Évasion fiscale : le Panama est « le dernier des Mohicans »

Par La rédaction | 6 avril 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les Panama Papers, cette fuite sans précédent qui apporte un nouvel éclairage sur les paradis fiscaux, risquent de faire parler encore longtemps. Une des dernières réactions en date : celle d’un haut dirigeant de l’OCDE, qui y voit la preuve que le Panama demeure un des derniers refuges pour ceux qui cherchent à éviter le fisc.

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), estime que ces documents dévoilent « une concentration croissante de cas d’évasion fiscale à Panama », en raison justement de la lutte contre cette forme de criminalité partout ailleurs dans le monde, a-t-il déclaré en entrevue avec l’Agence France-Presse.

APPLIQUER LES RÈGLES

« Ceux qui ne souhaitent pas déclarer leurs revenus n’ont plus beaucoup d’endroits où aller, estime-t-il. Ils ont le Panama, le dernier des Mohicans. Ce pays fait de la résistance. Face à cette situation, il faut maintenant que celui-ci décide de prendre des engagements et arrête de se faire de la publicité en disant qu’il ne respecte aucune des règles internationales. Nous avons des standards. Le vrai souci, c’est qu’il faut les appliquer. »

« Demain, avec l’échange automatique de renseignements, il y a aura un vrai changement », assure le dirigeant, qui dénonce l’inertie du gouvernement panaméen. « Comparativement à ce qu’ont accompli d’autres places financières, comme la Suisse ou le Luxembourg, le Panama n’a presque rien fait. Ce pays n’a pas pris l’engagement de procéder à l’échange automatique et il s’en fait d’ailleurs une fierté. Il est la seule place financière importante à avoir refusé de mettre en place des systèmes pour collecter les informations. »

« LE CANCER DE L’ÉCONOMIE MONDIALE »

Selon Pascal Saint-Amans, il ne reste pas d’autres paradis fiscaux d’importance sur la planète, même si certains pays, comme le Bahreïn, Nauru, Vanuatu et le Liban refusent toujours l’échange automatique de données fiscales. Mais, souligne-t-il, « on ne peut pas dire que ce soient vraiment des compétiteurs de la Suisse ou du Panama ».

Réagissant aux révélations des Panama Papers sur TVA Nouvelles, Yves Michaud a affirmé de son côté que l’évasion fiscale « est le cancer de l’économie mondiale ».

Le fondateur et administrateur du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) en a profité pour dénoncer le double standard fiscal auquel seraient soumis les Canadiens : « Les citoyens ordinaires comme vous et moi sont traqués pour la moindre peccadille sur leur rapport d’impôt », tandis que des milliards de dollars sont placés à l’abri du fisc dans des paradis fiscaux, a-t-il déploré, appelant à la création d’une « police mondiale » pour combattre ce fléau.

VOUS AVEZ UN COMPTE OFFSHORE? FERMEZ-LE!

Sur un mode plus humoristique, le conseiller en sécurité financière Fabien Major poursuit le débat en énumérant « Neuf bonnes raisons de fermer son compte offshore ».

« Tôt ou tard, votre tour viendra! Si ce ne sont pas les médias qui révèlent votre identité au grand jour et des détails croustillants sur vos comptes offshore, ce seront le fisc américain, Interpol ou le compte Facebook (piraté) de votre petite amie qui vous trahiront », écrit-il par exemple.

L’évasion fiscale dans le monde

Bien qu’il n’existe évidemment aucune statistique officielle, plusieurs études permettent d’avoir une idée de l’ampleur du phénomène de l’évasion fiscale. En 2012, le Fonds monétaire international (FMI) a ainsi évalué les transactions mondiales transitant par les paradis fiscaux à 6 500 milliards de dollars, via 4 000 banques et deux millions de sociétés écrans, rapporte Le Figaro.

DE 18 000 À 30 000 G$

Après avoir compilé les données de la Banque mondiale, du FMI, des Nations unies et des grandes banques centrales, le réseau indépendant Tax Justice Network affirme de son côté que le phénomène représente plutôt de 18 000 à 30 000 milliards de dollars, soit environ 10 fois le produit intérieur brut annuel d’un pays comme la France…

Selon le réseau indépendant, ces montants représenteraient entre 170 et 260 milliards de dollars de recettes fiscales qui ne rentrent pas dans les caisses des États du monde.

Enfin, un économiste de McKinsey, James Henry, estime que les sommes détournées sont encore plus importantes et qu’elles équivalent à un manque à gagner pour les gouvernements de quelque 2 600 G$ sur la base d’un taux d’imposition de 10 %, de plus de 5 000 G$ si elles étaient taxées à 20 %, voire de 13 000 G$ (à 50 %).

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