Créer de la valeur au féminin

Par Carole Le Hirez | 11 mars 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Et si les femmes tenaient entre leurs mains les clés de la révolution de la finance durable au Québec ? C’est la vision d’Anne-Marie Hubert d’EY, de Pauline D’Amboise de Desjardins et de Geneviève Morin de Fondaction, invitées à parler du rôle des femmes dans l’investissement ESG par Finance Montréal.

La finance durable se trouve au cœur de la transition vers une économie plus résiliente et plus inclusive. Les femmes ont un rôle important à jouer dans la transformation de l’écosystème, estiment les trois dirigeantes qui portent haut l’étendard de l’investissement responsable (IR).

En un an, le volume des fonds investis dans des placements répondant aux critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG) a presque doublé chez Desjardins, passant de 7,2 milliards de dollars (G$) à 12,2 G$ au 31 décembre 2021, indique Pauline D’Amboise, secrétaire générale et vice-présidente Gouvernance et développement durable.

« Plus de la moitié (56%) des détenteurs de fonds SociéTerre Desjardins, spécialisés en investissement responsable, sont des femmes, souligne-t-elle. Cette tendance se retrouve chez les gestionnaires de fonds. Huit des onze portefeuilles SociéTerre sont ainsi gérés par des femmes. »

Les investisseurs eux aussi donnent le ton, rapporte Anne-Marie Hubert, leader Est du Canada chez EY. Elle indique que les quelque 300 000 clients de la firme de services professionnels manifestent une volonté croissante « de choisir comment ils créeront de la valeur pour leur clientèle, pour leurs employés et pour la société ».

L’intérêt des investisseurs cible les changements climatiques, mais aussi la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI), qui est LE prochain sujet de l’heure, estime la leader. Les clients deviennent de plus en plus exigeants pour choisir les entreprises avec lesquelles ils font affaire, précise-t-elle, citant l’exemple du boycott économique de la Russie par de nombreuses organisations en réponse à l’invasion de l’Ukraine.

COLLABORATION, EMPATHIE ET ÉCOUTE

Anne-Marie Hubert croit que les principes de la finance durable font appel à des compétences qui attirent davantage les femmes, comme la collaboration, l’empathie et l’écoute. Elle y voit une opportunité d’attirer plus de femmes dans l’industrie, dans le contexte de la pénurie de talents. « Il faut relayer ce message, notamment auprès des jeunes filles », insiste-t-elle.

Avec un père économiste et une mère travailleuse sociale, Geneviève Morin revendique un parcours atypique et une vision élargie englobant la finance et le communautaire. « La finance durable se prête à des parcours qui ne sont pas en ligne droite, illustre-t-elle. Elle intéresse des femmes qui proviennent d’autres secteurs, comme les ressources humaines, le marketing et l’environnement. »

La PDG de Fondaction estime que les femmes introduisent une dynamique différente dans l’industrie de la finance en délaissant les rapports de force pour gérer autrement, de manière plus ouverte. « Elles réfléchissent naturellement à l’impact des investissements sur la communauté et le milieu. Elles contribuent ainsi à développer une finance beaucoup plus collaborative. »

Pauline D’Amboise souligne que les femmes sont préoccupées par les changements climatiques et cherchent à avoir un impact sur ces enjeux à travers leur argent. « Elles sont plus sensibles à la menace qu’ils représentent pour les générations futures. Elles estiment qu’il est important de s’en soucier pour protéger les plus vulnérables. Elles sont plus mobilisées et engagées dans l’action à cet égard. »

CLARIFIER LES ATTENTES DES INVESTISSEURS

Les dirigeantes saluent le fait que les normes régissant la divulgation de certaines informations financières ont été un des sujets forts de la 26e Conférence des Parties (COP 26) de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Elles se réjouissent également que l’International Sustainability Standards Board (ISBB) ait choisi d’installer un bureau à Montréal.

« Ces avancées permettront de clarifier pour les émetteurs les attentes des investisseurs pour créer de la valeur à long terme », estime Anne-Marie Hubert. Les nouvelles exigences contribueront à tirer le traitement des critères ESG vers le haut, croit-elle, avec pour effet, entre autres, d’améliorer les conditions de travail dans les organisations, un élément scruté par les investisseurs.

Malgré ce mouvement, la transformation de l’industrie vers une finance plus durable ne se fera pas du jour au lendemain. Elle requiert une vision à long terme, estiment les dirigeantes. « Il faut garder le bâton de pèlerin », croit Pauline D’Amboise.

« On a la responsabilité d’aider le plus d’entreprises possible à bouger dans la bonne direction », ajoute Anne-Marie Hubert.

« Il faut commencer par travailler avec ceux qui veulent changer les choses en premier avant de rallier les autres », conclut Geneviève Morin.