Conflit d’intérêts lié au scandale Norbourg: René Joubert coupable

Par David Santerre | 5 août 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Wooden justice gavel and block with brass

Le planificateur financier René Joubert a récemment été reconnu coupable par le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière de s’être placé en conflit d’intérêt et d’avoir conseillé à des clients de souscrire à des produits qu’il n’était pas autorisé à offrir, le tout en lien avec deux des plus grands scandales financiers des dernières années au Québec, soit les affaires Norbourg et Norshield.

La première accusation pour laquelle Joubert a été déclaré coupable, le conflit d’intérêt, s’inscrit dans le cadre de la vente en 2003 du Groupe Futur à Vincent Lacroix et Norbourg.

Joubert détenait ce cabinet avec quatre autres individus dont deux, Robert Duval et Larry Davidson, ont également été trouvés coupables dans le passé de conflit d’intérêt par le Comité de discipline.

Le 5 avril 2003, le groupe avait rencontré Vincent Lacroix qui désirait mettre la main sur le Groupe Futur.

Ce jour-là, les cinq actionnaires signaient un contrat avec le financier aujourd’hui détenu. Une clause du contrat stipulait que les cinq vendeurs s’engageaient à transférer au moins 25 % des actifs placés sous la gestion du Groupe Futur dans des produits de la famille Norbourg, faute de quoi le prix de vente de leur entreprise serait revu à la baisse au fil des paiements échelonnés sur 30 mois.

Voilà le conflit d’intérêts qui a valu le dépôt des accusations devant le Comité.

Lors des audiences, René Joubert s’en est défendu, disant avoir dès le jour de la signature le 5 avril signalé à Lacroix que cette clause s’apparentait à un conflit d’intérêt. Il dit que Lacroix s’était montré compréhensif, et que quelques jours plus tard, il a envoyé aux cinq vendeurs un nouveau contrat, avec cette clause biffée, contrat qui est devenu la convention de vente définitive. Selon lui donc, cela démontre bien que jamais il n’a eu l’intention de se placer dans une situation de conflit d’intérêts. M. Joubert porte d’ailleurs en appel les décisions le concernant.

Dans son analyse, le Comité accorde toutefois peu de foi à ces scrupules que Joubert dit avoir éprouvés le 5 avril. Se basant sur des témoignages rendus par Joubert dans la cause précédente de son confère Davidson, mais également sur des témoignages passés de Vincent Lacroix, le Comité estime que le nouveau contrat évacuant la clause génératrice du conflit d’intérêts a été envoyé à Joubert et ses acolytes environ cinq ou six mois plus tard.

Le Comité estime que les cinq vendeurs devaient savoir ce qu’ils faisaient en signant le contrat de vente de Groupe Futur à Norbourg le 5 avril 2003, et que s’ils voyaient un problème avec ce contrat comme l’a juré Joubert, ils auraient tout simplement dû attendre la deuxième version.

«Selon ses dires les cinq actionnaires ont consenti à signer et parapher un document qu’ils savaient leur imposer des obligations importantes malgré qu’ils n’étaient pas d’accord d’y souscrire et ce, sans même faire les ratures appropriées ou faire mentionner les modifications prétendument négociées avant la signature. (…) Somme toute, ils signaient reconnaissant par la clause 23.1 que cette convention constituait la seule convention entre les parties et qu’elle prenait priorité sur toute négociation précédente écrite ou verbale», écrit le comité.

«Sachant qu’ils se plaçaient en situation de conflit d’intérêts par ladite clause, pourquoi alors ne pas attendre la convention modifiée avant de signer ? De deux choses l’une, les actionnaires ne savaient pas avant de signer le 5 avril 2003 que, par cette clause, ils se plaçaient en situation de conflit d’intérêt mais auraient dû le savoir ou ils le savaient et s’en «foutaient» pour reprendre le vocabulaire utilisé par l’intimé (Joubert) que le comité considère révélateur à tout le moins de l’état d’esprit de l’intimé ce 5 avril 2003», ajoute le Comité.

Balanced Return Fund

Les deux autres accusations pour lesquelles René Joubert a été trouvé coupable concernent des actions auxquelles il a conseillé à 29 clients de souscrire auprès du Balanced Return Fund en 2002.

Ces clients ont investi des sommes allant de 25 000 $ à 130 000 $ dans ce véhicule de placement lié à Norshield.

Lors des audiences, une cliente de Joubert ayant investi 130 000 $ dans ces actions a témoigné qu’il lui aurait promis un rendement de 12 % pour ce placement aux Bahamas. Mais en 2005, elle a cessé de recevoir les relevés de ce placement. Elle s’en est inquiété. Joubert lui a d’abord parlé d’un ouragan qui avait frappé les Bahamas et ralentissait les communications. Mais ses tentatives ultérieures de recouvrer son investissement allaient se retrouver vaines, hélas.

Selon le Comité de discipline, René Joubert ne détenait pas de certificat pour conseiller et faire souscrire des clients à ce type de produit. L’accusé a vainement tenté de se défendre qu’il n’avait que parlé de ce type de placement à ses clients, qu’il ne leur avait pas personnellement fait souscrire à ces actions. Ce que le Comité n’a pas cru.

Les audiences sur sanction auront lieu plus tard.

À noter que relativement à la vente d’actions du Balanced Return Fund, René Joubert a aussi été accusé par l’AMF devant la chambre pénale de la cour du Québec, tout comme 10 autres individus présumément liés au scandale Norshield. C’est d’ailleurs contre lui qu’est réclamée la plus lourde amende, soit 420 000 $.

L’AMF considère que ces 11 accusés ont contribué à la perte par 51 investisseurs de 3 282 605 $.

L’AMF lui réclame aussi d’importantes sommes, aux côtés de Vincent Lacroix, relativement à l’affaire Norbourg.

David Santerre