Gestion de portefeuille : L’inévitable diversification à l’international

21 août 2012 | Dernière mise à jour le 21 août 2012
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Avec un dollar canadien bien évalué, arrimé souvent autour de la parité avec le billet vert, la diversification internationale des portefeuilles est de nouveau à l’ordre du jour. La conjoncture actuelle et l’avenir prévisible justifieraient que de 50 % à 60 % de la portion en actions du portefeuille soit investie à l’extérieur du Canada, de préférence aux États-Unis ou dans les grandes transnationales. Et les fonds négociés en Bourse (FNB) pourrait être le l’instrument le mieux adapté à cette extension outre-frontière.

La question de la diversification internationale des portefeuilles est des plus pertinente, insiste Denis Durand, associé principal chez Jarislowsky Fraser. D’autant que l’histoire récente nous enseigne qu’il n’a pas été toujours payant d’investir hors-Canada. Du moins, la surpondération en titres canadiens a longtemps été justifiée. Le Canada ayant mieux résisté à la crise de 2008. Il a récupéré rapidement de la Grande Récession et le poids des ressources naturelles dans son économie a longtemps ajouté à son attrait.

Mais ce poids est devenu trop lourd, estiment les analystes. Et si l’investissement hors-Canada, notamment aux États-Unis, a longtemps été plombé par un risque de change élevé, la parité du huard avec le billet vert vient changer la donne. « Avec un dollar passant de 64 ¢US à 1 $US, il n’a peut-être pas été payant d’investir hors-Canada. Mais, aujourd’hui, avec un dollar canadien bien évalué, à parité avec sa contrepartie américaine, le risque de divise n’est plus présent », explique Sylvain Ratelle, vice-président et stratège, Marchés mondiaux à Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL).

Des ressources au ralenti

Le spécialiste en répartition d’actifs note au passage que le super cycle haussier des matières premières est terminé, notamment avec la Chine qui amorce une tendance structurelle de ralentissement de sa croissance économique. Avec un secteur des ressources et autres matières industrielles comptant pour 45 % de l’indice S&P/TSX, ce poids rend aujourd’hui le marché boursier canadien plus vulnérable.

Sylvain Ratelle considère qu’il pourrait être justifié d’accorder une part de 60 % aux titres internationaux dans la portion en actions du portefeuille. Il recommande un bon mélange de titres des États-Unis et des pays émergents, même si ces derniers affichent des perspectives de croissance plus faibles. À l’opposé, il conseille de sous-pondérer l’Europe, qui n’offre pas une bonne relation risque-rendement. « Le poids des banques y est encore trop important. Le changement structurel nécessaire à l’Europe est encore long à venir et beaucoup de réformes restent à faire. »

Le spécialiste de VMBL jette son dévolu sur les pays indépendants, disposant de tous les leviers leur permettant de s’ajuster rapidement aux chocs et autres aléas économiques. Au demeurant, les entreprises transnationales européennes peu exposées à la zone euro représentent un certain attrait, quoique leur potentiel soit déjà escompté. « Je vois plus de valeur parmi les transnationales japonaises. Le yen est beaucoup trop élevé, ne serait-ce qu’en fonction du ratio dette/PIB du Japon. Avec une dévaluation du yen dans les cartes, ces grandes multinationales pourraient réserver de belles surprises. »

Une hausse des taux sur le radar

Pour sa part, Denis Durand croit qu’il pourrait être approprié de consacrer à l’international jusqu’à la moitié de la portion en actions du portefeuille, avec une répartition 60 % États-Unis, 40 % Europe-Asie. « Nous faisons la lecture d’un retour de la croissance économique. Mais où va-t-elle être ? », se demande-t-il. Il entrevoit une hausse modérée de l’activité économique aux États-Unis, une croissance presque nulle en Europe et une activité plus faible dans les pays émergents, avec une croissance mondiale ramenée autour de 3,4 %. Au Canada, « nous sommes à la limite. La valorisation actuelle (du marché boursier) trouve sa justification dans le prix élevé des ressources naturelles. Ainsi, la prépondérance des ressources, sa surpondération dans le S&P/TSX, ajoutent un risque à l’investissement au Canada. »

L’associé principal de Jarislowsky Fraser croit également que le dollar canadien devrait maintenir sa relative parité avec le billet vert. Si des pressions à la baisse doivent s’exercer sur le prix des ressources, une hausse des taux d’intérêt au Canada apparaît à l’horizon.

Devant cette mosaïque, Denis Durand retient que le marché boursier canadien est trop axé sur les ressources, et trop dépendant du cours de l’or. Il fait également remarquer que dans leur quasi-totalité, les grands titres de ressources ne sont plus canadiens. Il y a sur-représentation de petites entreprises, ce qui accroît la volatilité. Même constat pour le marché des pays émergents, qui a souffert plus que les autres en 2011.

