Financement des CEA : assurance rachat de parts en cas d’invalidité ou assurance maladie grave?

24 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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L’assurance maladie grave (AMG) est souvent proposée par les conseillers en sécurité financière afin de financer une convention entre actionnaires (CEA) au détriment de l’assurance traditionnelle dite « rachat de parts ». Comment se comparent ces deux produits?

L’ASSURANCE « RACHAT DE PARTS » EN CAS D’INVALIDITÉ

Une méthode de financement sûre pour les clauses d’invalidité contenues aux CEA est la souscription, par les actionnaires, d’une assurance dite « rachat de parts ». Ce type d’assurance, conçu spécialement pour le financement du retrait d’un actionnaire en cas d’invalidité, procure une somme forfaitaire permettant de le faire. Elle diffère d’une assurance commune d’invalidité, laquelle remplace seulement le revenu d’un actionnaire.

Elle a l’avantage d’être un produit parfaitement adapté au mécanisme de retrait d’un actionnaire invalide, mais le désavantage d’être coûteuse dans certaines situations. Son manque de popularité sur le marché fait en sorte que ce type de produit n’a pas été mis à jour depuis une trentaine d’années par les compagnies d’assurances. Sauf exception, le plafond au Canada pour un assuré est généralement fixé à 1 M$.

Il n’est pas toujours facile d’obtenir une telle assurance en raison de l’historique de santé ou du domaine d’occupation d’un actionnaire. Il est aussi difficile d’obtenir un montant qui couvre la pleine valeur des actions (notamment en cas de croissance de la valeur de l’entreprise). Il peut donc arriver que les actionnaires financent une partie seulement du prix d’acquisition.

Toutefois, dans certains cas, la compagnie Lloyd’s of London permet d’établir une assurance sur mesure avec un produit non garanti[1]. Les primes à court terme sont moins élevées que celles d’un produit garanti offert sur le marché par les autres sociétés d’assurances, puisqu’il est plutôt du genre « temporaire » et non pas du type « permanent ».

L’ASSURANCE MALADIE GRAVE

Ce type d’assurance est souvent proposé à la place d’une assurance rachat de parts par les conseillers en sécurité financière, afin de répondre au besoin de financement des clauses d’invalidité dans les CEA.

L’AMG est conçue pour le paiement d’une prestation à un actionnaire qui a une maladie définie dans son contrat, par exemple une crise cardiaque ou un cancer.

Selon l’activité professionnelle de l’assuré, elle peut avoir l’avantage d’être moins onéreuse qu’une assurance « rachat de parts », mais le désavantage d’être moins adaptée au financement des clauses contenues aux CEA puisque ce n’est pas un élément déclencheur de rachat.

En effet, dans le cas où un actionnaire devient invalide suivant un événement ou une maladie non prévus par l’AMG, par exemple un accident le rendant inapte, cela ne déclenchera pas le financement du retrait pour cause d’invalidité.

À l’inverse, il y a bien des maladies graves qui ne sont pas une cause d’invalidité permanente. Citons plusieurs cas de cancers ou de crises cardiaques qui ne nécessitent que quelques mois de convalescence et, donc, qui provoqueraient l’application de la clause d’invalidité alors que l’actionnaire ne désire pas se retrouver en situation de retrait.

Également, mentionnons le délai d’attente pour le paiement de la prestation. Il est généralement de 30 jours suivant un diagnostic de maladie grave, ce qui n’est pas nécessairement adapté à la réalité dans un contexte de retrait d’un actionnaire.

Ce type d’assurance est surtout utilisé pour la protection des personnes clés, afin de pallier la diminution des entrées de fonds due à une absence temporaire. Mais elle pourrait être utilisée dans les cas où la valeur des actions à racheter dépasse un million de dollars, soit la limite de l’assurance invalidité « rachat de parts ».

Attention, en combinant l’assurance rachat de parts et l’AMG, s’il y avait retrait de l’actionnaire invalide au moment du paiement de l’AMG (soit 30 jours après diagnostic) selon la définition contenue à la convention, il n’y aurait plus la nécessité de l’assurance rachat de parts car il y aurait alors eu vente au moment de l’AMG.

PRINCIPALES DISTINCTIONS ENTRE L’ASSURANCE « RACHAT DE PARTS » ET L’ASSURANCE MALADIE GRAVE

Le tableau suivant démontre les principales distinctions entre les deux types d’assurances :

ASSURANCE « RACHAT DE PARTS » ASSURANCE « MALADIE GRAVE »
Couverture maximale 1 M$ par actionnaire 2,5 M$ par actionnaire
Délais de carence 12, 24 ou 36 mois 30 jours après diagnostic
Titulaire Généralement de 2 à 5 actionnaires, moins de 50 employés, chiffre d’affaires de moins de 10 M$, entreprise existante et rentable depuis au moins 3 ans N/A
Lien de parenté Ne peut être mise en place si les actionnaires sont des personnes liées (parent-enfant, conjoints) N/A
Participation active à l’entreprise 30 heures par semaine minimum N/A
Détention d’actions Entre 10 et 90 % d’actions N/A
Fin de l’assurance Maximum à 62 ans Maximum à 100 ans
Retour de primes Non disponible Disponible
Lien avec la CEA et l’assurance Obligatoire pour souscription et indemnisation Aucune obligation pour souscription ou indemnisation
Invalidités couvertes Attribuable à une maladie ou à une blessure Attribuable à un nombre limité de maladies graves
Tarification En fonction de l’activité professionnelle de l’assuré Aucun égard à l’occupation
Type de protection Prime fixe de type permanent Temporaire ou permanent

Me Odile St-Hilaire, notaire fiscaliste, et Michel Lessard, fiscaliste, assureur vie agréé et Pl. Fin., Lessard & St-Hilaire, société professionnelle inc.


[1] À noter qu’une preuve de bonne santé doit être fournie après trois ans et que le taux des primes croît annuellement.


• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2016 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.