Heureusement qu’il y a Ottawa

Par Nicolas Ritoux | 28 septembre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les récentes performances des obligations provinciales sont largement dues au soutien du fédéral, estime Adam Ditkofsky, vice-président et gestionnaire de portefeuille à Gestion d’actifs CIBC.

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« En dépit de nombreux défis, les obligations à durée moyenne des provinces canadiennes ont resserré près de 80 % de l’écart qu’elles avaient gagné cette année », note Adam Ditkofsky en référence à l’écart de rendement avec les obligations fédérales de même durée, soit de cinq à dix ans.

L’expert observe qu’à la fin août, au moment de notre entrevue, cet écart était de 6,5 % et les obligations provinciales avaient offert des rendements de 8,7 % pour l’année jusque-là.

« C’est largement attribuable au soutien de la Banque du Canada, qui a annoncé en avril un programme de 50 milliards de dollars d’achats d’obligations provinciales pour aider celles-ci à limiter leurs écarts de rendement et à maintenir leur liquidité. Juste après l’annonce, ces titres ont vu leur écart se resserrer de 35 points de base en une semaine, soit 75 % de leur resserrement total de l’année », dit Adam Ditkofsky.

Toutes les provinces ont annoncé des déficits pour l’année fiscale 2020-21, pour un montant collectif d’environ 100 milliards. L’année précédente, celui-ci était de « seulement » douze milliards. La pandémie de COVID-19 a causé à la fois un pic de dépenses et une baisse des revenus dans les provinces, et les échéances qu’elles avaient jadis données pour un possible retour à l’équilibre budgétaire sont maintenant chose du passé.

« En résumé, la plupart des provinces ont vu leur économie s’affaiblir, leur déficit se creuser, et leurs besoins s’accroître. Alors pourquoi leurs obligations ont connu une si belle reprise? C’est à cause du soutien de la Banque du Canada mais aussi de la prédiction que se font les investisseurs d’un soutien continu du gouvernement fédéral dans l’avenir, de toutes les façons possibles », dit Adam Ditkofsky.

Il note que les provinces ont levé 60 % du financement dont elles avaient besoin durant la présente année fiscale alors qu’on n’en était qu’à 40 % de celle-ci (elle débute le 1er avril). Cela laisse croire que leurs besoins totaux pour l’année seront de 150 milliards, soit 2,8 milliards de nouvelle dette provinciale par semaine. C’est une hausse notable par rapport aux dernières années.

« Le Québec, l’Ontario et l’Alberta ont des programmes d’emprunt internationaux bien établis qui représentent de 25 à 35 % de leurs émissions annuelles de titres de créance. Et la Banque du Canada conserve encore 40 milliards de capacité d’achat dans son programme, et nous croyons que s’il lui en faut plus, elle sera augmentée », dit Adam Ditkofsky.

Le Québec et l’Ontario sont les provinces qui offrent les obligations avec la plus grande liquidité selon lui. Les budgets des provinces qui dépendent davantage des matières premières, comme l’Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador, sont exposés à un plus grand risque. Mais encore une fois, l’expert n’y voit aucun risque de défaut de paiement car le gouvernement fédéral apportera sûrement son aide.

« Nous avons sous-pondéré les obligations provinciales afin d’accroître notre exposition aux obligations de société. Elles devraient surperformer par rapport aux obligations fédérales dans les 12 prochains mois, mais nous croyons que ce sont les titres de sociétés qui seront les véritables gagnants au bout du compte », dit Adam Ditkofsky.

Les obligations provinciales conservent cependant un intérêt certain, selon lui.

« Dans cette catégorie d’actifs, nous conservons des titres à plus longue durée, surtout en Ontario et au Québec étant donné leur liquidité, mais nous sommes surpondérés du côté de l’Alberta et de la Saskatchewan. Malgré leur exposition aux matières premières, ces provinces présentent des états financiers solides avec une faible dette nette au PIB, qui est sous les 20 % en comparaison avec celle de l’Ontario, à environ 40 %. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.