Conformité : tristes constats à gogo

Par Jean-François Parent | 17 septembre 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Une brochette de régulateurs était réunie plus tôt cette semaine à Montréal pour faire le point sur les balises que l’industrie financière doit adopter pour se doter d’une véritable culture de la conformité.

Répondant à l’invitation de l’Observatoire du droit des marchés financiers de l’Université de Montréal, les régulateurs australien, anglais, américain et canadien ont plaidé pour une vision commune de la conformité dans l’offre de produits et services financiers.

« Avoir des formulaires à remplir ne suffit pas », plaide Andrew Kreigler, PDG de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

ABONDANCE DE COMPORTEMENTS DÉVIANTS

Selon lui, la conformité n’est pas qu’un mal nécessaire, elle est un enjeu stratégique et commercial. « La gestion du risque des institutions doit également s’attarder à ce qu’il peut en coûter de ne pas offrir les bons produits aux bonnes personnes », dit-il.

« Entre dire qu’on respecte les règles de conformité et vraiment le faire, il y a souvent tout un monde », observe Georgina Philippou, directrice de la surveillance et de l’encadrement des marchés du régulateur britannique, la Financial Conduct Authority.

Ainsi, malgré le fait que les institutions financières « ont été promptes à déclarer, la main sur le cœur, qu’elles suivaient les règles depuis la crise des subprimes, on a constaté une abondance de comportements déviants », relate Gary Tidwell, conseiller principal de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV).

Il cite l’exemple de la manipulation des taux de change ou de celle du LIBOR – le taux interbancaire à un jour –, le laxisme face au blanchiment d’argent ou encore la mise en marché de produits de crédit toxiques, scandales à la suite desquels les grandes banques ont été mises à l’amende à coups de milliards de dollars.

« Des formulaires ont été remplis, des chefs de conformité ont surveillé les opérations, les gens ont été formés, mais cela n’a pas donné grand-chose », poursuit Gary Tidwell. Selon lui, on n’a pas pris le temps de vraiment changer les cultures d’entreprise voulant que l’on vende n’importe quoi à n’importe qui.

LA CULTURE, CETTE INCONNUE

Déployer une culture de la conformité au sein d’une firme implique que les « gens qui offrent des produits et des services financiers aient suffisamment de connaissances pour prendre les bonnes décisions, même s’ils ne connaissent pas tous les éléments de la réponse », estime pour sa part Sylvain Perreault, chef de la conformité du Mouvement Desjardins.

Il faut donc que les entreprises se dotent de mécanismes adéquats pour faire en sorte que tous les maillons de la chaîne soient imprégnés d’une culture permettant de prendre des décisions allant dans le sens de la protection du client.

« Il faut pour cela mesurer l’écart entre les principes qu’on dit respecter et la réalité de ce qui est fait sur le plancher », explique David McGuiness, directeur de l’encadrement à la Securities and Investments Commission australienne.

Cocher une case, c’est bien. « Mais la firme a-t-elle des mécanismes permettant de corriger le tir si un produit ou un service est défectueux? La critique constructive est-elle permise et encouragée? », demande David McGuiness.

Une panoplie d’indicateurs permettent de mesurer le respect de la conformité et, du coup, l’état de la culture d’entreprise à cet égard.

Les structures de rémunération, la formation des conseillers, les politiques protégeant les dénonciateurs – les whistle blowers —, la gestion des conflits d’intérêts, le suivi des plaintes des clients, et les processus d’approbation des nouveaux produits sont autant d’éléments à évaluer.

Il faut en outre voir comment les gens sont formés, et surtout si on les amène à se poser les bonnes questions. « Lorsqu’on se demande si on est dans une zone grise, c’est probablement parce qu’on a déjà franchi la ligne entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas en matière de conformité », conclut Sylvain Perreault.

Les indicateurs d’une culture de la conformité

  • Les structures de rémunération;
  • La formation;
  • Les politiques protégeant les dénonciateurs;
  • La gestion des conflits d’intérêts;
  • Le suivi des plaintes des clients;
  • Les processus d’approbation des nouveaux produits et services.


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