Deuxième partie
81-407 : un débat épique sur les frais de suivi

Par André Giroux | 27 juin 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les organismes représentant les investisseurs sourient aux options apportées dans le document de consultation des ACVM sur le règlement 81-407 portant sur la rémunération. Les acteurs de l’industrie, eux, s’en désolent. C’est ce qui ressort des mémoires que nous avons étudiés.

De la comparaison de la rémunération entre le Canada et d’autres pays naît une première pomme de discorde. Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) appuie le discours des ACVM. Il invoque une étude publiée en novembre 2007 dans la revue CAmagazine et qui compare les fonds communs de placement dans 18 pays.

Les résultats : le Canada se classe 18e sur 18 pays. « Un fonds d’action au Canada coûtait, en frais de gestion, 73 % de plus que la moyenne des pays étudiés, retient Normand Caron, conseiller en formation au MÉDAC, et un fonds d’obligation 92 % de plus. »

Des pommes et des oranges Ces études comparent des pommes et des oranges rétorquent l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), la Chambre de la sécurité financière (CSF) et le cabinet de services financiers MICA.

L’IFIC a commandé une recherche* de concert avec deux firmes de recherches : l’américaine Strategic Insight et la canadienne Investors Economics. Cette étude montre que lorsqu’on recourt à un conseiller pour placer ses fonds, ce qui est très souvent le cas aux États-Unis, les coûts sont à peu près égaux entre les deux pays, si l’on tient compte de tous les coûts.

« Au Canada, souligne Gaétan Ruest, qui a travaillé sur le mémoire de l’IFIC, nous avons l’avantage que la quasi-totalité des coûts est intégrée dans les frais de gestion, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. Dans les autres pays, cela varie. Certains s’approchent du modèle américain, tandis que d’autres ressemblent plus au modèle canadien. »

Des conflits d’intérêts potentiels? Les ACVM relevaient de potentiels conflits d’intérêts dans leur document de consultation sur le sujet. La Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR – Canada) va dans le même sens, mais la CSF nuance.

« Nous traitons les cas de conflits d’intérêts au sein de nos comités de discipline, mentionne Luc Labelle, président et chef de la direction de la CSF, mais pas en nombre suffisant pour justifier un changement dans le mode de rémunération. »

Les solutions divergent Avec des points de friction aussi marqués, il n’est pas étonnant que les différentes parties prenantes au débat se démarquent quant aux solutions. « Les ACVM s’appuient sur des hypothèses dont je doute de la véracité. Si les postulats de base sont sujets à caution, les solutions proposées doivent être évaluées avec beaucoup plus d’attention », estime Luc Labelle.

Quant à la forme de rémunération, Normand Caron prend l’exemple de l’achat d’une automobile et de la garantie prolongée. « Ce sont là deux contrats distincts et indépendants l’un de l’autre, rappelle-t-il. Il pourrait en aller de même pour les frais de suivi ; ils feraient partie d’un contrat distinct de l’achat du fonds, auquel l’investisseur est libre d’adhérer ou non. Le contrat principal assurerait 1,5 % des sommes investies. »

FAIR exige pour sa part rien de moins que l’interdiction des commissions de suivi.

« Dans le système actuel, il n’est pas rentable de recruter un nouveau client qui a peu à investir, affirme Gino Savard, président de MICA. Nous l’acceptons en vue d’une rentabilité future et pour l’aider à commencer à épargner. Il est vrai que le gros investisseur finance le petit actuellement, mais c’est un système qui fonctionne. »

Pour Gaétan Ruest, il n’est pas nécessaire d’interdire les frais de suivi. « L’Australie et le Royaume-Uni sont allés dans cette voie parce qu’il existait des abus sérieux, où les investisseurs ne recevaient pas d’avis de leur conseiller. De tels abus n’existent pas au Canada. »

Il craint par ailleurs les effets pervers de la disparition des commissions de suivi. « Aux États-Unis, poursuit-il, il est rare que les conseillers acceptent de gérer des patrimoines inférieurs à un demi-million de dollars. Lorsque les actifs sont plus bas, les frais de suivi s’élèvent à 1,5 à 2 %. Au Canada, c’est souvent 1 %. Si on change de modèle, le nombre de conseillers qui accepteront de gérer de petites fortunes sera réduit. »

La CSF mise quant à elle sur l’amélioration de la diffusion de l’information, la recherche de transparence et la déontologie des représentants.

« Le remplacement des frais de suivi par des honoraires, par exemple, risque d’avoir pour effet qu’une partie de la population va arrêter de requérir des services-conseils et sera moins préparée pour la retraite, s’inquiète Luc Labelle. Pour résoudre un problème, on en aura créé un plus important socialement. »

Pour en savoir plus :

Mémoires :

André Giroux