Comment réduire le risque des caisses de retraite?

Par Alexandre Daudelin | 14 juin 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
6 minutes de lecture

Le 27 mai dernier, l’International Foundation présentait sa 11e conférence sur la gestion des caisses de retraite après la crise, à l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal, devant plus de 300 personnes de l’industrie. Voici donc le dernier d’une série de quatre articles sur cette conférence.

Claude Lockhead, vice-président principal, Aon Conseil, est revenu sur les rendements souvent catastrophiques causés par la crise financière entre 2007 et le début de 2009. « Avec la baisse des taux d’intérêt depuis le début de la décennie et un rendement insuffisant, le degré de solvabilité médian des régimes de retraite s’est détérioré considérablement », a-t-il expliqué en début de présentation.

Il a ensuite rapporté les résultats d’un sondage publié par IFEBP en février dernier, qui sondait près de 400 fiduciaires de caisses de retraite canadiens du secteur public ou de régimes interentreprises. Le sondage révélait que la priorité était de générer des rendements dans un environnement de bas taux d’intérêt, suivi de la compréhension de risque et de l’appariement de l’actif et du passif.

Selon ce même sondage, près de 50 % des répondants ont déjà adopté ou considèrent adopter des stratégies d’investissements guidées par le passif (IGP).

Étape 1 : classification des risques M. Lockhead a mentionné que les risques d’investissements rémunérés (marchés boursiers, crédit, placements alternatifs), augmentaient la volatilité et le rendement, mais qu’ils pouvaient être diversifiés.

À l’inverse, les risques d’investissements non rémunérés (taux d’intérêt, taux d’inflation, devise) augmentaient la volatilité, mais pas le rendement. Par conséquent, qu’il fallait le réduire ou l’éliminer complètement.

Enfin, les autres risques (démographiques, design, légal, gouvernance) pouvaient être gérés et éliminés.

« Il est primordial de mesurer le risque relatif contre le passif » a-t-il souligné. « Le budget de risque typiquement alloué aux actions est très important et non corrélé avec la passif. »

Étape 2 : approche de construction de portefeuille M. Lockhead a expliqué qu’un portefeuille est constitué de deux blocs, soit la composante IGP et la composante de croissance. « La composante IGP minimise le risque non rémunéré de l’actif par rapport au passif, et vise à réduire les risques de taux d’intérêt et de taux d’inflation », a-t-il dit. « Cette composante est normalement constituée de titres physiques, comme les obligations nominales, les obligations à rendement réel et les coupons ainsi que de produits dérivés tels que des swap et des contrats à terme. »

Pour sa part, la composante de croissance a pour but de procurer du rendement additionnel. « En expectative, elle réduit la cotisation requise et les frais reliés au régime », poursuit-il. « Elle est constituée de différentes catégories d’actif et elle maximise le rendement à l’intérieur d’un budget de risque contrôlé. »

M. Lockhead mentionne que pour contrer le risque de taux d’intérêt, il faut préférablement aligner la durée du portefeuille obligataire avec celle du passif. Il est aussi possible d’introduire une notion de levier et de produits dérivés pour atteindre un ratio cible pré-établi puisque la portion de l’actif investie dans la composante IGP est inférieure au montant du passif à couvrir.

« L’important est d’avoir un plan », insiste-t-il. « On entend souvent que le moment n’est pas propice pour implanter une telle stratégie, mais il faut néanmoins s’y préparer et y aller d’une couverture graduelle dans le temps. »

La composante Croissance présente une problématique puisque les actions sont essentielles afin de réduire le coût de financement du régime à long terme. Cette catégorie d’actif représente toutefois une portion importante du budget de risque typique d’un régime de retraite.

« Il faut être prudent puisqu’en période de crise, la diversification géographique, de style, de secteur ou de capitalisation boursière n’atteint pas ses objectifs, en raison des corrélations élevées », soutient M. Lockhead, qui propose de réduire le risque de marché boursier en diversifiant la composante de croissance avec d’autres catégories d’actif. »

M. Lockhead a notamment mentionné que cela peut se faire en investissant dans des solutions alternatives déjà bien répandues comme l’immobilier, les infrastructures et les commodités. Cela peut aussi se faire en implantant des solutions émergentes telles qu’un panier de placements alternatifs, transport d’alpha, fonds de couvertures neutres au marché ou de produits dérivés, par exemple. « En travaillant sur la composante croissance, on se donne une allocation du risque plus efficace, soit moins de risque pour un rendement attendu similaire », a-t-il avancé.

Étape 3 : processus de réduction graduelle de risque M. Lockhead a déclaré que plusieurs régimes PD privés, surtout au Royaume-Uni et aux États-Unis, avaient fermé leur régime aux nouveaux employés. « En agissant ainsi, les promoteurs de régimes réduisent graduellement le risque sur une longue période. Cela ne change pas le fait que le risque lié au service passé doit néanmoins être géré de manière tout aussi efficace en réduisant graduellement le risque. »

Pour ce faire, il propose de transférer les actifs de la composante croissance à la composante IGP à mesure que le ratio s’améliore. Au bout du transfert, le ratio de solvabilité remontera à 100 % et le portefeuille sera immunisé à 100 % contre le passif de solvabilité

Étape 4 : Perspectives pratiques Vincent Morin, vice-président, Répartition d’actif et stratégie, Placements, à la caisse de retraite d’Air Canada, a enchaîné en discutant des perspectives pratiques liées à l’implantation de stratégie d’IGP.

M. Morin a rappelé avec insistance qu’une saine gestion des risques est profitable pour les intervenants, autant les participants, que les promoteurs et les fiduciaires. « La complexité potentielle des différentes solutions ne devrait pas être un frein étant donné leur efficacité. Toutefois, les membres de comités de retraite doivent être mieux informés. Les fournisseurs doivent, quant à eux, développer des solutions clés en main pour les régimes de plus petite taille.»

Le contexte actuel peut retarder l’implantation de certaines stratégies, mais les promoteurs devront être prêts en moment opportun. « L’IGP n’est pas une recette miracle, mais bien un cadre décisionnel », a rappelé M. Morin.

Alexandre Daudelin