Gare aux hypothèques parapluies

Par La rédaction | 20 février 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La plupart des Québécois sont mal informés quand ils souscrivent une hypothèque et ils devraient se méfier des « clauses parapluies », met en garde Option consommateurs.

Une étude réalisée conjointement par l’organisme et par Me Marie Annik Grégoire, professeure à l’Université de Montréal, montre en effet que ce type de produit demeure particulièrement méconnu du grand public même s’il peut causer bien des dégâts.

Alors qu’une hypothèque traditionnelle ne couvre généralement que le seul montant du prêt nécessaire pour acheter une maison, une hypothèque de type parapluie garantit aussi les autres dettes que le consommateur, ou son conjoint s’il est copropriétaire, a contractées ou contractera auprès de la même institution financière.

UN PRODUIT « EXTRÊMEMENT RISQUÉ »

Autorisé au Québec depuis 1994, ce produit est « extrêmement risqué », juge la directrice de la recherche chez Option consommateurs. En effet, explique Maryse Guénette, « il peut empêcher le consommateur de changer de prêteur au moment de renouveler son hypothèque ou d’obtenir sa quittance même après avoir fini de payer sa maison », en plus de l’obliger aussi parfois « à payer les dettes de son conjoint ».

Dans le cadre de l’étude, l’organisme a enregistré (ou fait enregistrer), à l’insu des institutions financières, les conversations que cinq clients contractant une hypothèque ont eues avec leur représentant au moment de signer leur contrat hypothécaire. « Nous voulions vérifier si l’information transmise permet au consommateur d’être en mesure de connaître la nature et la portée de son engagement hypothécaire et, ce faisant, de faire un choix éclairé », précise Maryse Guénette.

Selon l’organisme, les résultats de cette enquête sur le terrain sont « alarmants » et, bien que celle-ci se soit déroulée dans cinq institutions financières différentes, le canevas de chaque rencontre a été le même, « ce qui indique une forte standardisation des pratiques », observe Me Grégoire.

PLUSIEURS LACUNES CONSTATÉES

Concrètement, chacun des cinq participants à l’étude a obtenu une hypothèque parapluie. Option consommateurs note que si les modalités du prêt ont été correctement transmises, d’importantes lacunes ont été observées. Ainsi, la portée « rechargeable » qui caractérise cette garantie hypothécaire n’a jamais été clairement expliquée aux participants. Pire, un représentant a affirmé que le produit qu’il proposait ne couvrait que le prêt d’achat de l’immeuble, alors que cela était faux.

L’organisme a relevé d’autres lacunes en lien avec la remise de l’acte hypothécaire, notamment le fait qu’aucun participant n’ait pu le lire avant de le signer, et la vente d’assurance (dans ce domaine aussi, des renseignements importants n’ont pas été divulgués au client). Option consommateurs affirme que deux clients ont même été incités à fournir une fausse information. « Dans un cas, on a invité un consommateur à répondre « non » plutôt que « oui » à une question sur son état de santé; dans un autre, on lui a proposé d’interpréter très largement une question sur son état de santé afin de « ne pas avoir à aller chercher un rapport du médecin » ».

Or, souligne Me Marie Annik Grégoire, de tels gestes peuvent avoir de graves conséquences au moment de faire une réclamation, puisqu’« une fausse déclaration peut entraîner la nullité du contrat d’assurance et le refus de l’assureur d’indemniser le consommateur ».

UNE SÉRIE DE RECOMMANDATIONS

Alors que l’hypothèque parapluie est interdite dans certains pays, notamment en France depuis 2013, car « considérée comme trop toxique en ce qu’il favorisait grandement le surendettement du consommateur », Option consommateurs et Me Grégoire émettent une série de recommandations destinées aux pouvoirs publics et aux particuliers. Aux gouvernements fédéral et provincial, ils suggèrent « d’obliger les institutions financières à offrir également à leurs clients des hypothèques traditionnelles, à les informer adéquatement sur la nature du produit qu’elles leur proposent et de s’assurer qu’ils ont bien compris »; et « de mettre en place un système d’inspection assujetti de sanctions pénales ». Le gouvernement du Québec, lui, devrait « soumettre les contrats hypothécaires entre une institution financière et un consommateur à la Loi sur la protection du consommateur ».

De leur côté, les institutions financières devraient être obligées : « de faire connaître aux consommateurs la fonction de vente de leurs conseillers et les incitatifs à vendre des produits d’assurance »; « de s’assurer que leurs représentants soient adéquatement formés sur la nature des contrats d’hypothèque »; et « de s’assurer de rédiger leurs contrats hypothécaires dans un langage clair ».

Enfin, les consommateurs auraient tout intérêt à « se renseigner sur le type de contrat hypothécaire que propose leur institution financière et à le lire attentivement avant de conclure la transaction chez le notaire ». Et ils devraient « éviter, dans la mesure du possible, de souscrire d’autres prêts auprès de l’institution afin que toutes leurs nouvelles dettes ne soient pas garanties par l’hypothèque sur leur maison, à moins que ce ne soit leur souhait (en attendant que les choses changent, c’est la meilleure manière de se protéger) ».

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