Quand le délit d’initié devient une histoire de famille

Par La rédaction | 25 septembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123rf

L’incroyable saga du délit d’initiés « en famille » impliquant une ancienne adjointe d’un haut dirigeant de BCE a connu un nouveau développement avec l’annonce mardi, par l’Autorité des marchés financiers, des sanctions imposées au dernier protagoniste de l’affaire, Francis Beauchamp.

Le 23 mai dernier,  la Cour du Québec, district de Montréal, lui a en effet infligé une pluie d’amendes totalisant quelque 499 940 de dollars pour des gestes de délit d’initiés à la suite d’une poursuite pénale intentée par l’AMF.

En vertu de l’entente intervenue entre les parties, l’intimé a plaidé coupable aux neuf chefs d’accusation auxquels il faisait face. Concrètement, il devait répondre de quatre chefs d’accusation pour avoir communiqué une information privilégiée alors que celle-ci était encore inconnue du public, et de trois chefs pour avoir réalisé une ou plusieurs opérations sur les titres d’un émetteur assujetti alors qu’il disposait d’une information privilégiée reliée aux titres de cet émetteur. Enfin, il était visé par deux autres accusations : d’une part d’avoir exploité une information privilégiée et, d’autre part, de s’être concerté en vue de négocier sur la base de cette information.

PROFIT DE PLUS D’UN MILLION

Suivant la décision de la Cour, l’AMF indique par ailleurs avoir déposé auprès du Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) une demande de redressement, de levée d’ordonnances de blocage et de levée d’ordonnances d’interdiction d’opérations sur valeurs dans ce dossier. L’Autorité précise que le TMF a accepté cette requête et a ordonné à Francis Beauchamp de remettre au gendarme de la Bourse québécois la somme de 191 253 dollars, en plus de prononcer la levée de l’ensemble des ordonnances de blocage et d’interdiction visant celui-ci depuis le mois d’août 2015.

L’AMF souligne que, dans le cadre de cette affaire qui a connu de multiples rebondissements, Alain Beauchamp et Jeanne Brûlé ont écopé d’amendes totalisant 676 847 dollars et ont été condamnés à lui en remettre 269 795. De leur côté, Renée Morier et Sylvain Milette se sont vu infliger des pénalités totalisant 354 703 dollars. Enfin, Raymond Morier et Marie Fenez ont été condamnés à payer des amendes de 556 624 dollars, dont 275 957 sont revenus à l’Autorité.

En 2015, cette dernière avait intenté une poursuite pénale contre plusieurs personnes après la découverte d’un stratagème de délit d’initié impliquant Renée Morier, une ex-adjointe exécutive d’un haut dirigeant de BCE, et certains de ses proches, qui aurait permis au groupe de réaliser un profit de plus d’un million de dollars entre 2012 et 2015. À l’époque, l’enquête de l’AMF avait révélé que ces derniers auraient exploité diverses informations privilégiées liées à des transactions impliquant l’employeur de Renée Morier.

UNE HISTOIRE DE FAMILLE

« En usant d’information privilégiée, non accessible au grand public, les auteurs de délits d’initiés créent un déséquilibre qui affecte la confiance des investisseurs et l’efficience des marchés. De tels gestes sont inacceptables et c’est pourquoi la lutte aux délits d’initié constitue une des grandes priorités de l’Autorité. Sans cesse, nos équipes d’enquête développent et raffinent leurs outils afin d’identifier toujours plus efficacement les transactions suspectes sur les marchés. Ces actions, nous le souhaitons, dissuaderont celles et ceux qui souhaiteraient exploiter de l’information privilégiée pour toucher des profits illégaux », avait alors déclaré Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF.

Dans ce dossier complexe, le gendarme boursier avait déposé un total de 42 chefs d’accusation contre sept personnes, et réclamé des amendes dissuasives d’un montant global de 2,6 millions de dollars. Plus spécifiquement, Renée Morier était visée par neuf chefs d’accusation, soit un chef pour exploitation d’une information privilégiée et huit chefs pour tuyautage, c’est-à-dire pour avoir communiqué une information privilégiée alors qu’elle est encore inconnue du public. Sylvain Milette, son conjoint, faisait pour sa part face à huit chefs d’accusation, soit deux chefs pour délit d’initiés, un chef pour exploitation d’une information privilégiée, un chef pour concertation en vue de négocier sur la base d’une information privilégiée et quatre chefs pour tuyautage.

Francis Beauchamp, un ami du couple Morier-Milette, était quant à lui visé par neuf chefs d’accusation, tandis que ses parents, Alain Beauchamp et Jeanne Brulé, devaient répondre de quatre chefs, soit deux chefs pour délits d’initié, un chef pour exploitation d’une information privilégiée et un autre pour concertation en vue de négocier sur la base d’une information privilégiée. Enfin, les parents de Renée Morier, Raymond Morier et Marie Fenez, étaient chacun visés par quatre chefs d’accusation, soit trois chefs pour délits d’initié et un dernier pour exploitation d’une information privilégiée.

La rédaction