Conseiller les enfants de vos clients : une étude de cas

Par Michelle Munro | 8 Décembre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Michelle Munro

Après la génération des baby-boomers, l’heure est venue de conseiller leurs enfants…

Comme chacun le sait, la relation entre un conseiller et son client s’étend souvent à toute sa famille. Une personne satisfaite par des services et des conseils judicieux vous ouvre la porte pour gagner la clientèle de son conjoint, de ses parents proches voire de ses enfants, le moment venu. De nos jours, la clientèle se compose essentiellement des baby-boomers, cette génération de la démesure et mieux nantie que jamais. Mais il ne faudrait pas négliger les enfants, c’est-à-dire la génération Y ou les post-boomers, nés entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990. Les plus âgés sont dans la trentaine, âge où la carrière et l’avenir financier se précisent.

La chronique d’aujourd’hui vise à vous exposer un des moyens de franchir ce que j’appellerais le fossé financier générationnel entre vos clients baby-boomers actuels et leurs enfants post-boomers. Votre souci premier demeure évidemment de servir votre client existant, mais vous pouvez continuer à resserrer ce lien tout en jetant les bases d’une relation future avec l’enfant.

Partir du bon pied Prenons l’exemple de la fille d’un client existant. Nous l’appellerons Julie, à l’instar du prénom féminin le plus populaire au début des années 1980. Julie approche de la trentaine, est célibataire, et n’a aucune personne à charge. En revanche, elle a des projets précis et elle dispose des moyens qui lui permettront de les réaliser. Cette année, elle a obtenu une MBA d’une école de commerce canadienne réputée, inscrite au prestigieux palmarès des 100 meilleures institutions du genre au monde établi par The Economist. Grâce à cette réussite, une firme d’experts-conseil en services pétroliers de Calgary a recruté Julie en lui offrant 80 000 $ par an. Elle projette d’acheter un condominium, de préférence dans le Mission District de Calgary, un quartier à la mode près du centre ville, où cafés et restaurants foisonnent.

Elle s’est fixé une limite d’environ 250 000 $, ce qui est à peu près le minimum des prix dans ce secteur. En clair, comment pouvez-vous l’aider à effectuer cet achat de façon rationnelle ?

À la base, la situation financière de Julie est prometteuse. Elle a déjà remboursé ses prêts étudiants et elle s’efforce rigoureusement de payer le solde intégral de sa carte de crédit chaque mois. Elle a l’intention d’économiser 8 000 $ par an, soit 10 % de son salaire brut, ce qui lui permettra d’accumuler environ 25 000 $ d’ici trois ans pour l’acompte de son achat. De plus, ses parents se sont engagés à lui offrir un montant égal à ses économies afin qu’elle dispose d’un acompte de 20 %, évitant ainsi de payer en plus l’assurance prêt hypothécaire de la SCHL.

Deux outils d’épargne incontournables L’objectif de Julie est réaliste, mais pour l’atteindre elle devra faire preuve de discipline et être judicieusement conseillée. Le moyen le plus simple de mettre son argent de côté – comme vous pourriez le lui suggérer – serait d’établir un programme de retraits pré-autorisés de son compte de chèques, et de verser cet argent dans un compte de placement réservé à cette fin. Évidemment, la vie est chère à Calgary et il est possible que Julie doive assumer des dépenses considérablement supérieures, le loyer notamment, au cours des trois prochaines années. Même si elle gagne bien sa vie et peut espérer des augmentations salariales, réunir cet acompte de 20 % risque de devenir problématique si la croissance économique et la hausse des coûts immobiliers se traduisent par une flambée du prix des appartements en copropriété. En outre, le budget de Julie sera encore mis à rude épreuve au moment de conclure l’achat à cause des frais de dossier qui peuvent atteindre 2 % de la valeur de la propriété.

Julie est tout à fait consciente des imprévus susceptibles de compromettre son objectif; mais il lui faut également faire un choix, et vous pouvez l’aider à cet égard. Quel type de compte devrait-elle utiliser pour épargner son argent d’une manière fiscalement avantageuse ? Un compte d’épargne libre d’impôt ou un REER admissible au régime d’accession à la propriété sont les deux solutions les plus intéressantes, mais laquelle convient le mieux dans son cas ?

Elle est au fait des principales différences et similitudes entre le CELI et le REER. Le premier n’est pas déductible d’impôt mais le second oui; le CELI est limité à un plafond de cotisation annuel de 5 000 $ (indexé à l’inflation), tandis que le REER permet d’effectuer des cotisations en fonction du revenu gagné, soit un montant nettement supérieur; le CELI autorise des retraits libres d’impôt (dont le montant peut être reporté au plafond de cotisation de l’année suivante), mais tout retrait d’un REER est imposé, sans report de la cotisation; le CELI est valable indéfiniment, mais le REER doit être converti en fonds enregistré de revenu de retraite ou en pension viagère lorsque son titulaire atteint 71 ans; il n’y a pas de règles d’attribution pour le CELI, mais elles peuvent s’appliquer dans certains cas de retrait d’un REER de conjoint (bien que les règles d’attribution ne concernent pas Julie dans l’immédiat puisqu’elle est célibataire); enfin, les placements admissibles sont similaires dans les deux régimes.

