Credit Suisse a aidé 19 000 Américains à frauder le fisc

Par Rémi Maillard | 6 mars 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La banque suisse a secrètement et activement recruté des milliers de clients aux États-Unis pour les aider à soustraire des revenus au fisc, affirme une commission d’enquête du Sénat américain dans un rapport publié la semaine dernière.

« L’enquête montre qu’en 2006, Credit Suisse avait plus de 22 000 clients américains avec des comptes suisses dont les avoirs, à leur pic, dépassaient 12 milliards de francs suisses [15 milliards de dollars] », précise le document, cité par l’Agence France-Presse.

Bien que la banque « n’ait pas déterminé ni estimé combien de ces comptes étaient dissimulés aux autorités américaines, les données suggèrent que la grande majorité n’était pas déclarée ». Au total, la commission d’enquête estime à 19 000 le nombre de clients américains qui détenaient des comptes suisses cachés, les avoirs correspondants se montant à environ cinq milliards de dollars.

Des banquiers suisses en mission secrète aux États-Unis « De 2001 au moins à 2008, Credit Suisse a recruté des clients américains pour qu’ils ouvrent des comptes suisses, et a eu recours à un certain nombre de pratiques bancaires qui ont permis à ses clients américains de dissimuler leurs comptes suisses aux autorités américaines », indique le rapport.

Celui-ci révèle par ailleurs quelques-unes des pratiques secrètes utilisées par l’établissement : l’envoi de banquiers aux États-Unis pour y trouver de nouveaux clients (notamment lors d’événements commandités par la banque et de tournois de golf en Floride), la création d’un bureau à New York pour ces activités et la mise en relation avec des « intermédiaires » capables de créer des entités offshore pour camoufler l’origine des fonds.

En 2008, plus de 1800 banquiers de Credit Suisse géraient ainsi des comptes de clients américains, dont beaucoup n’étaient pas déclarés au fisc. Des transactions étaient montées de façon à éviter les déclarations fiscales aux États-Unis. Des compagnies tierces engagées par la banque permettaient de fournir à certains clients des cartes de crédit afin qu’ils puissent utiliser secrètement les fonds évadés.

« Pas au courant »… Pour sa défense, Credit Suisse s’est bornée à émettre un communiqué l’exonérant de toute responsabilité : « Cette enquête a montré qu’un petit groupe de banquiers privés, travaillant sur un desk centré sur de gros comptes détenus par des résidents américains [avait eu] un comportement incorrect. Aucune preuve montrant que la direction exécutive de la banque était au courant de ces problèmes n’a été trouvée par cette enquête interne. »

Ce n’est pas l’avis du sénateur Carl Levin, président de la commission d’enquête.

« L’étude du cas Credit Suisse montre comment une banque suisse a aidé et s’est rendue complice d’évasion fiscale aux États-Unis, non seulement derrière le voile du secret en Suisse, mais aussi sur le territoire américain en envoyant des banquiers suisses pour ouvrir des comptes cachés », a dénoncé l’élu démocrate.

Au passage, la commission blâme le département de la Justice pour son laxisme. En effet, celui-ci n’a poursuivi qu’une douzaine de banques suisses et n’a pas entamé de procédures contre les Américains ayant eu recours à des comptes suisses non déclarés.

En janvier, le Wall Street Journal affirmait que Credit Suisse était en négociations avec l’administration étasunienne pour échapper à ces accusations, moyennant une amende de plus de 800 millions de dollars.

Rémi Maillard

Journaliste multimédia. Santé, environnement, société, finances personnelles. Également intéressé par les affaires publiques, les relations internationales, la culture… Passionné de cyclisme.