Des obligations « riches » dans les télécommunications canadiennes

Par Trevor Bateman, CFA, CA | 8 février 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Une tour de télécommunication sur un fonds de ciel nuageux au coucher du soleil.
shaunl / iStock

L’endettement du secteur est élevé et il sera difficile de resserrer ses écarts de crédit malgré des perspectives de croissance des revenus cette année, croit Trevor Bateman, analyste en crédit dans l’équipe de recherche en revenu fixe et gestion de portefeuille à Gestion d’actifs CIBC.

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« Nous avons un point de vue plutôt favorable sur les éléments fondamentaux de l’industrie, et les télécommunications demeurent un élément essentiel d’un portefeuille d’obligations de sociétés. Nous apprécions la composition du secteur au Canada, avec juste assez de concurrence entre trois gros joueurs nationaux et quelques opérateurs régionaux. L’année 2020 a été négative pour eux, mais une reprise s’annonce pour cette année, avec des revenus et des liquidités en croissance », dit Trevor Bateman.

Selon l’expert, la téléphonie sans fil sera la principale source de croissance supplémentaire. Ces services devraient accueillir de nouveaux abonnés, et générer de nouveaux frais de dépassement une fois que les opérateurs retireront les mesures de soutien financier mises en place au début de la pandémie. Les frais interurbains, qui constituent 70 % des revenus du sans fil, devraient aussi rebondir après une année difficile, notamment si les voyages internationaux connaissent une reprise.

Du côté des forfaits Internet, M. Bateman entrevoit une continuité, d’autant plus que les gens se sont habitués à travailler à la maison. Beaucoup de ceux qui avaient pris un plus gros forfait pendant la pandémie vont certainement le garder, croit-il.

Seule la vidéo porte une ombre au tableau : elle sera moins consommée à mesure que les gens recommencent à se divertir hors de chez eux, et l’expert s’attend à une reprise des « coupures de cordon ».

Mais il n’y a pas que les revenus qui font la qualité d’une entreprise.

« Au-delà de la hausse prévue de leurs revenus, quand on regarde les états financiers des opérateurs, c’est une autre histoire. Leurs ratios endettement/BAIIA sont élevés, presque aux limites de la tolérance des agences de notation. Telus affiche 3,4, Rogers 3,1, BCE 3. Les notations sont stables avec deux exceptions. D’abord Telus, qui reçoit BBB+ sur la perspective négative liée à son endettement, et qui devra bien gérer ses achats de spectre ainsi que l’entrée en bourse de Telus International. Et ensuite Shaw, qui reçoit BBB-, mais qui se trouve sur une remontée positive et devrait être mieux noté plus tard cette année », explique Trevor Bateman.

« Je qualifierais de riches les obligations des opérateurs canadiens de télécommunications, surtout quand on les compare aux titres des banques. Je doute de la capacité de ces titres à resserrer leurs écarts de crédit cette année », dit l’expert en référence à la « richesse » des titres qui coûtent un peu cher par rapport à leurs perspectives.

Il entrevoit 10 milliards de dollars de nouvelles émissions dans le secteur en 2021, contre 8 l’an dernier. Une bonne partie ira au financement des achats de spectre, et au remboursement des obligations arrivées à maturité. « Je crois que le marché primaire peut digérer ce niveau d’émission, et je n’entrevois aucun impact négatif sur le marché secondaire », rassure-t-il.

Il note que les opérateurs canadiens n’ont encore émis aucune « obligation verte », soit des obligations ayant des effets positifs sur l’environnement. La tendance prend de l’ampleur de par le monde, comme aux États-Unis où Verizon fut le pionnier en 2009 avec une émission de plus d’un milliard de dollars pour des projets liés à l’énergie renouvelable et à l’efficacité énergétique. « Je crois que 2021 serait une bonne année pour voir les opérateurs canadiens commencer à émettre des obligations vertes », dit Trevor Bateman.

Enfin, il rappelle que l’événement majeur de l’industrie en 2021 sera la vente aux enchères par le gouvernement de catégories de spectre spécifiques à la technologie 5G, à partir du mois de juin.

« On peut s’attendre à des offres importantes de la part des opérateurs sans fil. Il faudra voir à quel point cela affectera leur endettement en 2021. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Trevor Bateman, CFA, CA

Trevor Bateman, CFA, CA Vice-présidente, titres mondiaux à revenu fixe — Crédit Analyste principal, Service du crédit, Trevor Bateman est responsable de différents secteurs du marché des obligations de sociétés de première qualité. Il effectue de la recherche fondamentale approfondie et contribue à la recherche d’idées pour les portefeuilles. Avant d’entrer au service de Gestion d’actifs CIBC en 2014, M. Bateman a occupé le poste de directeur du service de recherche sur les titres de créance d’entreprises à BMO Marchés des capitaux et de directeur exécutif, Titres à revenu fixe et devises, à Marchés mondiaux CIBC. Il a amorcé sa carrière comme comptable principal à Price Waterhouse. M. Bateman est titulaire d’un baccalauréat en commerce de l’Université de Toronto. Il est comptable agréé et détient le titre de CFA.