Familles recomposées : un parent averti en vaut deux (2)

Par Sophie Stival | 4 mars 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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PROTÉGER LES ENFANTS 

Bien des bambins subissent les contrecoups de la séparation et de la recomposition familiale. Lorsque les parents biologiques n’ont pas les mêmes revenus, il peut arriver que leur progéniture vive une semaine sur deux dans un manoir et l’autre, dans un appartement modeste. « Si ce niveau de vie élastique peut déranger certains enfants et leur parent, ce n’est habituellement pas un motif suffisant pour aller devant les tribunaux », remarque Me Marion. De même, certains beaux-parents ne subviennent à aucune dépense des enfants de leur partenaire. Juridiquement, ils en ont pleinement le droit, sauf exception.

Selon la Loi sur le divorce, il existe un principe qui peut obliger un beau-parent à agir en lieu de parent (in loco parentis). Mais cette règle ne s’applique qu’aux couples mariés. Ainsi, la mère ou le père d’un enfant issu d’une union précédente peut exiger de son nouvel époux qu’il agisse à l’avenir à titre de parent. Si le couple devait divorcer, le parent biologique pourrait demander à celui qui n’a aucun lien de filiation avec l’enfant de lui verser une pension alimentaire.

Lorsque les divergences apparaissent irréconciliables, les conseillers peuvent proposer à leurs clients de recourir à la médiation familiale. Cette avenue connaît d’après les sondages beaucoup de succès au Québec. Selon MeCatherine Clément-Talbot, l’accès à des séances gratuites y est sûrement pour quelque chose.

Pendant ces rencontres, les couples tentent de négocier une entente qui réponde aux besoins de tous les membres de la famille. Quant au médiateur, il faut le considérer comme un facilitateur qui neutralise autant que possible la confrontation en encourageant la communication et la collaboration. « Le bien-être des enfants est souvent au cœur de la démarche », rappelle Me Clément-Talbot, elle-même médiatrice accréditée. Les sujets traités sont nombreux : la garde, la pension alimentaire, le partage des dépenses, l’éducation des enfants, etc. Toutes les ententes prises en médiation peuvent être révisées par des experts. Cela est même encouragé afin d’en arriver à des accords équitables et viables.

LÉGUER À SES BEAUX-ENFANTS

Bien que le beau-parent n’ait aucune autorité parentale sur les enfants de son conjoint, il se peut que le lien d’attachement soit aussi fort qu’avec le parent biologique. Dans de tels cas, certains peuvent vouloir léguer une part d’héritage à leurs beaux-enfants. L’unique façon d’y parvenir sera de l’inscrire dans un testament. Imaginons, par exemple, un couple vivant en union libre depuis 15 ans, chaque membre ayant deux enfants d’unions précédentes. Si l’un d’eux décède, seuls ses enfants de sang auront droit au patrimoine en l’absence de testament. Le présent conjoint et sa progéniture ne pourront réclamer aucun dû. Dans de telles circonstances, exprimer ses désirs par écrit peut changer la donne.

De même, quand les enfants ne sont pas majeurs, il est important que les parents biologiques prévoient qui gérera leurs avoirs. Les conseillers peuvent en discuter avec eux en leur rappelant que, sans acte juridique, l’ex-conjoint sera désigné comme administrateur. Autrement dit, si le parent biologique souhaite que son présent conjoint gère les avoirs de ses beaux-enfants mineurs, il est indispensable de le préciser dans un testament en créant une fiducie.

Il en va de même de la résidence. Sans testament, des enfants peuvent hériter de leur père une moitié du domicile quand la concubine en est la copropriétaire. Et le beau-parent n’aura pas toujours les moyens de racheter la part des enfants. Parfois, la seule solution sera de vendre la maison alors qu’on aurait pu l’éviter en étant plus clair dans ses dernières volontés.

On ne peut enfin négliger le partage de la succession, qui peut aussi s’avérer laborieux dans le cas des familles recomposées. Les conseillers doivent rappeler à leurs clients l’importance de bien choisir les liquidateurs de leur succession. Certains parents désigneront leur conjoint actuel et les enfants d’une précédente union. Ceci peut créer des impasses majeures lors du règlement de l’héritage puisque la loi exige l’unanimité dans les prises de décisions. Idéalement, le testateur nommera un tiers qui conciliera les intérêts de chacun. « Il n’est pas nécessaire de faire appel à un fiduciaire externe, cela peut être un frère ou une sœur », remarque Caroline Marion.

Les familles recomposées sont là pour rester. En comprenant les enjeux sociaux et économiques auxquels elles sont confrontées, les conseillers pourront mieux les épauler.

Exercer son autorité parentale Dans certaines familles recomposées, les beaux-parents prennent part à bien des décisions. Pourtant, d’un point de vue strictement juridique, le nouveau conjoint n’a aucun droit ou pouvoir sur ses beaux-enfants. Selon le Code civil, ce sont les parents biologiques qui ont pleine autorité sur leur progéniture, peu importe sous quel toit elle demeure.Ainsi, une mère qui a la garde exclusive de son fils ne peut déléguer à son nouveau partenaire l’autorité parentale du père ou lui attribuer un rôle de tuteur. « Dès qu’il y a un autre parent d’inscrit sur l’acte de naissance, même si ce dernier est en prison ou n’a jamais vu l’enfant, il conserve sa pleine autorité parentale », rappelle la notaire Caroline Marion. Ceci peut créer beaucoup de tensions lors des prises de décisions, même aussi anodines que de choisir une activité parascolaire, un camp d’été ou une école secondaire. Les parents biologiques devront alors tous deux signer et donner leur accord.

Sophie Stival