Canac mise en demeure

Par La rédaction | 30 avril 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Capture d’écran

La chaîne de quincaillerie Canac doit cesser « immédiatement » sa campagne publicitaire lancée au début du mois d’avril, exige l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).

Dans un communiqué diffusé lundi, l’APCSF indique avoir fait parvenir une mise en demeure à la compagnie par l’entremise de son avocat, Me Maurice Charbonneau. Concrètement, l’Association somme Canac de « retirer immédiatement sa publicité tendancieuse », car celle-ci « dénigre le travail des conseillers en services financiers ».

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« Quand vous voyez une publicité dans laquelle on laisse tomber du plâtre du plafond sur un conseiller en train de travailler avec son client et qu’une voix off dit que “Canac aide pour vrai”, il est clair que ça vise à discréditer notre profession. Alors même si ce n’est pas directement une insulte, c’est en tout cas sans aucun doute discriminatoire et cela mérite donc une réponse forte. Dans notre industrie, la confiance et la crédibilité sont la base de toute relation avec les consommateurs, et nous ne permettrons pas que cela soit remis en cause », explique Flavio Vani en entrevue avec Conseiller.

« NOUS VOULONS QUE LA PROFESSION SOIT RESPECTÉE »

« Depuis deux ou trois ans, les conseillers sont devenus en quelque sorte des têtes de Turc, poursuit le président de l’Association. Nous sommes attaqués régulièrement, soit par des groupes de pression dans le cadre du MRCC 2, soit par d’autres groupes qui veulent nous retirer nos commissions, entre autres. Et aujourd’hui, on voit cette campagne de publicité qui fait rire de nous. Alors maintenant, ça va faire! La crédibilité de notre profession est vitale, et l’APCSF et tous ses membres pensent qu’elle passe avant tout par le respect de son travail. On en a marre d’être pris pour cibles. À un moment, il faut donner un coup d’arrêt à ces tentatives de décrédibiliser notre métier et ce moment est arrivé. »

Flavio Vani estime par ailleurs que « toutes ces attaques sont liées ». « On commence par dire qu’on veut davantage de clarté dans les commissions perçues et les services donnés aux clients. Ensuite, il y a une campagne pour pousser à la suppression des commissions au prétexte que les professionnels seraient trop gourmands. Maintenant, c’est au tour de certains commerçants de laisser entendre aux consommateurs que l’industrie du conseil serait quelque chose d’inutile, voire futile, et que le fait de rencontrer un conseiller en services financiers n’apporterait rien puisque, en réalité, on peut très bien se débrouiller tout seul. »

Jugeant que la balle est désormais dans le camp des dirigeants de Canac, Flavio Vani appelle ces derniers à « prendre toutes leurs responsabilités ». « Mais de notre côté, prévient le patron de l’APCSF, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cesse cette campagne qui dénigre notre profession. Y compris, si cela s’avérait nécessaire, en allant devant la justice comme c’est notre droit car, en tant que syndicat professionnel, nous avons pour mandat de défendre l’intérêt et la crédibilité de nos membres et de la profession. »

CANAC FAIT PREUVE D’« UN PROFOND MÉPRIS »

Le président de l’APCSF n’est pas le seul acteur de l’industrie à avoir été choqué par le message véhiculé dans les récentes publicités de Canac, qui suggère aux consommateurs de laisser tomber la demande de conseils pour faire des choses plus « utiles » et se conclut avec le slogan « Canac aide pour vrai », sous-entendant ainsi que ce n’est pas le cas avec les conseillers. Ces publicités « massacrent la profession des conseillers », regrette par exemple Daniel Guillemette.

Le président de Diversico, Experts-Conseils accuse même la chaîne de quincaillerie de faire preuve d’« un profond mépris pour les 32 000 conseillers du Québec qui “aident pour vrai” les clients qu’ils desservent ».

Dans une récente entrevue accordée à Conseiller, Daniel Guillemette se disait par ailleurs inquiet de l’incidence que cette campagne publicitaire pourrait avoir sur les consommateurs en général. « Canac montre un conseiller qui a l’air d’un sans-dessein et qui ne sert à rien… [La chaîne de magasins] traite la profession de conseiller de manière disgracieuse pendant que l’État dépense des fortunes pour faire valoir la valeur du conseil », déplorait-il.

Le patron de Diversico faisait en outre remarquer qu’il n’existe, a priori, aucun lien entre un quincailler et le fait d’aider les Québécois à mettre de l’ordre dans leurs finances personnelles. Au contraire, même, concluait-il, puisque l’objectif de Canac est d’amener les gens à dépenser davantage en achetant ses produits.

DES PUBLICITÉS « DÉPLORABLES », SELON LA CSF

La Chambre de la sécurité financière avait elle aussi réagi, jugeant les publicités de la chaîne de quincaillerie « déplorables », selon sa porte-parole. « Des gens bien conseillés sont des gens bien protégés : la CSF et ses membres travaillent d’arrache-pied pour […] les sensibiliser à l’importance de l’épargne à la planification de la retraite, mais aussi à l’importance de faire affaire avec un professionnel certifié, formé et soumis à un code de déontologie rigoureux », avait notamment déclaré Priscilla Franken.

Or, avait-elle ajouté, « cette publicité vient dire aux Québécois que le travail de ce professionnel est futile et ridiculise 32 000 professionnels [qui aident] les consommateurs québécois à réaliser leurs projets, à atteindre leurs objectifs d’épargne et, accessoirement, à budgéter leurs achats en quincaillerie pour leurs éventuelles rénovations ».

Directeur du marketing pour Canac, Patrick Delisle s’était dit « étonné » des réactions suscitées par la campagne du réseau de quincailleries, faisant valoir que le message des publicités n’était pas de présenter les conseillers comme étant inutiles, mais simplement de montrer « qu’avec les vrais prix de fous chez Canac, on peut rénover à peu de frais ».

Contacté par Conseiller, il avait assuré que « les personnages financiers ainsi que leur environnement de travail sont présentés avec tout le professionnalisme que l’on connaît de ces cabinets ou travailleurs ».

Il avait également indiqué que le groupe n’avait pas l’intention de retirer les publicités en cause. « Nous sommes convaincus que notre approche ne brime pas la profession et saura faire sourire les consommateurs (…) sur les situations cocasses qui s’y déroulent », avait conclu le dirigeant.

La rédaction