En dépression, un écrivain dénonce Desjardins

Par La rédaction | 12 février 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’écrivain québécois Samuel Archibald estime que certaines institutions financières continuent d’avoir des préjugés au sujet de la maladie mentale. En dépression depuis quelques mois, il dénonce notamment le traitement de son dossier par Desjardins Assurances.

Dans une lettre ouverte publiée dimanche par La Presse+ et largement relayée sur les médias sociaux, celui-ci affirme avoir constaté que « les stigmates reliés à la maladie mentale persistaient, en dépit des campagnes de sensibilisation, au sein des institutions et chez certains individus ».

Le professeur, essayiste et auteur de nouvelles en veut pour preuve ses démêlés depuis plusieurs mois avec Desjardins Assurances qui, explique-t-il, refuse de lui verser des prestations d’invalidité du régime auquel il cotise depuis son entrée en fonction à l’Université du Québec à Montréal en 2009.

« LA PEINE DE MORT… À PETIT FEU »

La raison? Victime d’une dépression depuis l’été dernier, en arrêt de travail et sous antidépresseurs, il a néanmoins poursuivi certaines activités, comme celle de superviser à distance quelques étudiants. Or, raconte-t-il, à la suite d’une dénonciation provenant de son lieu de travail, son assureur, Desjardins, a « ouvert une enquête en bonne et due forme » et appris ainsi qu’il était notamment allé lire des poèmes à la radio ou encore qu’il avait parlé à des étudiants de cégep.

« Ils ont aussi utilisé ce nouveau truc qui consiste à éplucher les pages Facebook et Instagram de l’assuré afin de démontrer, preuves à l’appui, en cas de poursuite, qu’il n’est pas dépressif », ajoute Samuel Archibald. Or, souligne-t-il, « on ne peut s’attendre à ce que quelqu’un comme moi guérisse de quoi que ce soit en restant tout seul chez lui en bobettes avec les doigts enfoncés dans les narines, comme on ne peut s’attendre à ce que quelqu’un dont la maladie consiste en un débalancement chimique du cerveau prenne constamment des décisions éclairées ».

Et il poursuit en soutenant que les activités qui lui sont aujourd’hui reprochées par Desjardins Assurances « se sont produites sur une courte période de fausse rémission, en octobre », période durant laquelle il s’était senti mieux. « Mais rien n’y fait : ma compagnie d’assurances préfère la peine de mort… à petit feu », écrit-il. Et il précise que même si cette dernière n’a jamais nié la réalité médicale de sa maladie, l’un de ses représentants lui a répondu qu’il se devait « de prendre une décision d’assureur ». « C’est, je pense, la façon la plus empathique qu’on peut utiliser pour dire à quelqu’un que s’il coûte moins cher en sautant en bas du pont qu’en recevant des prestations, on va le laisser se crisser en bas du pont », résume Samuel Archibald.

DESJARDINS VA REVOIR CE DOSSIER

Estimant que, « comme beaucoup d’autres personnes », il est « en train de payer le gros prix pour un épisode de maladie mentale », l’écrivain déplore le fait que « le monde du travail continue souvent à jauger la maladie mentale à travers un filtre qui ne lui convient pas : celui des maladies physiques ». « En réalité, poursuit-il, si mon cerveau était foulé comme une cheville, il serait plus facile de mettre une date sur mon retour au travail et de mesurer adéquatement mon degré d’invalidité. »

Sa conclusion? « En jugeant les maladies mentales à l’aune du critère simpliste de type : « Si t’es capable d’éplucher une patate, t’es capable d’opérer un restaurant », les assureurs comme Desjardins contribuent chaque année à la détresse et à la détérioration de vie de beaucoup de personnes. Je ne sais pas combien nous sommes, mais j’aimerais beaucoup le savoir. Le temps est peut-être venu pour nous de parler et de partager publiquement nos histoires d’horreur. »

Dans un communiqué émis hier, Desjardins a réagi à cette affaire en assurant « reconnaître la maladie mentale comme invalidante » et en indiquant aussi être « particulièrement sensible à cette cause ». « Comme assureur collectif, nous accompagnons chaque année des milliers de personnes en favorisant d’abord le traitement et la santé, puis le retour au travail en respectant les capacités, les limitations et le rythme de chacun », indique le Mouvement. Celui-ci précise au passage que « près de la moitié » de ses dossiers d’assurances collectives sont des cas d’invalidité et que le taux de refus pour les cas de santé mentale se situe « sous la barre des 5 % ». Enfin, Desjardins affirme « sympathiser » avec la situation de Samuel Archibald et avoir « mis en branle un processus de révision » de son dossier hier.

La rédaction