Dans une longue entrevue accordée à l’émission Médium Large, l’ex-PDG des Caisses Desjardins, Claude Béland, a à plusieurs reprises critiqué la direction prise par ce qui n’est plus aujourd’hui, selon lui, qu’une banque comme les autres.

À vouloir s’intégrer au monde capitaliste et jouer la concurrence avec les grandes banques, le Mouvement Desjardins aurait laissé derrière lui son rôle d’agent de changement, croit ainsi son ex-patron.

Une nouvelle direction en parfaite harmonie avec celle que prend le Québec dans son ensemble, ajoute-t-il. Or, l’homme de 85 ans ne croit pas qu’un petit peuple puisse s’en sortir s’il ne fait pas preuve de solidarité.

« Mon père me disait toujours, lorsque tu poses des gestes, demande-toi si ça nuit à notre projet de société », indique-t-il, ajoutant que les iniquités qui traversent le Québec sont bien la preuve que plus grand monde ne se pose aujourd’hui cette question.

Sa grande fierté, avoir toujours navigué dans le monde des coopératives, seul secteur à être vraiment démocratique. Il parle de cette mise en commun qui lui tient à cœur. Du « une personne, un vote », contre « une pièce, un vote » dans les milieux capitalistes.

« Quand tu as 51 % des parts d’une entreprise, c’est toi qui décides de tout! », résume-t-il, évoquant le déni de démocratie.

INDÉCENCE DES HAUTS SALAIRES

Il fustige notamment les salaires « indécents » des cadres dirigeants des grandes entreprises, Bombardier, bien sûr, mais aussi encore une fois, le Mouvement Desjardins. Les quatre millions annuels de l’ex-PDG Monique Leroux ne passent pas. Il rappelle qu’à son époque, entre 1987 et 2000, il ne touchait jamais plus de vingt fois le plus petit salaire de l’entreprise.

« Si le plus petit salaire était de 20 000 dollars, mon échelle maximale était de 400 000 dollars, précise-t-il. Et si je voulais gagner 600 000 dollars, il fallait que j’augmente tout le monde. Vous savez ce qui se passe aujourd’hui au Mouvement, les gens sont furieux. Ils réagissent. J’ai des caisses de messages. Les gens disent qu’on a réduit les ristournes pour se payer des gros salaires. Ce n’est pas la poursuite du mouvement dont on rêve. »

Il raconte également qu’un cadre dirigeant actuel des caisses, qu’il ne souhaite pas nommer, lui a dit un jour : « Vous, ce que vous n’avez pas compris, M. Béland, c’est que pour faire de l’argent, il faut faire affaire avec ceux qui en ont. Et dans les régions, il n’y en a pas. »

Entre 2000 et aujourd’hui, le nombre de caisses est d’ailleurs passé de 1 000 à 300, rappelle-t-il. Et ce sont les communautés éloignées qui en pâtissent.

« Les gens du village, ils l’aimaient leur Caisse. Elle était à eux, ils s’en occupaient », conclut-il.