Clientèle orpheline : l’AMF fait « une mise au point »

Par Sophie Stival | 17 juin 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La clientèle orpheline en assurances de personnes est un secret de Polichinelle. L’AMF s’est enfin décidée à intervenir en publiant un avis le 23 mai dernier. Conseiller.ca fait donc le point sur les objectifs de l’Autorité, tout en prenant le pouls de l’industrie.

Dans ce communiqué, l’AMF prend acte d’une pratique qui fait en sorte que des clients peuvent se retrouver sans représentant et ne plus recevoir le service auquel ils ont droit.

Mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de réagir? Le porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge, nie que l’Autorité ait pu agir sous la pression de plaintes de consommateurs ou d’intervenants du milieu. « Il fallait prendre le temps de dresser un état de la situation, de compiler certaines données et informations afin de mettre en place l’intervention appropriée », explique-t-il à Conseiller.ca.

Avec cet avis, l’Autorité rappelle aux représentants et aux assureurs leurs obligations quant au service qu’ils offrent à leurs clients en vertu de contrats d’assurance de personnes. « À l’heure actuelle, il s’agit d’une mise au point avec l’industrie et ce n’est pas un règlement », précise M. Théberge.

Et toutes ces obligations découlent de la Loi sur les assurances et de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers. Par le pouvoir que lui confèrent ces lois, l’AMF peut donc faire cesser toute pratique qu’elle jugera non conforme, et imposer des sanctions administratives ou des ordonnances.

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Une responsabilité partagée

Les représentants qui quittent la profession ou qui n’ont plus de permis doivent faire en sorte que leur clientèle soit prise en charge par l’assureur en communiquant avec lui. « Je ne peux pas m’en aller et toucher simplement ce qui me revient. La loi est claire à ce sujet », rappelle M. Théberge.

L’assureur n’est pas en reste. Dans son communiqué, l’AMF rappelle que TANT l’assureur que le conseiller sont responsables du service à donner au client. « Si un assureur empêche un représentant de continuer de donner du service à un client, l’Autorité ne se retournera pas contre le représentant. L’avis mentionne que l’assureur doit prendre les moyens nécessaires pour qu’un autre représentant assure un service adéquat », précise l’Autorité à Conseiller.ca.

L’AMF ne sait pas combien de représentants sont visés par cet avis, tout comme elle ignore le nombre de clients orphelins au sein de cette industrie.

L’ACCAP salue la non-ingérence de l’Autorité

Selon Claude Di Stasio, cet avis reconnaît l’existence d’anciens contrats avec des ententes de rémunération qui vont au-delà de la vie active du représentant. L’AMF s’accommode ainsi de cette pratique du moment où un représentant s’occupe du contrat du client. « C’est ce qu’on espérait », commente la vice-présidente, Affaires québécoises à l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).

Selon Mme Di Stasio, les assureurs ont démontré qu’ils offraient un service à la clientèle où généralement le client ne se retrouve jamais entre deux chaises. « L’avis de l’AMF semble aller un peu plus loin. Désormais, il faut s’assurer qu’un représentant est également nommé à chaque dossier », affirme-t-elle.

Avec cet avis, l’Autorité évite donc de s’ingérer dans la relation de négociation et de rémunération entre les distributeurs et les manufacturiers. « Discutez, entendez-vous et je n’interviendrai pas tant que le client a du service », résume-t-elle.

Claude Di Stasio s’attend à ce que des agents généraux renégocient certaines ententes de rémunérations avec les manufacturiers afin de mieux servir cette clientèle orpheline. De nouvelles polices pourraient cesser le commissionnement des représentants à la retraite. On pourrait aussi verser un certain revenu à celui qui remplacera l’ancien conseiller. L’avenir le dira.

Un pas dans la bonne direction selon la CSF

La Chambre de la sécurité financière salue l’avis de l’AMF. « C’est un pas dans la bonne direction, déclare d’emblée Me Marie Elaine Farley, vice-présidente aux Affaires juridiques et corporatives de la CSF. L’Autorité reconnaît ainsi qu’elle est préoccupée par le dossier de la clientèle orpheline et elle met en quelque sorte son pied à terre », ajoute-t-elle.

Selon l’avocate, les intervenants devront s’entendre afin que les structures de rémunération permettent aux représentants de servir adéquatement leurs clients. « Personne ne veut travailler bénévolement », reconnaît-elle.

Comme les clients orphelins devront désormais être servis par des représentants dûment certifiés, il y a de bonnes chances que cela incite des conseillers à la retraite à céder leur bloc d’affaires, spécule Me Farley.

Les intervenants ont tous le même objectif, à savoir que le client soit bien servi et protégé. « Cet avis pourrait forcer certains assureurs à faire du ménage dans leurs pratiques commerciales », croit Me Farley. Tout est dans la loi, il faut maintenant laisser la chance aux coureurs.

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Sophie Stival