Économie québécoise : entre atouts et défis

Par Pierre-Luc Trudel | 17 février 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Souvent perçu comme le mouton noir de l’économie nord-américaine, le Québec n’est pourtant pas en si mauvaise posture, surtout considérant tout le chemin parcouru par la Belle Province au cours des dernières décennies, a plaidé l’économiste Pierre Fortin lors d’une conférence organisée par le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) le 2 février dernier.

Alors qu’un véritable fossé existait entre le niveau de vie des Québécois et des Ontariens dans les années 50, la province francophone est presque sur le point de combler entièrement son retard. En effet, le niveau de vie des Québécois représente aujourd’hui 97 % de celui de leurs voisins ontariens.

« Je ne veux pas jouer au jovialiste, mais il faut arrêter de se voir comme une bande d’arriérés face aux autres provinces », a lancé Pierre Fortin.

Les nombreux programmes sociaux implantés à partir de la Révolution tranquille ont permis d’améliorer le niveau de scolarisation et le taux d’emploi des Québécois. « La création des cégeps a permis l’émergence d’un secteur technique très fort dans la province, tandis que la mise sur pied du réseau des CPE a permis l’entrée massive des femmes sur le marché du travail au début des années 2000 », a expliqué l’économiste.

Mais si le Québec jouit d’un niveau de vie qui équivaut à celui de l’Ontario, pourquoi reçoit-il annuellement 9 milliards de dollars en péréquation d’Ottawa?

« La formule de péréquation avantage le Québec, car elle tient compte des revenus et non du pouvoir d’achat des citoyens, répond M. Fortin. Les salaires sont environ 10 % plus bas au Québec, mais le coût de la vie y est aussi inférieur de 10 %. »

Par ailleurs, le revenu des Québécois est plus faible qu’ailleurs au pays, car ceux-ci travaillent moins et préfèrent se donner davantage de temps libre. « C’est une question de choix et non un manque de potentiel économique », a fait valoir M. Fortin, en ajoutant que le Québec est l’endroit en Amérique du Nord où les inégalités en matière de revenus sont les moins grandes.

La productivité en priorité

Malgré ses nombreux atouts, l’économie québécoise sera confrontée à de multiples défis au cours des prochaines décennies. Après la profonde récession de 2008-2009 et la très lente reprise depuis 2010, le Québec devra faire face à un véritable choc démographique. « Le principal défi du Québec, c’est la productivité, a affirmé Pierre Fortin. On va observer une décélération rapide de la croissance causée par la baisse de la population active. »

Alors qu’entre 1998 et 2013, 30 000 personnes venaient annuellement gonfler les rangs de la population active (15-64 ans), la période 2013-2018 est plutôt marquée par une perte de 7000 personnes par année dans cette tranche de la population.

« Pour encourager la productivité, il faut favoriser l’emploi chez les gens de plus de 55 ans, lutter avec plus d’acharnement contre le décrochage scolaire, notamment dans les universités, et accélérer l’intégration des immigrants, a soutenu l’économiste. Les entreprises québécoises devront aussi s’implanter à l’étranger pour aller chercher de nouvelles clientèles. »

L’impact des compressions budgétaires

Pierre Fortin s’inquiète aussi des conséquences qu’occasionneront les compressions budgétaires annoncées par le gouvernement Couillard sur l’économie du Québec. Selon lui, elles auront un impact négatif d’environ 4 milliards de dollars sur le PIB de la province, soit plus de 1 %. « Économiquement, aller trop vite peut nuire fortement à la croissance », a-t-il soutenu.

D’autant plus qu’à son avis, la dette québécoise est préoccupante, mais pas catastrophique. « Le poids de la dette québécoise dans l’économie a diminué depuis 20 ans. Ce n’est pas vrai qu’on a un énorme problème de dette incontrôlable. C’était peut-être vrai au début des années 90, mais plus aujourd’hui. Elle reste importante, mais on est sur la bonne voie. Le service de la dette a connu une diminution de 40 % en une vingtaine d’années grâce à la baisse des taux d’intérêt. »

À titre de comparaison, le déficit budgétaire du Québec est depuis 2008 six fois plus petit que celui de l’Ontario. Mais le Québec n’est pas un modèle de saine gestion pour autant, a conclu Pierre Fortin. « Pour favoriser la croissance, il faut mieux gérer l’État, le rendre plus efficace. Une restructuration qui va dans le sens d’un État plus petit et moins centralisé est une piste de solution qui doit être envisagée. »

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Pierre-Luc Trudel