Débat : Placements passifs, placements satellites

Par Kanupriya Vashisht | 17 octobre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
12 minutes de lecture

Justin Bender

Justin Bender, CFA, CFP, gestionnaire de portefeuille, PWL Capital

Stratégie de placements passifs

La stratégie de placements passifs, ou la stratégie « cœur » (core), est préférable d’emblée en ceci qu’elle garantit de faibles frais de gestion – c’est l’un des meilleurs facteurs de prévisibilité de la réussite future d’un fonds de placement. Un portefeuille passif composé de placements indiciels diminue également les impôts à payer. Les fonds indiciels sont pondérés selon la capitalisation boursière, ce qui signifie qu’ils contiennent tout simplement toutes les sociétés qui composent l’indice, proportionnellement rajusté aux actions en circulation. Ceci réduit le nombre d’opérations boursières et la distribution des gains en capital prévus aux investisseurs.

Rick Ferri, le père du placement indiciel à faible coût, affirme que la stratégie de placements « cœur- satellite » est en fait une stratégie « achetez maintenant, payez plus tard » – selon lui, ce n’est rien d’autre qu’une stratégie de marketing qui vise à justifier les coûts élevés pour l’apport au portefeuille d’une composante de gestion active des placements.

Un simple calcul

Le principe directeur de la philosophie de placements passifs repose sur la prémisse que William Sharpe a élaborée dans The Arithmetic of Active Management. M. Sharpe calcule qu’avant les frais de gestion, le rendement moyen du dollar géré activement est égal au rendement moyen du dollar géré passivement. Après les frais, le rendement moyen d’un dollar géré activement sera inférieur. Il ajoute : « Toute analyse empirique qui semble réfuter ce principe n’a certainement pas utilisé les bons outils de mesure. »

Certains actifs surperforment toujours. S’ils adoptent la stratégie de placement satellites, les investisseurs peuvent être tentés de sauter sur le dernier fonds populaire ou d’adopter la dernière tendance en matière de placement : ils achètent à prix fort et vendent à prix plancher.

Dans l’ensemble, un portefeuille contient différents produits indiciels de base qui couvrent une variété de catégories d’actifs, telles que les obligations canadiennes, les obligations canadiennes à rendement réel, les fiducies de placement immobilier (FPI), les actions canadiennes, américaines, internationales et des marchés émergents. Si une catégorie d’actifs surperforme, il faut la vendre pour en acheter une moins performante.

L’aversion au risque

Une philosophie de placements passifs n’est pas nécessairement motivée par l’aversion au risque. Si le risque est synonyme de volatilité, tant les portefeuilles « cœur » que les portefeuilles « satellite » peuvent augmenter ou diminuer la dose de volatilité en augmentant ou en réduisant l’exposition aux actions.

Si le risque est synonyme d’une déviation par rapport à l’indice, il faut s’en tenir aux placements indiciels. Si votre aversion au risque est moindre relativement à une telle déviation, envisagez de faire pencher la composante en actions de votre portefeuille en faveur des sociétés à faible capitalisation pour un rendement espéré (et un risque) supérieur. Diversifiez considérablement les sociétés et gardez les coûts au minimum. Ça demeure tout de même une stratégie de placements passifs.

La preuve historique

Lorsque l’on compare les fiches de rendement du S&P Dow Jones Indices Versus Active (SPIVA) pour repérer des soi-disant catégories d’actifs inefficaces, telles que des actions des marchés émergents, des titres de sociétés à faible capitalisation américains et canadiens et des obligations à rendement élevé, on note une tendance similaire.

  • À la fin de l’année 2012, 79,65 % des fonds « cœur » à petite capitalisation américains gérés activement avaient enregistré un rendement inférieur à l’indice des titres à petite capitalisation S&P sur cinq ans.
  • À la fin de l’année 2012, 75,51 % des fonds des marchés émergents gérés activement avaient enregistré un rendement inférieur à l’indice composé S&P/IFCI sur cinq ans.
  • À la fin de l’année 2012, 95 % des fonds à haut rendement activement gérés avaient enregistré un rendement inférieur à l’indice High Yield Index sur cinq ans de Barclays.

