Créer de l’inflation en « googlant »?

Par Sam Lau | 17 mai 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123RF

Plus les internautes font des recherches sur l’inflation, plus ils contribuent à la faire grimper, dit Samuel Lau, gestionnaire de portefeuille pour DoubleLine Capital à Los Angeles.

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« Depuis le creux de la pandémie, le rendement des bons du Trésor américain sur dix ans a remonté à 155 points de base, soit une hausse d’environ 100 points depuis leur creux de l’an dernier, ce qui implique une mauvaise performance pour les portefeuilles obligataires traditionnels au cours de la période », observe Samuel Lau.

Mais l’expert croit que la vigueur de la reprise économique aux États-Unis laisse présager une hausse des rendements, comme c’est habituellement le cas en temps de croissance économique. Le PIB du pays a déjà surpassé son niveau d’avant la pandémie, et le PIB réel (ajusté pour l’inflation) est tout juste 1 % sous son dernier pic. La reprise de l’activité économique a donc été rapide si on se fie à ces indicateurs.

« En début d’année, les économistes évoquaient une hausse de 4 % du PIB réel aux États-Unis en 2021, mais ces perspectives ont été depuis réajustées à 6,25 %. L’optimisme est à la hausse à mesure que les données rentrent. Et c’est pourquoi nous croyons que les taux d’intérêt vont continuer de grimper », résume Samuel Lau.

Il reconnaît que la reprise « n’a pas été organique » mais très soutenue par la dette publique américaine, qui représente aujourd’hui 19 % contre 5 % avant la pandémie. Son dernier pic était de 10 % en 2010 après les mesures d’atténuation de la crise financière.

« Cela implique un accroissement de l’offre de bons du Trésor, et cela pousse leurs rendements vers le haut. De plus, la dette utilisée pour financer les chèques envoyés aux consommateurs a alimenté les perspectives inflationnistes », explique Samuel Lau.

« Si on observe la différence entre le rendement nominal des bons du Trésor et le rendement des Titres du Trésor protégés contre l’inflation (TIPS), on obtient un rendement d’équilibre qui représente les attentes du marché concernant le taux d’inflation annualisé. Or ce pourcentage est en hausse », poursuit l’expert.

« On repère aussi des perspectives inflationnistes dans les tendances de recherches effectuées dans Google. En effet, les consommateurs s’inquiètent de l’inflation, mais leur inquiétude peut devenir une prophétie auto-réalisatrice. Plus les gens croient que l’inflation approche, plus ils sont susceptibles de devancer leurs achats, ce qui pousse l’inflation vers le haut », souligne Samuel Lau.

Il rappelle que les mesures prises par les autorités monétaires de par le monde ont été extraordinaires, mais que si on regarde uniquement les États-Unis, on parle déjà de six billions de dollars alloués à la lutte contre la pandémie au cours de la dernière année. Il faut ajouter à cela les dépenses additionnelles de quatre billions qui ont été récemment proposées par l’exécutif. En comparaison, les États-Unis avaient déboursé moins de deux billions de dollars dans la foulée de la crise financière.

« Tout cet argent originellement destiné à soutenir l’économie est désormais destiné à la stimuler. Cela risque d’avoir des effets inflationnistes qui ne seront pas que transitoires comme le prétend la Réserve fédérale. C’est comme laisser le génie s’échapper de la lampe : on ne sait pas ce qu’on va recevoir jusqu’à ce qu’il soit trop tard », illustre Samuel Lau.

Tout cela le pousse à croire que les bons du Trésor américain sur dix ans gagneront en rendement d’ici la fin 2021, sans doute près des 2 %. Mais la tendance ne sera pas linéaire et il y aura beaucoup de détours en chemin, prévient-il.

« Bien que les États-Unis aient fait beaucoup de progrès dans la réouverture de leur économie, il est encore possible de trébucher sur le chemin de la reprise économique tout en devant gérer l’impact de la pandémie. En outre, il reste à voir l’évolution de la situation ailleurs dans le monde, qui a été inégale jusqu’ici. Il y aura des hauts et des bas, mais je crois qu’à moyen terme les rendements des bons du Trésor seront plus élevés. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Sam Lau