France : bye-bye la banque!

Par Chantal Legault | 5 mai 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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André Bourret
André Bourret, Crédit photo : Martin Laprise

Faire un pied de nez aux banques en ouvrant un compte bancaire en moins de cinq minutes dans un bureau de tabac en France, c’est maintenant possible grâce au Compte-Nickel. Les seules conditions pour en posséder un : être majeur, avoir une pièce d’identité valide et un numéro de téléphone mobile. Une véritable révolution dans le monde bancaire français. Hugues Le Bret, ex-banquier à la Société Générale et maintenant président du Conseil de surveillance de la Financière des paiements électroniques (FPE), l’entreprise qui a lancé le Compte-Nickel en février 2014, nous relate les péripéties de ce projet dans son livre No Bank, récemment publié aux Éditions Les Arènes.

COMPTE POUR TOUS

L’aventure commence à Paris, le 15 février 2011, par une rencontre entre Hugues Le Bret, ancien PDG de Boursorama, et Ryad Boulanouar, inventeur de la carte prépayée Moneo et fondateur d’ABM Technologies, une société de développement de logiciels. Ce dernier lui propose de se joindre à lui et à ses complices pour lancer un projet inusité : offrir un compte bancaire accessible à tous sans condition de revenus ou de patrimoine.

« Ce qui m’attirait dans ce projet, c’était la volonté qu’avait Ryad Boulanouar de vouloir simplifier la vie des gens, explique Hugues Le Bret. Il avait été lui-même interdit bancaire et souhaitait offrir une solution de paiement aux deux millions et demi d’exclus bancaires en France. Avec beaucoup d’imagination, une bonne technologie et un large réseau de distribution, il nous était possible d’offrir un compte bancaire accessible à tous, quels que soient leurs revenus.»

Concurrence dans le secteur bancaire

En Europe, c’est la première fois qu’il est possible d’ouvrir un compte ailleurs que dans une banque. La personne désireuse d’en obtenir un se présente dans l’un des 60 bureaux de tabac actuellement agréés en France. Le buraliste scanne sur une borne Nickel la carte d’identité du nouveau client pour l’authentifier et lui remet, pour la somme de 20 euros, un relevé d’identité bancaire ainsi qu’une boîte contenant une carte de paiement Mastercard Nickel, l’équivalent d’une carte de débit. Les transactions autorisées sont les dépôts et retraits d’espèces chez le buraliste et dans les distributeurs automatiques, les virements, les achats chez les commerçants et les paiements en ligne. Le Compte-Nickel ne permet pas de découvert, n’offre pas de chéquier ni de livret d’épargne. Les frais bancaires sont de 50 euros environ par année, soit trois fois moins que les frais bancaires moyens annuels de 150 euros réclamés par les banques françaises.

La Financière des paiements électroniques, créée par Ryad Boulanouar et Hugues Le Bret, n’est pas à proprement parler une banque, mais un établissement de paiement, c’est-à-dire une entité juridique qui peut fournir différents services de paiement, mais n’est pas autorisée à accorder du crédit. Ce nouveau statut a été instauré en 2007 en Europe, pour permettre davantage de concurrence dans le secteur bancaire.

« On peut fonctionner comme une banque, mais on n’a pas un statut de banque, explique M. Le Bret. On ne vend rien d’autre au client que la tenue de compte et des moyens de paiement dans un lieu de distribution original : les bureaux de tabac. Il y en a plus de 27 000 en France. On en trouve partout, même dans les petits villages où il n’y a plus de banque, de bureau de poste ou de services sociaux. C’est le buraliste qui joue maintenant le rôle de lien social. »

Objectif : 100 000 comptes d’ici la fin 2014

Hugues Le Bret et Ryad Boulanouar souhaitent, d’ici la fin de l’année 2014, équiper plus de 1 000 buralistes en France et dans les Antilles françaises de la borne Nickel. Ils se fixent pour la même date un objectif de 100 000 clients, ce qui correspond au seuil de rentabilité de l’entreprise. Les clients visés par ce nouveau compte sont bien sûr les exclus bancaires, mais aussi les étudiants, les voyageurs, les retraités et tous ceux qui ne veulent plus payer de frais bancaires élevés.

« Près de 300 clients par jour ont ouvert un compte les jours suivants le lancement officiel, qui a eu lieu le 11 février 2014, souligne M. Le Bret. On bénéficie d’un accueil formidable de la presse parce que ça touche à l’image des banques après la crise de 2008, mais aussi parce que ça s’adresse au peuple, à la population la plus fragile, à qui on offre une solution. »

Et l’aventure ne s’arrêtera pas là. Déjà, les responsables de la FPE discutent avec la Fédération des buralistes italiens en vue d’implanter le Compte-Nickel en Italie et songent éventuellement à l’offrir dans d’autres pays européens.

No Bank, l’incroyable histoire d’un entrepreneur de banlieue qui veut révolutionner la banque, Hugues Le Bret, Éditions Les Arènes, 2013, 281 pages.

Chantal Legault