Le conseiller en placement jette un regard sur les transnationales européennes, surtout celles dont le gros des revenus vient de l’Asie et des États-Unis. Il pointe notamment en direction du rendement en dividende qui, à 3,5 ou 4 %, vient favoriser les actions et doubler le rendement offert sur une obligation de dix ans. « Les multinationales européennes peuvent ainsi se présenter comme alternative à une obligation européenne de dix ans, qui n’existe pas », propose-t-il.

Des multiples à un niveau raisonnable

William André Nadeau va plus loin. Si le président du cabinet Orientation Finance privilégie une répartition 50-50 entre les actions et les titres à revenu fixe, le gestionnaire estime que la portion en actions devrait se répartir entre les titres canadiens (15 %), américains (20 %), européens (5 %) et émergents (10 %).

Selon son analyse, les titres à revenu fixe se prêtent mal à une diversification internationale. « Ces titres ne devraient pas être soumis au risque de fluctuations de devise. Du moins, leur faible rendement ne permet pas de compenser pour le risque additionnel. » Sur le marché des actions, il regarde d’abord du côté des États-Unis. « C’est l’économie la plus diversifiée et la Bourse n’est pas chère. S’ajoute un risque de devise très faible par opposition à un potentiel de rendement plus intéressant. »

Ce marché n’a pas affiché une performance très reluisante au cours de la dernière décennie, lorsque converti en dollars canadiens. Une étude de RBC Gestion mondiale d’actifs fait ressortir qu’en janvier 2002, les Canadiens ont payé 45 fois le bénéfice des entreprises composant le S&P 500. Par la suite, le rendement annualisé sur dix ans a été de -1,9 % en dollar canadien, qui est passé de 64 ¢US à 1 $US dans l’intervalle.

Aujourd’hui, avec un ratio cours/bénéfice de 14, ce multiple est revenu au niveau ayant prévalu en décembre 1988, un ratio qui avait alors servi de prélude à un rendement annualisé de 21,9 % (en dollars canadiens) au cours de la décennie suivante. Avec un dollar aujourd’hui à parité, un ratio cours/bénéfice de 14 et un faible ratio de versement de dividendes, « les bénéfices des sociétés américaines sont « en solde », particulièrement si vous êtes Canadien », conclut RBC.

Suivent les pays émergents, là où le ratio cours/bénéfice moyen est moins élevé que celui des pays industrialisés. « L’on craint pour le ralentissement de la croissance en Chine. Or, la progression attendue du PIB passe de 8,5 à 7,5 %. Cela reste tout de même une bonne croissance. Il faut faire attention au Brésil ou encore à l’Inde, aux prises avec l’inflation. Mais l’on se retrouve malgré tout avec un ratio cours/bénéfice de 12, pour une croissance moyenne de 5 à 7 % », retient le gestionnaire d’Orientation Finance, M. Nadeau.

Quant à l’Europe, il dit être en accord avec Denis Durand pour favoriser les titres de transnationales européennes peu exposées à la zone euro. Selon le Bloomberg 500, elles se vendent à un multiple de 14, donc similaire à celui du S&P 500. Mais le gestionnaires d’Orientation Finance privilégie une position faible, optant principalement pour les « pays aux cheveux blonds » que sont l’Allemagne, la Suède ou et les autres pays scandinaves. « La croissance n’est pas au rendez-vous. L’Europe se retrouve présentement en phase de crainte. Lorsqu’elle passera en phase investissement, on pourrait alors accroître la position européenne, par un arbitrage Europe-États-Unis. »

À ses yeux, et à ceux des deux autres spécialistes, les FNB peuvent être vus comme un instrument idéal, permettant aux portefeuilles – surtout les plus petits ou ceux ne pouvant s’offrir des services plus personnalisés – d’accéder à cette diversification internationale. « Une fois que l’on a identifié les bons secteurs et les bons pays, on peut procéder par l’intermédiaire de FNB sur une base sectorielle », précise Sylvain Ratelle. Pour les pays émergents, on peut envisager un FNB diversifié ou indiciel général, renchérit William André Nadeau. Ou encore des FNB de grandes capitalisations pour les États-Unis ou l’Europe.

Denis Durand parle également des FNB indiciels, pour les petits portefeuilles. « On évite les frais plus élevés des fonds d’investissement et l’on peut moduler selon les besoins », dit-il.

Il va sans dire que tous ces scénarios supposent que l’Europe saura éviter le dérapage. Les analystes se réjouissent de voir la Banque centrale européenne s’inspirer davantage du modèle de la Réserve fédérale américaine. Et ils applaudissent le discours politique européen qui, depuis décembre dernier, fait davantage l’apologie de la croissance économique que de l’austérité à tous crins. Sans compter les moyens d’intervention additionnels accordés au Fonds monétaire international. « Il faut apprécier le changement de ton. Mais si le Portugal ou l’Espagne venait à vaciller, tout cela n’aurait que peu d’effet », résume Sylvain Ratelle.

Cet article est tiré de l’édition de juin du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.