Brookfield, le géant financier incompris

Par La rédaction | 14 février 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : lightwise / 123RF

La structure du groupe financier Brookfield est si complexe qu’il en devient difficile de vraiment décrire de quel type d’entreprise il s’agit. Il est contrôlé par 40 personnes avec très peu de transparence mais, pour l’instant du moins, dirigeants et actionnaires s’en mettent plein les poches, révélait récemment le Financial Times.

Brookfield a notamment fait parler d’elle lorsqu’elle a loué en 2016 une tour à bureaux de Manhattan qui menaçait de faire sombrer l’entreprise de Jared Kushner, le gendre de Donald Trump. 

Les actifs de l’entreprise valent environ 500 milliards de dollars américains (663 G$ CA). Pendant six mois, le Financial Times a mené une enquête pour comprendre exactement comment fonctionne cette entreprise basée à Toronto. Elle la décrit comme « très secrète, apparemment obsédée par le contrôle et vulnérable aux chicanes de famille qui trouvent peu d’équivalents à Wall Street ». 

LA MONTÉE DE DEUX FRÈRES BRONFMAN

C’est chez Seagram en 1952 que débute l’aventure de Brookfield. Le fondateur, Samuel Bronfman, met à la porte ses deux neveux, Peter et Edward Bronfman, et les oblige à vendre leurs actions en dessous de leur valeur. Le comptable Jack Cockwell décide de s’associer aux deux frères pour démarrer leur propre entreprise.

Ils acquièrent par la suite Brascan. L’entreprise est assise sur un tas d’argent, puisque le gouvernement brésilien lui a racheté la compagnie d’électricité dont elle était propriétaire. M. Cockwell et les deux frères Bronfman utilisent Brascan, inscrite à la Bourse de New York, pour acheter et gérer des brasseries, des équipes sportives, des forêts, des mines, de l’immobilier, des courtiers immobiliers et même des banques d’investissement.

Edward et Peter Bronfman deviennent ainsi deux des hommes les plus riches du Canada. En 1989, Edward vend ses parts et se retire. Peter reste et orchestre la transaction qui fera naître Brookfield. 

NAISSANCE D’UN GÉANT

En 1993, l’immobilier ne se porte pas bien et Brascan se départit de plusieurs actifs. Peter Bronfman cherche une porte de sortie. Il fusionne alors avec Pagurian Corporation, détenue par… Jack Cockwell. Pagurian est aujourd’hui Brookfield Asset Management (BAM). Ses actionnaires ont touché un rendement annuel composé de 18 % au cours du dernier quart de siècle.

Ses dirigeants semblent bien en selle pour une autre raison que leur performance financière. BAM détient la majorité d’une entreprise nommée Partners Limited. Les 40 individus membres de Partners détiennent un cinquième des actions de BAM, mais assez de votes pour nommer neuf de ses 16 administrateurs. Ils peuvent aussi rejeter les motions des autres actionnaires. L’identité des 40 partenaires n’est pas claire, mais on sait que Jack Cockwell, qui siège encore au conseil d’administration de BAM et Bruce Flatt, son PDG, en font partie.

DE NOMBREUSES RAMIFICATIONS

L’achat de la tour de Jared Kushner illustre bien la complexité de Brookfield. Cette dernière a payé près d’un siècle de loyer à l’avance, pour une tour que Jared Kushner n’arrivait pas à vendre ni à louer en raison de son mauvais état. Le bail a été signé par une entreprise nommée BSREP III Nero LLC, elle-même détenue par le fonds BSREP III, géré par BAM et, à l’époque, contrôlée par Brookfield Property Partners (BPY), une entité séparée de BAM, mais que tout le monde appelle… Brookfield. Vous suivez toujours?

L’un des plus gros investisseurs de BPY est le Qatar, qui détient pour 1,8 million de dollars américains (2,4 M$ CA) d’actions privilégiées. En théorie, le Qatar peut choisir un administrateur de BPY et recevoir des informations confidentielles que les autres investisseurs ne peuvent pas avoir. Brookfield soutient que le royaume n’a jamais exercé ces droits. 

En 2013, un rapport de la Securities and Exchange Commission soulignait les risques liés à la structure de BMA, qui « sépare les intérêts économiques du contrôle ». Une version précédente, plus abrupte, la comparait à une entreprise pyramidale… 

La rédaction