Et si les banquiers étaient des tricheurs par profession?

Par La rédaction | 24 novembre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La question ne manque certes pas d’audace, surtout lorsqu’elle émane des conclusions d’une expérience suivant le principe du pile ou face. Une véritable « culture de la triche » sévirait dans le milieu bancaire, rapporte Le Monde.

Michel Maréchal, professeur d’économie expérimentale à l’Université de Zurich, et ses collègues Ernst Fehr et Alain Cohn, de l’Université de Chicago, viennent de publier les résultats de leurs recherches dans la revue scientifique Nature.

Les trois chercheurs ont décidé de vérifier leurs hypothèses relatives aux liens existant entre identités professionnelles et la façon dont celles-ci peuvent contribuer à instaurer des comportements « plus ou moins éthiques ».

La vérité si je mens

Modus operandi : une banque internationale a mis à la disposition des chercheurs 128 employés provenant de tous les secteurs et niveaux hiérarchiques. Le bassin, entièrement anonyme et présentant une expérience professionnelle moyenne de onze années et demie, a ensuite été séparé en deux groupes.

Tous ont répondu à des questions portant sur leur bien-être et ensuite à sept questions précises. Le premier groupe a été interrogé sur son identité professionnelle (fonction, type de clientèle, etc.), alors que le deuxième a été questionné sur d’autres sujets (loisirs, émissions télévisées préférées, etc.).

L’étude a révélé ensuite ses réels objectifs alors que les participants ont lancé dix fois une pièce de monnaie pour tirer à pile ou face. À gagner : une prime de 20 $ pour chaque côté face, rien pour le côté pile.

Les participants n’étant pas observés et l’appât du gain étant ce qu’il est, les possibilités de triche devenaient alors plus élevées. Selon les chercheurs, obtenir un nombre plus élevé de côtés face pouvait relever de la chance, mais pas au-delà d’un certain niveau.

Le groupe interrogé sur ses loisirs et préférences personnelles a enregistré un taux de côtés face de 51,6 % , ce qui n’est pas significativement différent de 50 % , selon le trio scientifique. Conclusion : les employés du secteur bancaire ne sont pas malhonnêtes par nature.

L’affaire se corse toutefois du côté du groupe traité dans un contexte professionnel, alors que le côté gagnant a été recensé dans 58,2 % des lancés, un taux jugé anormalement élevé. Selon les calculs de probabilité des chercheurs, le taux de tricheurs présents dans ce groupe se hisse ainsi à 26 %.

Une question de culture professionnelle

Menée auprès de groupes d’employés d’autres secteurs et avec des étudiants, le même test n’a démontré aucune différence entre les approches personnelle et professionnelle. Toutefois, un autre groupe de 80 employés d’autres institutions banquières a généré des conclusions similaires à la première cohorte, amenant les scientifiques à conclure que la première banque n’était pas à blâmer pour les comportements recensés, puisqu’il s’agirait plutôt d’une question de conditionnement professionnel.

Selon les chercheurs, « les normes et règles informelles en vigueur dans le monde bancaire privilégient les valeurs matérielles et poussent à une attitude malhonnête ».

Le trio scientifique prône une profonde transformation de la culture bancaire, l’instauration d’une assermentation qui annulerait les bonus et leurs conflits avec l’intérêt du client, et la récompense des meilleurs comportements par un système de primes.

La rédaction