Compte nominee : le client paie-t-il pour vous faciliter la vie?

Par Gérard Bérubé | 16 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Bien qu’on présente parfois le compte prête-nom, ou intermédiaire (nominee account), comme la solution pour passer des comptes à commission vers ceux à honoraires, il est cependant loin de faire consensus. En effet, certains craignent que le client paie essentiellement pour faciliter le travail du conseiller.

Le compte prête-nom voit sa cote de popularité augmenter avec la menace d’abolition pesant sur les commissions intégrées. Gino Savard, président de MICA Cabinets de services financiers, parle d’une transition. « La seule façon d’avoir un compte à honoraires, c’est dans l’autogéré », résume-t-il, tout en défendant le maintien des commissions intégrées.

Avec un compte autogéré, le conseiller est payé à l’acte et au conseil plutôt que selon l’actif sous gestion. Et tout est moins compliqué, selon M. Savard. Le compte prête-nom, ouvert sous la forme d’une fiducie ou au nom du courtier au bénéfice du client, permet au conseiller de ne faire qu’une seule ouverture de compte. Le client reçoit un relevé consolidé. « Le transactionnel est beaucoup plus simple », résume M.Savard.

Alors qu’avec un compte au nom du client, le conseiller multiplie les ouvertures de compte selon le nombre de manufacturiers de fonds avec qui il fait affaire. Le client reçoit un relevé de chacun d’entre eux, en plus d’un relevé consolidé émis par le courtier ou cabinet du conseiller.

Cela veut dire beaucoup de paperasse et d’administration pour le conseiller, ainsi que de risques de confusion pour le client, notamment en ce qui concerne le calcul des contributions versées à tous les intervenants et intermédiaires, précise Yoldas Ozturk, conseiller à la Financière Sun Life.

Un compte nominee apporte en outre de la flexibilité lorsqu’on retire des sommes des fonds enregistrés de revenu de retraite. Selon M. Ozturk, il vient également faciliter et accélérer les transferts de fonds d’un manufacturier à l’autre et permet au courtier d’avoir un meilleur aperçu de ces transferts, et donc, de pouvoir intervenir plus facilement auprès de son client.

LE CLIENT PAIE AU FINAL

Cette simplicité a cependant un coût, qui peut se transformer en irritant pour le client si l’on considère que la tendance est plutôt à l’abaissement des frais dans l’industrie des fonds d’investissement. Ces derniers atteignent 130 $ par année en moyenne pour les comptes autogérés, selon Maxime Gauthier, chef de la conformité à Mérici Services financiers. Au cabinet MICA, la facture annuelle est de 100 $. Le compte au nom du client, lui, est gratuit.

À la Sun Life, le compte nominee, appelé compte de propriétaire apparent, est offert gratuitement… pour l’instant. Il est pratique courante chez les institutions financières de n’exiger aucuns frais, mais cette exemption varie selon l’actif à gérer; elle ne s’applique généralement qu’à partir d’un seuil de 100 000 $ à 150 000 $.

Gino Savard reconnaît qu’on se retrouve ici à voir des clients payer pour faciliter le travail des conseillers et des courtiers. « Il faut toutefois relativiser ce coût par rapport à la taille de l’actif dans le compte. Et, très souvent, le conseiller va l’intégrer dans ses honoraires. »

Maxime Gauthier fait quant à lui partie du clan des sceptiques. Il parle d’un effet de mode, exacerbé par les changements réglementaires en cours. « Où est la valeur ajoutée pour le client? »

Avec les frais juridiques, les frais d’exploitation, les frais administratifs, le développement des plateformes, la conformité… L’autogéré maison coûte cher à mettre en place. « Et c’est le client qui finit par payer la facture ».

Yoldas Ozturk nie qu’il y ait un« effet de mode ». Ces comptes sont offerts depuis longtemps, dit-il. Une dizaine de grandes institutions financières proposent des programmes Privilège associant frais de gestion et taille de l’actif.

« On peut toutefois penser que le MRCC 2 et les changements réglementaires qu’il apporte mettent l’accent sur les frais et les comptes à honoraires, et viennent braquer les projecteurs sur les comptes autogérés », tempère-t-il.

PERTINENT POUR PEU DE CLIENTS

S’il comprend que certains cabinets veulent se préparer advenant une transition confirmée vers les comptes à honoraires, M. Gauthier juge que c’est prématuré. « Il existe d’autres solutions. Nous pouvons très bien avoir l’approche portefeuille avec les comptes au nom du client. »

Flavio Vani acquiesce. « Le client recherche une diminution, pas une augmentation des frais », souligne le président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers.

À l’argumentaire d’Yoldas Ozturk voulant que plus l’actif du client est important, plus le regroupement des comptes est pertinent afin d’éviter des frais trop importants, Flavio Vani répond qu’au Québec, un compte de fonds d’investissement moyen s’élève à 40 000 $ par épargnant. Rares sont les clients qui répondent donc à ces critères.

M. Vani dénonce aussi la pratique des firmes et institutions intégrées offrant des rabais ou congés de frais selon le volume des placements. En contrepartie, elles exigent que de 30 à 50 % du compte soit composé de fonds maison. Même avec un actif moyen inférieur à 100 000$ dans les comptes au Québec, cette approche marketing alimente l’émergence d’un oligopole avec, pour conséquence éventuelle, une diminution de l’offre, juge-t-il.

Flavio Vani précise au passage ne pas dénigrer l’importance des comptes nominee, mais privilégie ceux gérés par des courtiers indépendants.

« On éviterait ainsi la  »conformité créative »», commente-t-il, pointant en direction de ces rabais offerts par les institutions intégrées en contrepartie de placements dans des fonds maison. Même si cette stratégie répond aux principes de conformité, elle pourrait ne pas être nécessairement optimale pour le client, estime M. Vani.

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Gérard Bérubé