Fraude fiscale : la SQ laisse tomber une enquête

Par La rédaction | 29 octobre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Un homme d'affaire, un classeur ouvert devant lui qu'il regarde avec une loupe.
Photo : 123RF

La Sûreté du Québec a mis un terme à l’enquête criminelle qu’elle menait depuis plusieurs années concernant les activités du promoteur Claude Duhamel et passé le relais à l’Autorité des marchés financiers, rapporte La Presse.

Le quotidien montréalais indique que la SQ a pris cette décision « à l’automne 2017 », après avoir dressé le constat qu’elle n’avait pas réussi à réunir suffisamment de preuves pour étayer ses soupçons de fraude fiscale à l’encontre de l’homme d’affaires. Compte tenu de « la complexité du dossier », ce dernier a donc été confié à l’Autorité, qui poursuit actuellement l’enquête, mais cette fois sur le plan pénal, précise La Presse, qui relève que « la preuve est moins exigeante à faire [dans ce domaine] que sur le plan criminel ».

Soupçonnés d’une fraude fiscale portant sur plusieurs dizaines de millions de dollars, Claude Duhamel et les autres intimés visés dans cette affaire, Benoit Mercier et Hélène Lavallée, vendaient depuis au moins 15 ans des abris fiscaux contestés par l’Agence du revenu du Canada (ARC) à de riches investisseurs sous le couvert de la société Edge/Highshare.

FRAUDE FISCALE DE 84 M$

Selon la Sûreté du Québec, au moins 84 millions auraient ainsi échappé au fisc canadien, notamment par le biais de deux paradis fiscaux, dont l’un situé à la Barbade, dans la mer des Caraïbes. Les quelque 400 personnes impliquées dans ces placements controversés étaient le plus souvent de riches particuliers exerçant notamment les professions de dentiste, de pharmacien, d’optométriste ou de médecin.

En mars 2016, les policiers de la SQ avaient perquisitionné dans les locaux de certains conseillers externes du groupe Edge, notamment ceux de Jean-Pierre Dorais, du cabinet Lapointe Rosenstein Marchand Melançon, ainsi que ceux de l’ex-fiscaliste Jacques Matte, condamné pour blanchiment d’argent. Le même mois, ils avaient également fait une descente dans les locaux de la société montréalaise Santé fiscale, qui s’occupe de gérer les dossiers fiscaux de nombreux professionnels de la santé. À l’époque, La Presse avait souligné que celle-ci était présidée par Pascale Cauchi, qui avait récemment été convoquée pour des audiences disciplinaires devant la Chambre de la sécurité financière.

La Presse souligne que l’enquête désormais confiée à l’AMF porte sur « un concept fiscal controversé », qui repose sur le fait que « les promoteurs promettent aux investisseurs de juteuses économies d’impôt grâce à l’acquisition d’une franchise de commercialisation de logiciels ». Pour cela, ajoute le journal, « l’investisseur achète la franchise à crédit auprès de l’organisation, en ne versant qu’un petit acompte, mais déduit la quasi-totalité de son coût d’achat total de son revenu imposable ».

« DIFFICULTÉS JURIDIQUES »

Dénoncé par l’ARC, cet abri fiscal était le fruit des recherches menées par Claude Duhamel, déjà à l’origine de plusieurs stratagèmes fiscaux semblables. Condamnés par l’Autorité pour avoir collecté illégalement plus de 300 000 dollars de fonds ainsi que par l’ARC pour évasion fiscale (1,4 million), le promoteur et Réseau Prospector avaient refait parler d’eux en 2015. Pour mémoire, Claude Duhamel avait également fait l’objet en 2003 d’une interdiction d’exercice de courtier pour une période de 10 ans après avoir été accusé de collecte illégale de fonds et de transmission d’informations fausses ou trompeuses aux investisseurs.

Malgré ces amendes et le fait que Claude Duhamel a continué à offrir un produit semblable avec Edge/Highshare en utilisant un prête-nom, comme en attestait l’enquête menée par la SQ, les investigations de la police québécoise ne se traduiront donc pas par des accusations criminelles, relève La Presse. La raison? « La SQ a été ébranlée par l’arrêt Jordan, rendu en juillet 2016, qui l’a obligée à cesser le processus judiciaire dans une affaire parallèle [projet Hantise], à cause de délais jugés déraisonnables », explique le quotidien.

Enfin, conclut-il, l’abandon des poursuites par la Sûreté a aussi été motivée par « la complexité du dossier et les difficultés juridiques à obliger un professionnel d’un paradis fiscal, central à l’affaire, à témoigner au Québec ».

La rédaction