Gestionnaires émergents c. conseillers autonomes

Par La rédaction | 9 juillet 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Shao-Chun Wang / 123rf

Une première rencontre a été organisée en avril pour permettre à ces deux mondes de mieux se connaître et de collaborer.

« C’est bien simple, la structure d’approvisionnement en fonds des 32 000 représentants en épargne collective au Québec peut se comparer à une autoroute, illustre Robert Pouliot, directeur des Services aux investisseurs FidRisk et expert en évaluation du risque fiduciaire. Quand on ne roule que sur l’autoroute, on sait la présence des grandes villes mais on n’a pas idée de tous les petits villages alentour. Les conseillers autonomes sont souvent passés par des grandes institutions financières avant de se lancer à leur compte. Ils sont affiliés à des cabinets de courtage qui eux-mêmes dépendent souvent des banques. Ils ont du mal à sortir de ces pipelines qui poussent les produits venus de Toronto, New York, Chicago ou Boston. »

Et pourtant, le Québec dispose de tout un panel de gestionnaires en émergence, qui se lancent en affaires et proposent des produits spécifiques, de niche. Parmi eux, Altervest, cofondé en 2010 par Geneviève Blouin. Quatre ans plus tard, parce qu’elle se rend compte qu’il est difficile de lever des actifs, puisque le premier réflexe des conseillers est de se tourner vers les institutions financières, elle lance le Conseil des gestionnaires en émergence (CGE).

« Les gestionnaires qui se lancent en affaires n’ont pas beaucoup de temps pour promouvoir leurs produits, explique-t-elle. Résultat : le Québec a perdu beaucoup d’actifs sous gestion ces dernières années. Les actifs sont gérés à Toronto ou aux États-Unis. En plus des activités de formation et des outils que nous développons pour leur simplifier la vie, le CGE sert à promouvoir les gestionnaires d’ici et leurs produits. »

INVESTIR LOCALEMENT

C’est sur ce terrain que Robert Pouliot et Geneviève Blouin se sont rencontrés et qu’ils ont décidé de favoriser la rencontre entre ces deux mondes. Une première réunion a eu lieu en avril dernier et l’événement devrait être renouvelé chaque année.

« Parmi les gestionnaires, beaucoup étaient sceptiques, reconnaît Mme Blouin. Mais nous avons découvert des gens intéressés par nos produits. Des conseillers qui seraient contents de pouvoir investir localement. »

Robert Pouliot confirme qu’en permettant aux gestionnaires de communiquer leurs stratégies, l’événement a ouvert de nouvelles perspectives aux conseillers autonomes. Certains n’en soupçonnaient pas même l’existence, d’autres croyaient qu’il serait trop risqué de faire affaire avec ces plus petits joueurs.

« Les gestionnaires en émergence ne sont pas assez gros pour avoir leurs propres fonds communs, explique-t-il. Ils mettent sur pied des fonds communs qui ne demandent pas de prospectus et qui sont donc moins dispendieux à monter. Pour les conseillers, cela peut paraître périlleux parce qu’ils n’ont pas les ressources pour mener une vérification diligente et qu’ils n’ont pas le même degré de sécurité que les fonds communs, qui, eux, sont surveillés par le régulateur. Une bonne vérification, à la fois du gestionnaire et de ses produits, ça peut coûter entre 15 et 50 000 dollars. »

RASSURER ET OUTILLER

Le mouvement devrait permettre de les rassurer et de les outiller. Robert Pouliot rappelle qu’à aucun moment les gestionnaires n’ont réellement l’argent des investisseurs entre les mains et que, de ce fait, ils ne peuvent partir avec l’argent de leurs clients.

« Mais le problème de la vérification demeure, poursuit-il. Il faudrait que les courtiers acceptent d’embaucher des gens capables de la mener ou qu’ils s’entendent pour qu’un organisme indépendant le fasse. De mon point de vue, c’est une tâche que le fonds d’indemnisation géré par l’AMF pourrait mener. L’industrie pourrait se mettre d’accord pour que tous les gestionnaires au Québec et tous les fonds destinés à être distribués au Québec soient préalablement visés par le fonds d’indemnisation. »

Les gestionnaires émergents et les conseillers autonomes étaient jusque-là deux solitudes qui s’ignoraient, commente M. Pouliot, qui croit pourtant que les investisseurs auraient intérêt à ce que cela change. Pas qu’ils soient meilleurs que les gestionnaires de Toronto, New York, Chicago ou Boston. Mais parce qu’il y a une proximité permettant plus d’interactions.

« Ils sont capables de fournir une information plus fréquente et diversifiée que les représentants commerciaux qui sont envoyés par les grands gestionnaires américains », précise-t-il.

Quant à Geneviève Blouin, elle y voit l’occasion de faire croître les actifs sous gestion au Québec. Ce qui serait une bonne nouvelle pour elle et son entreprise, mais aussi pour de nombreux gestionnaires en herbe, incapables aujourd’hui de se lancer.

« Il y a un tas d’étudiants qui sortent avec un CFA ou une maitrise et qui ne lancent pas leur propre business faute d’opportunités, souligne-t-elle. Si un véritable dialogue s’instaure entre nous et les conseillers autonomes, la donne devrait pouvoir changer. »

La rédaction