Ce retard est principalement dû aux frais de gestion élevés. La seule exception semble être parmi les titres internationaux à petite capitalisation. À la fin de l’année 2012, seuls 21,05 % des fonds activement gérés avaient enregistré un rendement inférieur à l’indice S&P Developed ex-U.S. Small-Cap sur cinq ans. Mais si on utilise plutôt le MSCI World ex USA Small Cap Index, on remarque une amélioration des rendements de l’indice de référence de l’ordre de 3,5 %, ce qui pourrait changer les résultats.

Placements passifs de prédilection

Je privilégie des FBN avec une large couverture de marché qui comprennent les sociétés qui composent l’indice. Pour le marché canadien, j’utilise le FINB BMO S&P/TSX composé plafonné, qui représente environ 250 titres. Pour le marché américain, j’utilise souvent le Vanguard Total Stock Market ETF. Il affiche environ 3 300 sociétés américaines. Pour les marchés émergents internationaux, j’utilise le Vanguard International Stock ETF, qui dénombre environ 6 000 sociétés. Il est largement diversifié parmi tous les marchés en développement et émergents, et parmi les grandes, les moyennes et les petites entreprises.

Alfred Lee

Alfred Lee, gestionnaire de portefeuille et stratège en placement, BMO Gestion mondiale d’actifs

Combiner les styles

Les investisseurs devraient récolter les fruits de leur investissement en combinant les styles de gestion active et passive.

Les FNB ont évolué au-delà des traditionnels produits qui suivent l’indice pour proposer d’autres stratégies en matière de pondération, telles que des FNB à faible volatilité ou corrélés à des indices pondérés en fonction des dividendes. Vous pourriez compléter vos participations stratégiques avec des positions tactiques dans diverses catégories d’actifs par l’intermédiaire de FNB ou de fonds communs de placement qui tirent profit des anomalies boursières ou de secteurs de marché vigoureux. Une autre option est de combiner les FNB avec des catégories d’actifs non traditionnelles comme les obligations à rendement élevé américaines, les actions privilégiées ou les instruments de dette des marchés en émergence.

Les stratégies saisonnières

Le TSX est pondéré à 75 % dans les secteurs de la finance, de l’énergie et des matériaux. Si cette concentration a été fructueuse au cours des dix dernières années en raison du supercycle des produits de base, elle ne sera peut-être pas aussi rentable à l’avenir. Les marchés émergents cherchent à internaliser leur croissance et à s’éloigner des programmes de relance liés aux infrastructures. De même, les taux de consommation des produits de base déclinent dans certains pays en développement. Par conséquent, les produits pondérés selon la capitalisation boursière de l’indice canadien pourraient offrir un rendement inférieur à d’autres marchés, comme celui des États-Unis.

Malgré ces vents contraires, plusieurs secteurs du marché canadien ont surperformé. Au cours de la dernière année, les secteurs des biens de consommation de base et des produits de consommation discrétionnaire ont offert des rendements globaux de 28,5 % et 28,3 % respectivement, outrepassant largement le rendement global de 8,1 % du TSX.

Les FNB à faible volatilité qui s’inspirent des actions canadiennes ont également tiré leur épingle du jeu dans les dernières années, alors que l’indice composé S&P/TSX a décliné. Au lieu de pondérer les actions dans un portefeuille en fonction de la capitalisation boursière, les FNB à faible volatilité ont mis l’accent sur des actions aux cours plus stables, offrant par le fait même une position plus prudente.

Au nombre des autres stratégies bêta figurent les fonds indiciels équipondérés – ou les fonds de dividendes. Comme son nom l’indique, chaque titre, que ce soit Apple ou Expedia, représente une fraction identique de sa position réelle au sein de l’indice.

Par exemple, il existe une version équipondérée du S&P 500. Même si les deux indices sont composés des mêmes titres, la politique de pondération donne d’autres résultats. L’indice S&P 500 pondéré selon la capitalisation boursière est surpondéré quant aux titres de sociétés à forte capitalisation. Un indice pondéré selon la capitalisation boursière expose les investisseurs au risque spécifique ou idiosyncrasique, étant donné sa concentration dans des actions de plus importante capitalisation boursière. Un indice équipondéré, pour sa part, vise à minimiser le risque spécifique en mettant le même accent sur chaque titre, mais pourrait présenter une tendance fondamentale pour les titres de sociétés à faible capitalisation.

Une combinaison de ces différentes concentrations, soit relativement à la taille et au secteur, peut améliorer substantiellement l’efficacité globale d’un portefeuille.

