Great-West : « La réduction des effectifs était prévisible »

Par Rémi Maillard | 26 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La Great-West Lifeco supprimera quelque 1 500 postes dans ses différentes succursales au pays au cours des deux prochaines années, annonce la compagnie d’assurance.

Dans un communiqué publié hier, celle-ci précise que cette réduction, qui correspond environ à 13 % de son effectif total de 12 000 employés, se fera par la compression de ses travailleurs temporaires, l’instauration d’un programme de retraite volontaire et l’élimination de postes suivant un programme de cessation d’emploi, et ce, dans tous ses secteurs d’activité.

Interrogée par Conseiller, la Great-West indique que ces coupes seront réparties proportionnellement à travers toutes ses succursales canadiennes. Cela représente 110 postes supprimés à Montréal.

La filiale de Power Corporation, propriété de la famille Desmarais, prévoit que ces licenciements seront en partie compensés par la croissance de ses affaires ainsi que par l’attrition naturelle, combinée à des pratiques d’embauche encadrée, rapporte La Presse Canadienne.

1 000 POSTES SUPPRIMÉS DÈS CETTE ANNÉE

Les réductions de coûts se traduiront également par de la consolidation immobilière et la mise à jour de systèmes d’information. Au total, le plan de restructuration dévoilé hier est chiffré à quelque 215 millions de dollars, correspondant aux indemnités de cessation d’emploi ainsi qu’aux coûts liés à l’optimisation immobilière et aux systèmes d’information.

Radio-Canada précise qu’un millier de postes seront supprimés d’ici la fin de l’année et 500 autres en 2018. Selon un porte-parole de la compagnie, environ 450 emplois disparaîtront à Winnipeg.

« Ces changements vont aider la compagnie à tirer profit de son succès passé et à proposer des résultats positifs aux clients dans un contexte mondial où les avancées et une concurrence accrue influent de plus en plus sur les besoins et attentes des clients. (…) Cette transformation assurera que la compagnie continue à remplir sa mission : améliorer le bien-être financier, physique et mental des Canadiens », justifie la Great-West dans son communiqué.

Dans un courriel à Conseiller, elle ajoute que ces changements permettront à l’entreprise d’être plus efficace et de développer des services davantage axés sur les clients, notamment par des innovations technologiques et le recrutement d’employés qualifiés en la matière.

« IL S’AGIT D’UNE TENDANCE LOURDE »

« Il s’agit de décisions difficiles mais nécessaires, que nous ne prenons pas à la légère », a pour sa part expliqué Paul Mahon, président et chef de la direction du groupe. Celui-ci s’est dit « déterminé à traiter de manière équitable et respectueuse toutes les personnes touchées, conformément à nos valeurs ». Avec ce plan, la société prévoit de réaliser des économies de 200 millions sur une base annuelle dès 2019.

« Le plan de restructuration de la Great-West n’est pas un phénomène aléatoire ni isolé; il fait partie d’une tendance lourde dans le secteur bancaire et financier, explique à Conseiller Jean Roy, professeur à HEC Montréal. Fondamentalement, la technologie entraîne de nombreux changements au sein des institutions financières, qui réalisent de plus en plus d’opérations de manière automatique grâce à l’informatisation. Il y a quelques années, l’automatisation concernait surtout les transactions simples, mais désormais cette tendance touche également de plus en plus les opérations de crédit. »

En fait, estime ce spécialiste en gestion des institutions financières et en intelligence artificielle en finance, les suppressions de postes annoncées hier par la compagnie d’assurance étaient « probablement prévisibles », car « derrière tout cela, il y a une logique de réduction des coûts et d’une meilleure efficacité ». Au Canada, la Banque Laurentienne, la Banque Nationale et Desjardins, entre autres, avaient déjà procédé ainsi, rappelle-t-il, et « on pouvait donc s’attendre à ce que les groupes qui ne l’avaient pas encore fait le fassent à leur tour ».

« LE SECTEUR VIT UNE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE »

« Le secteur bancaire vit aujourd’hui une forme de révolution industrielle et technologique, et on assiste à de nombreux changements, spécialement dans le domaine des prêts hypothécaires, souligne le chercheur. Jusqu’à récemment, il y avait une étape de saisie de données et, en général, l’opération était validée par du personnel qui s’assurait qu’il n’y ait pas de fausse représentation. Mais depuis quelque temps, les grandes institutions ont automatisé ce processus. La consultation des bureaux de crédit, par exemple, se fait automatiquement par ordinateur. Et une fois que l’ensemble des informations ont été vérifiées, les banques utilisent, depuis longtemps d’ailleurs, des modèles décisionnels automatisés, essentiellement basés sur le credit scoring [évaluation du crédit]. »

« Aux États-Unis, poursuit Jean Roy, on a récemment vu l’apparition d’un prêteur non bancaire, Rocket Mortgage, qui est en fait une application pour téléphone mobile grâce à laquelle les consommateurs peuvent entrer eux-mêmes les données les concernant et savoir, en quelques minutes, si leur demande de prêt a été acceptée ou pas. Il s’agit vraiment d’une tendance mondiale. D’ailleurs, de l’autre côté de la frontière, la Wells Fargo et Windham Capital Mortgage, entre autres, viennent également de mettre à pied une partie de leurs employés dans le secteur des hypothèques. »

Si le professeur de HEC Montréal estime que cette tendance « va se poursuivre encore un moment », il dit ignorer « combien de temps elle durera ni quelle sera l’étape suivante ». À l’heure actuelle, résume-t-il, « elle touche principalement les hypothèques, mais une firme aussi importante que Black Rock a “remercié” il y a peu un grand nombre de ses employés parce qu’elle a l’intention d’automatiser entièrement sa gestion de portefeuille ».

« LA BANQUE FAIT TRAVAILLER LE CLIENT »

Sa conclusion? « La révolution en cours aura des conséquences dans plusieurs secteurs de la finance. Il est clair que la grande tendance continuera à être de recourir de plus en plus à l’intelligence artificielle, comme il est clair que, avec ces appareils automatisés, la banque fait de plus en plus travailler le client. Elle lui dit : “Fais tes affaires toi-même”. On assiste là à une sorte de déplacement du travail du représentant vers le client lui-même, jusqu’à un certain point, ce qui soulève d’ailleurs plusieurs questions. »

Le spécialiste ajoute que « certains experts entrevoient même que le développement de l’intelligence artificielle pourrait faire en sorte que dans une dizaine d’années, par exemple, les gens seront accueillis dans leur succursale par des robots ».

Rémi Maillard

Journaliste multimédia. Santé, environnement, société, finances personnelles. Également intéressé par les affaires publiques, les relations internationales, la culture… Passionné de cyclisme.