Commission pancanadienne : la Cour suprême dit non à Ottawa

Par Ronald McKenzie | 22 Décembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La réglementation du secteur des valeurs mobilières relève de la compétence exclusive des provinces, ont statué unanimement les juges de la Cour suprême du Canada. Par conséquent, le plus haut tribunal du pays invalide le projet de loi sur les valeurs mobilières proposé par le gouvernement Harper pour créer une commission nationale des valeurs mobilières.

La Cour suprême se rend aux arguments âprement défendus par le Québec et l’Alberta, notamment, qui ont toujours contesté les visées d’Ottawa d’intervenir dans ce domaine.

Rappelons que ce projet de loi avait été annoncé au printemps de 2010 par Jim Flaherty, ministre canadien des Finances. Il ne pourra donc être adopté par la Chambre des communes dans sa forme actuelle.

« La loi proposée consiste en une intrusion massive par le Parlement dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières. Si elle est validement adoptée, elle créera un régime unique de gestion du commerce des valeurs mobilières pour l’ensemble du Canada, un régime assujetti à la surveillance d’un organisme national unique chargé de la réglementation des valeurs mobilières », a déclaré la Cour suprême.

C’est depuis 2007 que le gouvernement Harper tente de convaincre les provinces de créer une commission pancanadienne. Il argue que la mondialisation des échanges financiers et la protection des investisseurs requièrent l’instauration d’un seul organisme de réglementation en matière de valeurs mobilières. « Le régime actuel fragmenté au Canada est une source d’embarras pour les investisseurs nationaux et étrangers », avait même déclaré, à l’époque, le groupe Crawford chargé d’élaborer les bases d’une future commission pancanadienne.

En octobre 2007, l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité une motion condamnant le projet d’Ottawa. Plusieurs provinces se sont jointes au Québec dans cette croisade. Tenace, le gouvernement canadien a sollicité l’avis de la Cour suprême afin de trancher la question.

« Le Canada n’a pas démontré que le marché des valeurs mobilières a changé au point que la réglementation de tous les aspects du commerce des valeurs mobilières relève désormais du volet général du pouvoir du Parlement en matière de trafic et de commerce », soutiennent les premiers magistrats du pays.

Mais le gouvernement Harper n’a pas tout perdu dans cette affaire. La Cour suprême reconnaît que certains aspects du secteur des valeurs mobilières ont une portée nationale et touchent l’ensemble du pays. Par exemple, le Fédéral peut jouer un rôle pour contrer les « risques systémiques » qui pourraient entraîner un effet domino « où le risque de défaillance d’un participant du marché nuit à la faculté des autres de s’acquitter de leurs obligations juridiques et provoque une série de chocs économiques néfastes qui se répercutent dans l’ensemble d’un système financier ».

En outre, le gouvernement fédéral et les provinces peuvent très bien exercer « harmonieusement leurs pouvoirs respectifs quant aux valeurs mobilières, dans l’esprit du fédéralisme coopératif. » Toutefois, les tribunaux n’ont pas le pouvoir de régler les questions politiques relatives à la mise en place d’un système d’encadrement souhaitable pour le pays.

Bref, Ottawa devra abandonner son projet tel que formulé, ou entreprendre des négociations avec toutes les provinces afin de voir comment il pourrait lancer un tel organisme national.

« Une grande victoire pour le Québec et le fédéralisme canadien » À Québec, Raymond Bachand a accueilli « avec beaucoup de satisfaction » la décision de la Cour suprême. « Le Québec a été le premier gouvernement à contester le projet fédéral et à se tenir debout dans cette lutte contre une intrusion unilatérale du gouvernement du Canada », a déclaré le ministre québécois des Finances.

Selon lui, le système de réglementation des valeurs mobilières du Canada, dans sa forme actuelle, est l’un des meilleurs au monde. Il rappelle que l’OCDE a classé le Canada deuxième sur 29 pays en 2006, devant les États-Unis et le Royaume-Uni. De plus, la Banque mondiale a pour sa part classé le Canada au cinquième rang en 2010. « Le Québec bénéficie de l’expertise et du savoir-faire de l’Autorité des marchés financiers, qui est un régulateur de classe mondiale. Cela s’ajoute aux nombreuses lois mises de l’avant dans les dernières années par le gouvernement afin d’améliorer la protection des investisseurs », a indiqué le Ministère.

Raymond Bachand a conclu : « Il s’agit d’une grande victoire pour le Québec et le fédéralisme canadien. L’avis de la Cour est un rappel sans équivoque que le Parlement du Canada ne peut, de manière unilatérale, s’accaparer des pouvoirs des provinces, ni élargir les siens à sa guise. Il doit respecter les limites du partage des compétences. »

Ronald McKenzie