Qui plus est, au cours des dernières années, nous avons recommandé de surpondérer les titres américains comparativement aux titres canadiens afin d’accroître l’alpha ou de réduire le profil de risque des portefeuilles. Depuis le début de 2010, le rendement global de 35 % de l’indice composé S&P 500 a surpassé les -3 % de l’indice composé TSX.

S’inspirer du milieu institutionnel

Le monde institutionnel utilise les stratégies de placements cœur- satellite depuis des dizaines d’années. Si le concept n’est pas nouveau pour plusieurs investisseurs particuliers, il est devenu plus accessible avec l’abondance de produits aujourd’hui offerts. La plupart des investisseurs actuels bâtissent un portefeuille sur une solide base composée de fonds indiciels, pour du bêta facile et bon marché, puis ils y jettent une poignée de produits activement gérés et conçus pour générer de l’alpha. La récession nous a appris qu’il s’agit d’une façon plus constructive et systématique d’augmenter les rendements. Au lieu de faire des paris par-ci par-là, prenez une partie de votre portefeuille dans une certaine catégorie d’actifs (par exemple les titres canadiens) et investissez-le passivement. Ainsi, vous êtes certain qu’une partie de votre portefeuille obtiendra des rendements similaires à ceux du marché. Pour le pourcentage restant, prenez un risque actif – trouvez-vous un gestionnaire qui fait dans la gestion active ou un FNB pondéré avec des stratégies alternatives.

Préoccupations d’ordre financier

De plus en plus de gestionnaires sont maintenant accessibles par l’intermédiaire des FNB, ce qui permet de réduire les frais considérablement.

Les investisseurs devraient rechercher plus que les rendements et envisager d’investir en fonction du risque pondéré. Considérez que 37 % des gestionnaires d’actions canadiennes ont un ratio de Sharpe – un indicateur de la rentabilité obtenue par unité de risque – supérieur au TSX. Même s’ils ne surpassent pas l’indice, ces gestionnaires obtiennent de meilleurs rendements pour le risque qu’ils prennent, ce qui signifie qu’ils gèrent le risque de façon plus efficace.

Pour ce qui est des marchés émergents, un tiers des gestionnaires a obtenu de meilleurs rendements ajustés au risque que le marché; pour les sociétés américaines à faible capitalisation, 46 % des gestionnaires en ont fait autant sur une période de trois ans (de 2009 à 2012). Si ce nombre peut sembler faible, il est suffisant pour espérer élaborer un portefeuille « cœur-satellite » de qualité.

Composition de l’actif

Pour beaucoup d’investisseurs, un portefeuille de placements passifs simple est constitué d’un FNB corrélé à l’indice universel DEX, lequel offre une exposition globale au marché obligataire. Toutefois, si les taux d’intérêt continuent de grimper, les investisseurs pourraient décider de se positionner stratégiquement à l’extrémité court terme de la courbe et d’accroître leur exposition aux obligations de sociétés.

Parmi les actions, les modèles traditionnels de répartition des actifs tendent à reproduire le TSX pour ce qui est de l’exposition au marché canadien, le S&P 500 pour la portion américaine et l’indice MSCI EAEO et l’indice marchés émergents MSCI, par exemple, pour les marchés internationaux et émergents. Pour ce qui est de la composante satellite, les actifs de bonne qualité américains et les obligations américaines à rendement élevé offrent de bonnes solutions de rechange aux obligations canadiennes. En plus des FNB à faible volatilité et pondérés en fonction des dividendes, on peut se servir des actions privilégiées pour obtenir du rendement et plus de stabilité pour la composante gérée activement du portefeuille. En vertu des préoccupations récentes à l’égard de la hausse des taux d’intérêt, nous recommandons le secteur industriel et le secteur de la santé américain pour ce qui est de l’exposition tactique. Au cours des neuf derniers mois, nous avons également penché en faveur des banques américaines qui, selon nous, profiteront de la reprise dans le secteur de l’habitation aux États-Unis.

La gestion active et la gestion passive ne sont pas incompatibles. Bien plus, vous ne devriez pas établir une répartition d’actifs seulement pour mieux l’oublier. Afin d’améliorer les facteurs de risque pondéré du portefeuille, faites plutôt des ajustements stratégiques à des points clés d’inflexion du marché, non seulement au sein de chacune des multiples catégories d’actifs, mais également relativement aux mandats de gestion passive et active.


Kanupriya Vashisht est une journaliste financière de la région de Toronto.

Kanupriya Vashisht