David Allen : L’art de gérer les interruptions

Par Nicolas Ritoux | 14 mai 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Marie Laure Schaufelberger – Courtoisie

On ne peut pas être à la fois au four et au moulin, dit l’adage. Et pourtant, c’est ce que le monde technologique d’aujourd’hui nous réclame.

Les conseillers efficaces du 21e siècle doivent traiter promptement les courriels et appels de clients – qui s’attendent tous à recevoir une réponse rapide –, mais aussi trouver la concentration nécessaire pour offrir un travail de qualité. Comment gérer les interruptions sans perdre de vue ce qui compte vraiment?

Nous en avons parlé avec David Allen, auteur et conférencier américain considéré comme le gourou de l’organisation personnelle à l’ère du numérique. Popularisée par un livre du même nom paru en 2001, sa méthode Getting Things Done a fait le tour du monde sous forme de séminaires, trousses de survie, programmes multimédias et formations en ligne (voir Davidco.com). En voici les principaux enseignements, dans les mots du maître en personne.

TROP D’INTERRUPTIONS, PAS ASSEZ DE TEMPS. AU SECOURS! 

Ne tirez pas sur le messager. Les nouvelles technologies de communication sont nécessaires à votre pratique, ne serait-ce que parce que vos concurrents les utilisent aussi. Elles permettent des conversations beaucoup plus rapides que si vous deviez les avoir dans des réunions. Mais avec elles vient le risque de se laisser happer par des conversations inutiles. C’est très facile de se retrouver en c.c. dans un courriel et de laisser son attention être détournée par des distractions. Vous devez alors prendre du recul et vous demander : qu’est-ce qui est essentiel dans mes communications? Pourquoi devrais-je recevoir ces messages?

CONCRÈTEMENT, COMMENT JUGULER LE FLOT DE COURRIELS?

Votre première tâche est de rompre les communications qui ne sont pas essentielles. Par exemple, certaines infolettres vous intéressent pendant quelques semaines, puis vous cessez de les lire. Il faut faire l’effort de chercher leur fonction de désabonnement, même si elle est bien cachée! Le but est de minimiser l’excédent de courriels.

Après cela, il vous reste à traiter efficacement les messages importants. Trop souvent, on les lit une première fois pour se rendre compte qu’ils sont importants, puis on les laisse là où ils sont pour s’en occuper plus tard. Vous devez sortir de ce syndrome en vous imposant un triage constant. Si je dois poser un geste en conséquence de ce message, puis-je l’effacer ou dois-je le classer? Dans tous les cas, vous devez toujours vider votre boîte de réception.

POURQUOI NOTRE BOÎTE DE RÉCEPTION DOIT-ELLE TOUJOURS RESTER VIDE?

Qu’il s’agisse d’une boîte de courriel, d’une boîte aux lettres ou d’une boîte vocale, c’est le même principe : ne laissez rien traîner là. Vous devriez chaque fois décider du geste à poser. Si vous recevez une invitation à une réunion, alors inscrivez-la dans votre calendrier et n’y pensez plus. Votre attention est sauve puisque vous avez rangé le problème à un endroit où vous le retrouverez plus tard.

Il n’y a pas d’interruptions; il n’y a que des données mal gérées. Si vous n’êtes pas censé recevoir un message, pourquoi le recevez-vous? Si au contraire vous êtes censé le recevoir, alors gérez-le correctement. C’est toujours le même réflexe : identifiez le sujet, sa pertinence et l’endroit où le ranger pour vous en occuper plus tard.

COMMENT S’ASSURER DE TRAITER LES MESSAGES IMPORTANTS SI L’ON NE LES GARDE PAS À L’ESPRIT?

C’est là qu’intervient la notion de « mémoire extérieure ». La mémoire humaine est limitée; à force d’accumuler les éléments à garder en tête, vous perdez de vue leur contexte et leurs interrelations. Systématiquement, saisissez tout ce qui mérite votre attention, identifiez les gestes à poser, puis placez cette information dans des endroits appropriés que vous êtes sûr d’aller consulter régulièrement. Cela vous libère l’esprit pour vous concentrer sur ce qui importe dans l’immédiat, qu’il s’agisse d’un client, d’une lecture ou de vos enfants. C’est la seule façon de vous assurer que vous faites ce qui compte vraiment. La plupart des gens n’ont aucune idée du nombre de choses qu’ils ont entamées dans leur esprit mais n’ont pas terminées, car ils ne sont pas concentrés.

LA « RÈGLE DES 2 MINUTES », C’EST QUOI?

Cette règle s’applique extrêmement bien au courriel, mais aussi à tous les types d’interruptions que l’on subit dans une journée. Elle est toute simple : si ça prend moins de deux minutes, faites-le maintenant! En d’autres termes, si l’action que l’interruption vous amène à effectuer nécessite moins de deux minutes, vous devriez effectuer cette action immédiatement. Sinon, vous faites face à deux cas de figure : soit l’action prend plus de deux minutes, soit elle requiert l’intervention d’une tierce personne qui n’a pas encore réagi. Dans le premier cas, placez l’interruption dans un dossier nommé « En cours »; dans le second cas, placez-la dans le dossier « En attente ». Votre boîte de réception reste vide!

On devrait consacrer environ une heure par jour à identifier chaque interruption et à la ranger au bon endroit. Une partie importante de votre travail consiste à décider en quoi consiste votre travail, puis à systématiser cette décision.

Quels sont les problèmes les plus courants des participants à vos séminaires? Ils se sentent dépassés. Ils ne sont pas à l’aise avec la manière dont ils travaillent. Nous les aidons à réaliser que leur principale erreur est de confier l’organisation de leur vie à leur cerveau. C’est le conseil qu’ils ont le plus de mal à appliquer; votre système d’organisation ne devrait pas être votre cerveau. Les gens prennent tous des engagements dans leur esprit au lieu de les placer dans un système extérieur. Ce faisant, ils réagissent en fonction des événements les plus récents ou les plus accaparants, et non en fonction de leurs objectifs stratégiques ou tactiques.

David Allen, « S’organiser pour réussir », traduction publiée en 2008 aux Éditions Transcontinental.

Cet article est tiré de l’édition d’avril du magazine Conseiller.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.