Cartes de crédit surchargées : comment intervenir?

Par André Giroux | 13 mai 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Ekaterina Minaeva / 123RF

« Je ne considère pas cela délicat de discuter avec mes clients de leur carte de crédit surchargée, explique Sophie Sylvain, planificatrice financière, Gestion du patrimoine, chez Desjardins. Cela fait partie du rôle d’éducation que l’on se doit d’exercer auprès de notre clientèle. Normalement, les gens sont ouverts à la discussion lorsque nous ne portons pas de jugement. Cela vient désamorcer le stress qu’ils ressentent quant à l’endettement, mais dont ils n’osent pas parler. »

De toute façon, l’enjeu s’annonce souvent de lui-même… puisqu’il est difficile de cacher des choses à son conseiller! « Quand on établit le bilan personnel de nos clients, on leur pose des questions précises sur le nombre de cartes, l’émetteur, le montant emprunté, les revenus d’emploi et les autres dettes, alors nous connaissons bien leur situation, souligne Fabien Major, conseiller en sécurité financière et président de Major Gestion privée. Généralement, les gens qui affrontent des difficultés le reconnaissent et recherchent des solutions. »

Il est si facile de se mettre dans le pétrin avec des cartes de crédit. Fabien Major estime que 20 % de sa clientèle rencontrent ce problème, particulièrement les jeunes de moins de 35 ans. « La carte de crédit constitue l’outil de consommation le plus dangereux, prévient le syndic Pierre Fortin, du cabinet Jean Fortin & Associés. Elle est beaucoup plus accessible que les autres modes d’emprunt, mais le taux d’intérêt (20 à 30 %) est quatre fois plus élevé que celui de la marge de crédit et le minimum à payer mensuellement est très faible, soit environ 3 %. » Un emprunt de 10 000 $ sur une ou plusieurs cartes de crédit ne requiert donc qu’un déboursé mensuel de 300 $. À ce rythme, inutile de préciser que le remboursement de la dette peut s’étaler sur une très longue période…

D’ABORD RÉDUIRE LA DETTE 

Pourtant, le consommateur n’a pas intérêt à prendre son temps. En effet, selon nos trois spécialistes, le remboursement de la dette doit être une priorité, et même primer l’épargne. « Avant de procéder à l’épargne, affirme Fabien Major, il faut endiguer les dettes coûteuses, dont celles des cartes de crédit. Avec les cartes des grands magasins par exemple, le taux d’intérêt peut atteindre 28 %. Donc quand vous remboursez, votre valeur nette augmente. Vous devez ensuite bâtir un fonds d’urgence pour parer aux coups durs. Ce n’est qu’une fois ces deux étapes franchies que vous pouvez épargner pour la retraite. »

Heureusement, le surendettement ne conduit pas fatalement à la faillite et il existe différentes pistes de solution pour le contrer. « Nous aidons le client à préparer un budget et à dégager un surplus, précise Pierre Fortin. Si on y arrive, la première chose que l’on suggère de rembourser, ce sont les cartes de crédit. »

La consolidation de dettes peut s’avérer une avenue intéressante, mais sous forme de prêt personnel plutôt que de marge de crédit. « Il faut se donner une période limite pour rembourser ses dettes, mentionne Pierre Fortin, par exemple cinq ans. »

Un avis que partage Sophie Sylvain : « La marge de crédit ne rend pas service à une personne qui a de la difficulté à gérer ses cartes de crédit. Elle offre trop de flexibilité parce qu’il est possible d’emprunter de nouveau après le remboursement du capital. L’endettement peut alors devenir une roue sans fin. Le prêt personnel oblige à une plus grande discipline, sans emprunter de nouveau. L’endettement diminue alors réellement. »

Autre piste qui peut être complémentaire à la consolidation : tenter d’obtenir une diminution du taux d’intérêt des cartes. « Je recommande systématiquement à mes clients aux prises avec un endettement élevé par carte de crédit de contacter l’émetteur de la carte et de demander une diminution du taux d’intérêt. Lorsque le client affirme qu’il regarde ailleurs, l’émetteur accepte parfois de le faire. Ce truc fonctionne trois ou quatre fois sur dix. L’un de mes clients a ainsi obtenu un taux d’intérêt de 12 ou 14 % », raconte Fabien Major.

Endettement c. conseillers

L’endettement important a une incidence majeure sur le travail des conseillers puisqu’il rétrécit la marge d’épargne. « Les individus et les familles trop endettés, comme les entreprises, ne peuvent engendrer de la richesse, rappelle Fabien Major. Dans une telle situation, nous ne pouvons fournir de conseils de placement, on ne fait que réparer les pots cassés. Parfois, certains sont tellement endettés qu’ils doivent couper dans leur assurance vie… C’est pathétique. Une fois ou deux par année, je perds des clients parce qu’ils retirent leurs investissements pour cause d’endettement. »

André Giroux