées internationaux au cours des prochaines années et de créer à Paris une chambre anglophone spécialisée dans les contentieux d’affaires.

PARIS NE MANQUE PAS D’ATOUTS

« Tout cela suffira-t-il à ramener dans la Ville Lumière les brebis égarées en Allemagne? Peut-être », écrit le magazine. « Un certain nombre d’établissements qui vont établir leurs structures juridiques à Francfort nous disent qu’ils localiseront quand même une activité importante à Paris, souvent l’activité de marché. Au moins dans un premier temps, il y aura pour la plupart de ces banques une répartition des activités entre deux ou trois places », explique dans Capital Christian Noyer, un ex-gouverneur de la Banque de France.

Selon le magazine, Paris possède par ailleurs « beaucoup d’atouts » pour accueillir les banquiers venus du Royaume-Uni, notamment « sa beauté, ses musées, sa douceur de vie et ses restaurants étoilés », mais aussi « un vrai savoir-faire et un pool de talents qui intéressent les financiers ». En revanche, Francfort peut se targuer d’avoir « une stabilité réglementaire et politique remarquable » ainsi qu’« un immobilier de bureaux 40 % moins cher que dans la capitale française » et des charges sociales plus légères qu’en France.

Mais la partie est cependant loin d’être gagnée pour la capitale française, met en garde Capital, car « trois outsiders sérieux sont aussi sur les rangs » : Amsterdam, Luxembourg et Dublin.

Brexit : les pronostics des grandes banques

Alors que plusieurs institutions financières implantées dans la City songent à délocaliser leurs activités sur le Vieux Continent, deux d’entre elles se sont lancées dans un « jeu des pronostics », rapporte La Tribune.

Ainsi, Malcolm Barr, économiste chez JP Morgan, vient d’estimer qu’avec « la possibilité d’un ‘no deal‘ ayant pris une part active du débat politique britannique ces dernières semaines, notre confiance (…) a été un peu ébranlée ». Résultat, la banque américaine estime désormais la probabilité d’une absence d’accord à 25 %, contre 15 % auparavant.

COÛT DU BREXIT : JUSQU’À 19 000 $ PAR HABITANT

De son côté, Rabobank a calculé, dans un récent rapport, qu’un « hard Brexit » coûterait quelque 400 milliards de livres (658 milliards de dollars canadiens) au Royaume-Uni d’ici à 2030, soit l’équivalent de 11 500 livres (19 000 dollars) par habitant.

Les autres scénarios de la banque néerlandaise anticipent une perte de croissance de 12,5 % du produit intérieur brut britannique (soit 9 500 livres par habitant, ou 15 600 dollars) dans le cas d’une signature d’accord de libre-échange d’ici fin mars 2019, et de 10 % du PIB (soit 7 500 livres par habitant, ou 12 300 dollars) dans l’hypothèse d’un « soft Brexit », qui verrait la Grande-Bretagne quitter l’union douanière mais demeurer dans le marché unique.

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