Deux anciens adversaires politiques unis contre le PL 141

Par La rédaction | 26 février 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’ex-député libéral Alain Paquet et l’ex-député péquiste Rosaire Bertrand unissent leurs voix pour dénoncer le projet de loi 141 (PL 141). Ils demandent aux députés québécois de voler à la défense des droits des consommateurs et des professionnels du conseil financier.

Alain Paquet a été député de Laval-des-Rapides à l’Assemblée nationale de 2003 à 2012 et ministre délégué aux finances en 2011-2012, en plus de présider à de nombreuses reprises la Commission des Finances publiques.

Rosaire Bertrand a quant à lui représenté Charlevoix de 1994 à 2007 et a agi comme président et vice-président de la même Commission. Même s’ils s’affrontaient politiquement, ils ont eu l’occasion de collaborer à la naissance et à l’amélioration de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et à la protection des épargnants.

Tous deux figuraient aussi parmi les signataires de cette lettre d’opinion parue récemment dans Le Devoir.

REMPART POLITIQUE

S’ils décident maintenant de s’allier pour écrire à tous les députés de l’Assemblée nationale – un geste qu’ils qualifient eux-mêmes de « rare, voire inédit » – c’est qu’ils sont convaincus que l’heure est grave en raisons de leurs multiples « inquiétudes sérieuses et majeures quant à plusieurs pans du PL 141 ». S’ils en appellent directement aux députés, c’est qu’ils croient que ces derniers sont les mieux placés pour intervenir et relancer les débats autour du PL 141. Ils les exhortent donc à remettre en question plusieurs dispositions du projet de loi et à exiger davantage de travail en amont pour moderniser l’encadrement du secteur financier.

« Ultimement, quelle que soit votre affiliation politique, les 125 députés, dont vous faites partie, porteront la responsabilité du bouleversement de l’encadrement du secteur financier provoqué par l’adoption de dispositions mal avisées, écrivent les deux ex-politiciens. Le débat quant au PL 141 ne repose pas sur des lignes partisanes, il requiert uniquement que l’intérêt premier des consommateurs soit mis de l’avant. »

S’ils se défendent ainsi de toute partisanerie, les deux ex-politiciens font part de nombreuses préoccupations quant à des orientations et dispositions qu’ils jugent contraires à la protection des consommateurs et à la mise en valeur du professionnalisme des personnes de l’industrie.

La lettre présente les cinq principaux points soulevant les inquiétudes des deux signataires.

ATTAQUE CONTRE LE PROFESSIONNALISME

Ils dénoncent d’abord l’absence de réflexion digne de ce nom ayant mené à la mise à jour de l’encadrement du secteur financier, en forte évolution depuis une décennie.

L’encadrement proposé laisserait n’importe qui offrir des conseils financiers, « sans être certifié auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et sans être imputable de ses gestes et sans avoir un code de déontologie. » Finie l’obligation de fournir le produit qui convient le mieux au client, ainsi que l’obligation de démontrer des connaissances attestées des enjeux financiers. Cela réduira le nombre de professionnels et leur place relative au sein de l’industrie, selon eux.

CAPTURE RÉGLEMENTAIRE DE L’INDUSTRIE

Ils s’alarment aussi de l’autorisation de distribuer des produits financiers en ligne, sans représentants et sans protections suffisantes.

Il remettent surtout en question l’opportunité d’adopter le PL 141 et d’attendre ensuite que des règlements et dispositions encore non spécifiées soient mises en place, ce qui ne ferait que favoriser l’industrie aux dépens des consommateurs.

« La seule logique qu’on détecte à la lecture du PL 141 est la place prépondérante qui sera accordée à l’écoute des grosses organisations financières (qu’elles soient sous la forme d’une coopérative, d’une banque ou d’une compagnie d’assurance) à la base de la fabrication de produits et services financiers, écrivent les deux collègues. De fait, le PL141 leur crée une voie réservée accélérée pour influencer la réglementation avec une voix dominante. »

ABOLITION DES CHAMBRES

Quant à l’abolition de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et de la Chambre de l’assurance de dommage (ChAD), elle minerait le système professionnel de l’industrie, axé présentement sur l’autorégulation. « En vertu du PL 141, la disparition des Chambres et l’ouverture à des conseils financiers par des non certifiés compromettent toute la valeur du conseil professionnel alors que le devoir fiduciaire — priorité absolue aux intérêts du client avant ceux du professionnel — devrait plutôt demeurer primordial pour protéger les consommateurs », rappellent les auteurs.

TRAITEMENT DES PLAINTES

Ils déplorent également les changements proposés dans le traitement des plaintes. Présentement, un consommateur qui se croit lésé peut se tourner vers les chambres, déclenchant une enquête du syndic. Il peut même faire appel, gratuitement, de la décision du syndic. Cela disparaît avec le PL 141.

De plus, le système de médiation gratuit en cas de litige avec un assureur deviendra payant. La possibilité de faire appel suivant une médiation disparaît aussi. Le consommateur devra se tourner vers les tribunaux.

Enfin, les deux auteurs déplorent la disparition du Fonds pour l’éducation et la saine gouvernance à l’AMF, lequel soutient des projets d’éducation financière, de recherche et de sensibilisation pour les consommateurs.

Toutes ces préoccupations poussent les deux anciens membres de l’Assemblée nationale à implorer leurs collègues de « contester les propositions présentées dans le PL 141 et à demander qu’on ne précipite pas l’adoption de dispositions problématiques d’ici la fin de la session ».

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