Les deux options sont viables Pour commencer, vous pouvez préciser à Julie que les deux types de compte lui permettront d’atteindre son objectif d’épargne. Dans le cas d’un CELI, Julie sera en mesure d’accumuler 25 000 $ en trois ans, malgré le plafond annuel de cotisation de 5 000 $. En effet, elle n’a pas effectué de cotisations en 2009 et 2010, qui sont les deux premières années d’existence du CELI; elle peut donc reporter les droits inutilisés de cotisation, soit 10 000 $. Si elle verse ensuite la cotisation maximum admissible de 5 000 $ pour chacune des trois prochaines années et qu’elle y ajoute le montant reporté de 10 000 $, elle aura atteint son objectif d’épargne (25 000 $). Pour ce qui est d’un REER, Julie n’a encore jamais fait de cotisation puisqu’elle n’a pas gagné de revenu les années antérieures. Cependant, en 2011, 2012 et 2013, elle aura le droit de verser chaque année au moins 14 400 $ dans son REER, soit 18 % de son revenu de 80 000 $. Julie a décidé d’économiser 8 000 $ par an, mais, en théorie, elle dépassera largement son objectif de 25 000 $ si elle utilise la totalité de son plafond de cotisation durant ces années. En outre, il est tout à fait plausible qu’elle reçoive une augmentation de salaire, et pourra donc se prévaloir d’un plafond de cotisation supérieur.

Autre question importante, Julie doit savoir ce qui distingue ces deux types de compte en cas de retrait. L’argent retiré d’un CELI n’est pas imposable, et le montant du retrait s’ajoute au plafond de cotisation de l’année suivante. Toutefois, il n’est pas obligatoire de remettre le montant du retrait dans un CELI. S’il s’agit d’un REER, Julie peut effectuer, par le biais du régime d’accession à la propriété (RPA), un retrait non imposable de 25 000 $ au maximum. Cependant, elle devra respecter des conditions précises, comme celle que l’on a tendance à oublier, qu’une cotisation de REER ne peut faire l’objet d’un retrait dans le cadre du RPA avant un délai de 90 jours minimum. Par ailleurs, Julie disposera de 15 années au maximum pour remettre dans son REER le montant du retrait, faute de quoi, il sera assimilé à un revenu ordinaire et imposé en conséquence.

Julie doit aussi tenir compte des répercussions fiscales de ces deux types de compte. Normalement, le CELI est indiqué lorsque le taux d’imposition le plus élevé courant est inférieur à celui qui s’appliquerait à la retraite. En revanche, le REER est préférable si le taux d’imposition le plus élevé courant est supérieur à celui qui s’appliquerait à la retraite.

Le choix n’est pas évident dans le cas de Julie. Elle est jeune et sa situation connaîtra indubitablement de nombreux changements dans les années à venir, autant sur le plan professionnel que dans sa vie personnelle; il est donc difficile de prévoir avec précision quel sera son revenu de retraite. Nous savons toutefois que son taux d’imposition actuel est de 32 %, soit moins que le maximum de 39 % que l’Alberta applique lorsque le revenu dépasse 125 000 $. Étant donné que Julie envisage d’épargner pendant trois ans à raison de 8 000 $ par an, si elle choisit le REER comme véhicule, le montant déductible au titre du REER lui permettra une économie d’impôt de 2 560 $ chaque année.

Le REER a l’atout Bien que, REER ou CELI, les deux solutions répondent aux besoins de Julie, je lui conseillerais plutôt la première. Elle épargnera en cotisant à son régime et pourra ultérieurement faire un retrait dans le cadre du régime d’accession à la propriété. Elle bénéficiera ainsi d’un remboursement d’impôt chaque année en fonction de ses cotisations au REER. Au moment de l’acquisition de son appartement, elle profitera d’un prêt non imposable et sans intérêt. De plus, le REER permet de placer d’emblée une somme supérieure en comparaison au CELI, en supposant qu’elle investisse également le remboursement d’impôt et qu’elle soit en mesure d’épargner plus que son objectif de 8 000 $ par an. Enfin, Julie doit prévoir qu’elle aura davantage de dépenses plus tard dans sa vie, et veiller à choisir un compte avec des modalités souples. Elle pourrait également investir son remboursement d’impôt annuel dans un CELI.

Une relation d’avenir Ce ne sont pas les options qui manquent pour permettre à Julie d’atteindre son premier objectif d’épargne important. L’essentiel, c’est qu’elle a un plan, se dirige dans la bonne voie et prépare les fondations d’un solide avenir financier. Si vous réussissez à intervenir dès le début grâce à des conseils utiles, c’est autant de gagné. Vous avez guidé les parents; vous guidez maintenant l’enfant. Dites-vous que c’est un transfert d’expertise intergénérationnel.

Michelle Munro est directrice, planification fiscale, chez Fidelity Investments Canada s.r.i.

Bien que les renseignements contenus dans cet article aient pour but de décrire certains éléments de planification fiscale, ils sont de nature générale. Ces renseignements ne sauraient faire office de conseils fiscaux ni être interprétés comme tel. Les lecteurs devraient consulter leur propre conseiller, avocat et professionnel de la planification fiscale avant d’adopter une stratégie fiscale ou d’investissement.

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