ESG : les gestionnaires de fonds confrontés à une situation contradictoire

Par James Langton | 30 mai 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : 123RF

L’intensification de la polarisation politique sur le rôle des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion d’actifs représente un risque croissant pour les gestionnaires de fonds, selon Moody’s Investors Service.

Dans un nouveau rapport, l’agence de notation signale que l’investissement ESG est de plus en plus une source de conflit politique aux États-Unis, ce qui pose un défi stratégique aux gestionnaires d’actifs qui se retrouvent pris entre les deux camps.

« Bien que de nombreux gestionnaires d’actifs considèrent cette focalisation environnementale dans les investissements comme essentielle aux rendements à long terme, les responsables gouvernementaux d’un nombre croissant d’États américains considèrent cette approche comme incompatible avec la responsabilité fiduciaire des gestionnaires d’actifs, estimant que cela pourrait même violer les lois antitrust », a indiqué Moody’s.

On rapporte par exemple que 27 États américains, qui représentent 35 % du total des actifs de retraite du secteur public, ont récemment pris des mesures pour s’opposer aux investissements ESG, notamment en adoptant des lois interdisant aux gestionnaires d’actifs de réduire les émissions provenant de la gestion des fonds de pension publics.

Ce recul fait contrepoids à l’engagement croissant des gestionnaires d’actifs envers des émissions nettes de carbone nulles, qui découlent d’initiatives mondiales visant à atteindre cet objectif, telles que Climate Action 100+ et Net Zero Asset Managers, et qui poussent les sociétés de portefeuille à agir en ce sens.

Dans cette perspective, les gestionnaires d’actifs élargissent leur gamme de produits ESG.

De même, un certain nombre d’États américains soutiennent également l’investissement ESG : Moody’s a indiqué que 18 États, qui représentent 55 % des actifs de retraite du secteur public, ont pris des mesures qui favorisent l’investissement ESG.

Ces tendances idéologiques contradictoires représentent une complication stratégique pour les gestionnaires de fonds, un risque commercial croissant et un risque de crédit croissant, estime Moody’s.

« Le risque de crédit le plus évident pour les gestionnaires d’actifs, du fait des mesures prises dans certains États interdisant l’intégration des considérations ESG dans les décisions d’investissement, est la perte de marchés », indique le rapport. Cela menace de créer des risques juridiques qui pourraient également nuire à la réputation de nombreux intervenants du marché.

En même temps, les États qui favorisent l’investissement ESG présentent un risque de crédit similaire, car ils pourraient « potentiellement contester » les actions des gestionnaires d’actifs qui tenteraient de se conformer aux demandes des États opposés à l’investissement ESG, a noté Moody’s.

« Les gestionnaires d’actifs pourraient perdre un accès au actifs des retraites du secteur public dans ces États et subir également une mauvaise publicité et des dommages à leur réputation », laisse entente l’analyse.

Enfin, le rapport indique que « compte tenu de la polarisation observée aux États-Unis autour du changement climatique, une approche d’investissement ESG pourrait entraîner des réactions négatives des clients, et mettre en péril les autres actifs sous gestion qui ne sont pas ceux liés aux fonds de pension du secteur public ».

James Langton

James Langton est journaliste pour Advisor.ca et Investment Executive. Depuis 1994, il fait des reportages sur la réglementation, le droit des valeurs mobilières, l’actualité de l’industrie et plus encore.