Commissions intégrées : d’autres arguments contre l’abolition

Par La rédaction | 9 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Chiffres à l’appui, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) explique en quoi cette suppression aurait des conséquences néfastes, notamment pour les petits investisseurs.

De nombreuses voix s’élèvent contre la suppression des commissions intégrées voulue par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM). Principal argument, celle-ci ferait en sorte que les plus petits épargnants se détourneraient des conseillers. Dans une fiche d’information publiée cette semaine, l’institut explique pourquoi et quelles en seraient les conséquences.

« À mesure que diverses formules sont mises à l’essai, il devient évident qu’une formule unique en matière de réglementation des frais risque d’avoir des conséquences imprévues qui peuvent avoir une incidence disproportionnée sur certaines catégories de consommateurs, plus particulièrement sur les petits investisseurs et sur ceux qui commencent juste à épargner », affirme l’IFIC.

Qu’est-ce qu’un « petit investisseur canadien »?

Selon une recherche effectuée par Investor Economics et Pollara, le petit investisseur canadien typique :

  • fait partie des 79 % des ménages canadiens qui ont moins de 100 000 $ d’actifs (autres qu’immobiliers) à investir;
  • fait partie des 7,9 millions de ménages canadiens qui détiennent des placements par l’intermédiaire de l’ACFM;
  • disposait probablement d’un montant de moins de 25 000 $ quand il a commencé à investir;
  • détient son épargne dans une combinaison de fonds de placement, de CPG et de comptes de dépôt;
  • a probablement acheté des parts de fonds communs de placement par l’intermédiaire d’un représentant. En fait, c’est le cas de huit petits investisseurs sur dix.

Or, les conseils financiers sont très importants pour le petit investisseur, ajoute l’institut représentant l’industrie des fonds communs de placement au Canada. Comparativement aux investisseurs qui agissent en solo, ceux qui font appel à des représentants en services financiers voient leur épargne fructifier 2,9 fois plus rapidement après 7 ans, et 3,9 fois plus lorsqu’ils continuent d’avoir recours aux services d’un représentant pendant 15 ans.

En plus d’aider les investisseurs à choisir les bons produits pour atteindre leurs objectifs, les représentants font office d’éducateurs en matière financière en les aidant à acquérir des habitudes disciplinées en matière d’épargne et à éviter les pièges les plus courants. Par ailleurs, 90 % des porteurs de parts de fonds communs canadiens investissent par l’intermédiaire d’un représentant, et 88 % d’entre eux affirment que les conseils leur permettent d’obtenir de meilleurs rendements, ajoute l’IFIC

QUAND ON SE COMPARE…

L’Institut insiste sur le fait que rien ne prouve qu’il existe aujourd’hui au Canada des lacunes en matière de conseils. La diversité des modes de paiement offerts, en particulier pour les commissions intégrées, permet aux Canadiens qui ont de modestes moyens d’avoir accès à des conseils abordables proportionnellement à leurs actifs.

Investor Economics estime que la commission intégrée (de suivi) moyenne représente 0,78 % ou 780 $ par année pour un petit investisseur qui dispose de 100 000 $.

« Il suffit de comparer ces chiffres aux comptes à honoraires aux États-Unis, où l’investisseur doit disposer d’un montant minimum de 100 000 $ US sur lequel on lui facturera 1,3 %, soit 1 300 $ US par année, illustre l’IFIC. Compte tenu de l’intérêt composé, sur un rendement annuel de 5 %, la différence entre 0,78 et 1,3 représentera plus de 7 000 $ US après 10 ans. On peut en conclure que le petit investisseur canadien paie moins de frais que sa contrepartie américaine pour des fonds comparables. »

Les organismes de réglementation du Royaume-Uni ont par ailleurs reconnu que les réformes mises en œuvre dans ce pays, notamment l’interdiction des commissions intégrées, ont créé des lacunes en matière de conseils pour les petits investisseurs. Les firmes ont rehaussé le solde minimal requis dans les comptes et le nombre d’ouvertures de nouveaux comptes pour les petits investisseurs (de 30 000 à 100 000 £, soit 52 290 à 174 300 $ CA) a baissé. Le gouvernement met maintenant en place un certain nombre de mesures d’atténuation, dont l’autorisation pour les investisseurs de retirer jusqu’à 1 000 £ (1 743 $ CA) de leur caisse de retraite sans conséquences fiscales afin de pouvoir payer des conseils financiers.

LE CANADA À LA TRAÎNE?

Les organismes de réglementation ont avancé que le Canada est en retard sur le reste du monde quant à l’interdiction des commissions intégrées. Mais les faits disent le contraire, démontre l’IFIC.

En réalité, les organismes de réglementation en valeurs mobilières de plusieurs juridictions ont examiné la possibilité d’interdire les commissions intégrées. Seuls quatre pays (Australie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Afrique du Sud) ont appliqué cette interdiction.

Les organismes de réglementation en valeurs mobilières et les gouvernements de dix autres pays, y compris la Suède, Hong Kong, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande et Singapour, ont envisagé cette option et ont explicitement rejeté une interdiction totale des commissions intégrées de crainte que cela ne cause des lacunes en matière de services-conseils.

Du côté de l’Europe, on propose d’interdire aux représentants en services financiers indépendants d’accepter des commissions. Or, les services financiers indépendants sont l’un des plus petits canaux du secteur des fonds européens et ne comptent que pour 11 % de ses actifs.

Enfin, l’interdiction visant les commissions intégrées ne touchera que 13 % des actifs détenus mondialement dans des fonds communs de placement, dont la valeur s’élève à 39 400 milliards de dollars américains.

Fort de tous ces arguments, l’IFIC souhaite démontrer que l’interdiction des commissions intégrées aura des conséquences négatives pour les plus petits épargnants et demande aux ACVM de revoir leur copie. Ces dernières terminent ces jours-ci une série de consultations mise en place pour trouver des solutions de rechange.

Les joueurs de l’industrie ont jusqu’à aujourd’hui (9 juin) pour déposer un mémoire et la décision définitive des ACVM sera connue dans le courant de l’hiver.

La rédaction