COVID-19 : Quel mode d’investissement adopter?

4 novembre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Anna Bizoń / 123RF

Les défis et les occasions d’investissement découlant de la pandémie ont été examinés par un groupe d’experts lors du Forum mondial annuel de Toronto, un événement virtuel organisé par le Forum économique international des Amériques.

L’un des défis fondamentaux de l’investissement, qui consiste à déterminer la place des obligations dans un portefeuille, a été mis en avant par la COVID-19 en raison de la baisse des rendements à l’échelle mondiale et de l’atténuation conséquente de l’effet de volatilité qu’apportent habituellement les obligations.

« Le portefeuille moyen d’un client est plus risqué aujourd’hui qu’il ne l’était dans le passé parce qu’il ne bénéficie plus de l’effet naturel de diversification que procurent les obligations », a constaté l’intervenant Luke Ellis, pdg de Man Group plc, une société de gestion mondiale de placements basée à Londres, au Royaume-Uni, dont l’offre comprend des portefeuilles construits sur le modèle quantitatif. Par conséquent, la répartition des actifs doit être reconsidérée, a-t-il affirmé.

Luke Ellis a également fait une mise en garde devant la volonté d’identifier les gagnants et les perdants du marché, alors que les dépenses publiques ont été massives. Le marché est moins efficace lorsque des politiques fiscales soutiennent les entreprises faibles, selon M. Ellis.

Investissements PSP, l’un des plus importants gestionnaires de caisses de retraite publiques au Canada, a d’ailleurs réduit la part des obligations d’État dans ses portefeuilles en faveur d’actifs tels que des titres de dette provenant des marchés émergents, du crédit privé et des titres d’infrastructures indexées sur l’inflation comportant de faibles risques liés à l’exploitation ou au crédit, a soutenu Neil Cunningham, son président et directeur général. Puisque l’ajout de ces actifs augmente le risque, le gestionnaire réduit en conséquence la part d’actions pour maintenir le bon équilibre.

Plus globalement, à titre d’investisseur sur le long terme, Neil Cunningham cherche à faire la distinction entre les tendances du moment et celles qui concernent davantage le long terme. Les échos liés au contexte des élections américaines, selon lui, ne sont que du bruit, illustre-t-il. « Nous sommes beaucoup plus concernés par les tendances qui sont accentuées par la COVID-19 », comme la démondialisation, l’adoption accrue du commerce électronique et le télétravail.

Neil Cunningham est également d’avis que les investisseurs devraient considérer les tendances à long terme comme l’ESG, ainsi que la diversité et l’inclusion, parce que les gouvernements, les employés et les clients tiendront compte de ces facteurs dans l’avenir lorsqu’ils légiféreront, travailleront et feront des achats.

Mohammed Alardhi, président exécutif d’Investcorp, une société basée au Bahreïn, et gestionnaire mondial de fonds dits alternatifs, a souligné la nécessité de se diversifier en matière de secteurs et de zones géographiques, ajoutant que les investisseurs des régions productrices de pétrole étaient particulièrement touchés par la pandémie.

Neil Cunningham illustre cette réalité en évoquant un investissement effectué dans une entreprise de publicité britannique quelques mois avant la mise sur pause de l’économie. Personne, a-t-il dit, ne s’attendait à ce qu’une entreprise qui est demeurée ouverte pendant le Blitz, cette opération de bombardements effectuée par l’aviation allemande contre le Royaume-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, ferme ses portes en raison de la pandémie. Une importante leçon, selon lui. Cela prouve qu’« à moins de se diversifier à la fois géographiquement et par secteurs, on est certain d’être frappé par quelque chose auquel on ne s’attendait pas. Le ralentissement de l’économie a également obligé les investisseurs à s’assurer d’avoir des liquidités en quantités suffisantes, a-t-il ajouté.

Les panélistes ont également examiné les tendances découlant de la géopolitique.

L’issue des tensions entre les États-Unis et la Chine sera déterminante pour de nombreux portefeuilles au cours de la prochaine décennie, a déclaré Luke Ellis.

Par exemple, la Chine doit-elle constituer une petite partie d’un portefeuille en raison des restrictions imposées par le pays aux entreprises étrangères, ou doit-elle constituer une grande partie en tant qu’éventuelle plus grande économie du monde?

Tandis que les tensions entre les États-Unis et la Chine font peser une pression sur les autres gouvernements afin qu’ils choisissent un camp, les investisseurs risquent d’être confrontés à un environnement de plus en plus difficile, a prévenu Luke Ellis.

Neil Cunningham a indiqué que PSP augmentait la part des actifs liés à l’Australasie et aux marchés émergents afin de tenir compte des tendances géopolitiques à long terme qui profiteront à ces économies.

LES PERSPECTIVES D’INVESTISSEMENT AU CANADA

Ian McKay, PDG de la société Invest in Canada, d’Ottawa, a pour sa part évoqué des perspectives positives pour les investissements issus de l’étranger, malgré une prévision globalement négative pour les flux d’investissements étrangers.

Les investissements directs étrangers (IDE) mondiaux devraient diminuer de 40 % cette année et de 5 à 10 % supplémentaires en 2021, selon le Rapport sur l’investissement dans le monde 2020 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement.

Cela porterait les flux d’IDE « aux niveaux les plus bas que nous ayons connus depuis plus de 20 ans », a déclaré Ian McKay, une situation qui incitera les gouvernements, les fonds et les agences d’investissement à réévaluer leurs plans stratégiques et leurs critères d’investissement.

Ce faisant, le Canada devient attrayant.

Depuis la pandémie, Invest in Canada a connu un pic d’intérêt de la part des investisseurs mondiaux dans trois secteurs au Canada : les sciences de la vie, en raison des recherches liées à un vaccin pour la COVID-19 ; l’économie numérique, dans laquelle le Canada est un leader en matière d’intelligence artificielle ; et les technologies propres, telles que les voitures à hydrogène ou électriques et les énergies renouvelables.

« Au Canada, nous avons les bons ingrédients pour ces secteurs – les matières premières, une main-d’œuvre hautement qualifiée, des écosystèmes innovants et un accès au marché mondial », a déclaré Ian McKay.

Des facteurs plus fondamentaux favorisent également le Canada lorsqu’il s’agit d’attirer les investissements étrangers, comme la stabilité politique et économique, une ouverture d’esprit à l’égard du commerce libre et réglementé, et une offre de main-d’œuvre qualifiée de classe mondiale, a déclaré Ian McKay.

Malgré les prévisions concernant les flux d’investissements étrangers, « nous sommes certains que l’avenir est prometteur pour les investisseurs qui continuent à construire et à développer leurs activités au Canada », a déclaré Ian McKay.