Déontologie : le processus disciplinaire soumis à la Charte des droits?

Par Ronald McKenzie | 5 septembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La Cour du Québec a prononcé un important jugement il y a quelques semaines concernant une sanction disciplinaire imposée au conseiller Marc Da Costa.

Radié en décembre 2010 pour avoir commis 23 infractions à la déontologie, Marc Da Costa en avait appelé de la décision du comité de discipline.

Plus précisément, Marc Da Costa avait été reconnu coupable de 7 chefs d’accusation pour avoir effectué, sans l’autorisation de ses clients, de multiples transactions qui n’étaient pas dans leur intérêt et qui avaient généré des frais importants. Il avait été condamné à des amendes de 4200 $ sur chacun des chefs, pour un total de 29 400 $. Le comité de discipline de la Chambre l’avait également radié pour une période d’un an, peine devant être purgée de façon concurrente.

Une erreur de droit

Or, la Cour du Québec a conclu que Da Costa aurait dû écoper d’une amende de 2000 $ par chef d’accusation avec l’imposition d’une radiation temporaire d’une période d’une année sur chaque chef d’accusation à être purgée de façon concurrente.

« Le Comité, en appliquant une règle de trois afin d’actualiser des peines de radiation temporaire imposées dans d’autres affaires similaires aux plaintes dont l’appelant a été trouvé coupable […] commet une erreur de droit fondamental donnant ouverture à la révision de ces sanctions imposées par le Comité pour ces différents chefs », indique le résumé du jugement.

Le tribunal ajoute : « Les principes de justice naturelle fondent que le Comité, lors de l’imposition de la sanction disciplinaire, [devrait considérer] la peine la moins sévère prévue à la loi plutôt que la disposition prévoyant une peine plus sévère. »

Pour voir de quoi il retournait, nous avons demandé l’aide de Me Maurice Charbonneau, du cabinet Charbonneau, avocats conseils. « Les infractions qui sont reprochées à M. Da Costa ont été commises avant qu’entrent en vigueur les amendements à la loi », explique l’avocat.

On se rappellera que, en mai 2008, l’Assemblée nationale du Québec avait renforcé les pouvoirs des régulateurs afin de créer un effet dissuasif sur les fraudeurs. Parmi les nouveaux outils mis à leur disposition figurait l’augmentation des amendes minimales. Or, Marc Da Costa a commis ses gestes fautifs entre 1997 et 2004.

Le comité de discipline lui a imposé les nouvelles pénalités pécuniaires alors qu’il aurait dû utiliser l’ancienne grille définie par la loi. Le jugement de la Cour du Québec a confirmé que la rétroactivité des peines ne pouvait pas s’appliquer dans ce cas-ci.

Recours à la Charte des droits et libertés

Outre ces considérations de date et de sanction, Me Charbonneau fait remarquer que la Cour du Québec a cité la Charte canadienne des droits et libertés afin d’étayer certains aspects de son argumentaire.

Ce recours est loin d’être banal, car il pourrait ouvrir la porte à l’« application intégrale de la Charte dans tout le processus disciplinaire », note-t-il. Évidemment, cela demeure théorique pour l’instant. Mais une brèche a été créée; la jurisprudence existe maintenant. Le temps nous permettra de mesurer l’importance du jugement Da Costa contre la Chambre.

Ronald McKenzie