Diminution des retraits minimums des FERR : peut mieux faire

Par Daniel Laverdière | 23 novembre 2015 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le budget du 21 avril 2015 annonçait une réduction du taux de retrait minimum des FERR à compter de 71 ans. Ce n’est pas d’hier que l’on demande au gouvernement de diminuer le retrait minimum des FERR : l’Institut C.D. Howe[1] avait souligné le besoin d’une baisse dans un article publié en 2008 et qu’il a mis à jour en 2014[2].

On voit bien sur le graphique suivant que les nouveaux taux (courbe verte) se distinguent des anciens (courbe rouge).

En établissant les anciens taux de retrait minimum, le ministère avait prévu un amortissement jusqu’à 100 ans, en présumant un rendement sur les placements de 7 % jumelé à une inflation de 1 %, soit un rendement réel de 6 %. En 2015, il remplace ses hypothèses par un rendement de 5 % et une inflation de 2 %, soit un rendement réel de 3 %. Deux fois moins.

Le graphique ci-contre illustre la différence entre les anciennes (en rouge) et nouvelles règles (en vert). L’axe de gauche représente l’évolution du solde d’un FERR de 100 000 $ à 71 ans (ligne pleine), en présumant un rendement de 4 %. L’axe de droite représente le niveau du retrait minimum (ligne pointillée).

On remarque qu’avec les anciennes règles le retrait minimum (ligne pointillée rouge) diminuait d’environ 2 % par année. Ceci s’explique par le fait que l’on attendait un rendement réel de 6 %, alors que le rendement brut n’a été que de 4 %. Avec les nouvelles règles, le retrait minimum (ligne pointillée verte) augmente d’environ 1 % par année, exactement l’excédent du rendement de 4 % sur le rendement réel attendu de 3 %.

Dans un contexte d’inflation de 2 %, un retraité qui souhaite voir ses revenus augmenter de 2 % par année aura besoin d’un rendement de 5 %. Considérant les frais de gestion, le rendement avant frais devra atteindre de 6 à 7 %, ce qui est loin d’être facile ! Puisque les gens âgés de 71 ans et plus ont habituellement un profil d’investisseur plus prudent, le défi devient pratiquement impossible à réaliser.

Pourquoi ne pas utiliser la formule 1 / (100 – âge) ? Elle pourrait même être appliquée aux personnes âgées de moins de 71 ans, au lieu de 1 / (90 – âge). Cette formule présume un rendement après frais correspondant à l’inflation, donc un rendement réel nul. Avec le rendement réel de 3 % au lieu de 6 %, on a la moitié du chemin de parcouru, à mon humble avis.

Le 2 juillet 2015, C.D. Howe[3] récidivait en rappelant que le rendement réel sur les investissements prudents est actuellement négatif. L’Institut souhaite une libéralisation additionnelle, allant même jusqu’à proposer l’abolition des retraits minimums.

Curieusement, le retraité à très faibles revenus qui se qualifie pour le Supplément de revenu garanti (SRG) a avantage à liquider rapidement son FERR et à profiter des espaces CELI, plus permissifs depuis le même budget 2015. De cette façon, il récupère le SRG. Ceci dit, il faut être prudent avant de recommander cette stratégie et surtout appuyer son argumentaire sur un exercice mathématique rigoureux.

Il est quand même étonnant qu’au moment même où les penseurs comme C.D. Howe cherchent à réduire le taux du retrait minimum des FERR, plusieurs clients veuillent à tout prix désimmobiliser leur CRI ou leur FRV, jugeant les retraits maximums trop limitatifs. Si le retrait minimum est déjà risqué, imaginez à quel point le retrait maximum du FRV est dangereux. Comme mentionné ci-haut, désimmobiliser pour liquider totalement le FRV peut parfois être souhaitable afin de sauvegarder le SRG.

Le planificateur financier doit bien comprendre la mécanique derrière ces hypothèses et surtout prévenir le retraité qu’il serait prudent de ne pas dépenser la totalité de son retrait minimum du FERR afin de maintenir son pouvoir d’achat à long terme. Daniel Laverdière, ASA, Pl. Fin., est directeur principal planification financière et service conseil à Banque Nationale Gestion privée 1859.


[1] http ://bit.ly/1iJRYJh [2] http ://bit.ly/1URmugc [3] http ://bit.ly/1Ob2XIO

• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Daniel Laverdière