Impôt rétroactif pour les « riches » : Ça se retournera contre la classe moyenne!

Par Yves Bonneau | 28 septembre 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF) a communiqué son intention de suivre attentivement le débat qui fait rage depuis l’annonce du gouvernement Marois d’imposer à rebours les contribuables gagnant 130 000 dollars et plus.

Yves Chartrand dit être inquiet des modifications envisagées à la fiscalité québécoise, tant futures que rétroactives. « Nous avons toujours été d’ardents défenseurs de la classe moyenne. Pensons simplement à notre longue bataille sur l’indexation du régime fiscal dans les années 1990 ou encore nos courbes produites démontrant les taux réels d’imposition. Toutefois, nous croyons sincèrement que les modifications envisagées à ce jour finiront, à moyen terme, par se retourner contre la classe moyenne… », affirme-t-il sans ambages.

Le CQFF croit qu’il existe diverses alternatives à la formule actuelle de la taxe santé de 200 $ (qu’il considère régressive). Et ces solutions ne créeraient pas les bouleversements envisagés (gains en capital, crédits pour dividendes et hausse abrupte des taux d’imposition individuels des plus « riches » sans égard au revenu familial d’un couple). Au contraire, les experts du CQFF entrevoient que les changements proposés par le présent gouvernement vont plutôt engendrer de très nombreuses iniquités… Se défendant de faire de la politique ou d’appartenir à un lobby quelconque, M. Chartrand insiste : « Le seul intérêt que nous avons est celui de l’ensemble des contribuables. »

Toujours selon le formateur en fiscalité, nous assistons à un désolant spectacle d’improvisation qui n’amènera pas le Québec sur la voie de la richesse.

« Les “riches” sont effectivement une source importante de revenus pour les gouvernements et on doit s’assurer qu’ils paient leur juste part. Toutefois, ce qu’il faut au Québec, ce n’est pas simplement de taxer plus les riches… mais d’avoir plus de riches à taxer…! Voilà toute la différence et c’est cela qui est payant et rentable! Simplement taxer plus les riches n’apportera pas le niveau de recettes fiscales souhaité par le gouvernement… », analyse froidement M. Chartrand.

Citant l’exemple récent du Royaume-Uni, Yves Chartrand enjoint aux décideurs de faire très attention. « Le cas de la Grande-Bretagne l’a démontré clairement. Pareille initiative peut entraîner des répercussions de telle sorte que la pression fiscale pourrait ultimement se retourner contre la classe moyenne au Québec ». Le CQFF fait également remarquer que selon l’Institut de la statistique du Québec, le Québec détient le 9e revenu disponible par habitant au Canada. L’Île–du-Prince-Édouard étant la seule province affichant un pire score que le Québec. « Cela est désolant », fait observer le fiscaliste.

Yves Chartrand promet que son équipe fournira au cours des prochains mois des informations, des données statistiques et des explications supplémentaires sur la réalité fiscale du Québec. Le fiscaliste croit qu’il existe des alternatives raisonnables et entend en faire la promotion.

Pour démontrer son intérêt à joindre sa voix au présent débat, il pose gravement les questions suivantes : « Est-il normal qu’une famille ayant un revenu familial de 250 000 $ paie le même tarif de 7 $ par jour pour une garderie qu’une famille gagnant 40 000 $? N’y aurait-il pas lieu de limiter la hausse de l’impôt des particuliers de telle sorte que le taux combiné atteigne un seuil maximum psychologique de 49,8 %? N’y aurait-il pas lieu de moduler la contribution santé pour la rendre plus progressive? Est-il normal que les gens de moins de 65 ans qui bénéficient d’une rente d’un régime de pension agréé (RPA) aient le droit de fractionner leur revenu de retraite avec un conjoint alors que ceux qui n’ont que des REER ou FERR ne peuvent pas le faire et devrait-on leur retirer ce privilège, d’autant plus que plus de 50 % de ces personnes âgées de moins de 65 ans continuent à générer du revenu de travail? Est-il normal que le gain en capital sur une ancienne terre agricole ne servant plus à l’agriculture depuis 60 ans puisse néanmoins bénéficier de l’exonération de 750 000 $ sur les gains en capital si elle est encore détenue par un enfant ou un petit-enfant alors qu’un petit propriétaire d’un triplex risque d’être imposé encore plus? N’y aurait-il pas lieu de faire un important ménage dans certains crédits d’impôt remboursables offerts aux entreprises et qui coûtent une véritable fortune sans être nécessairement très efficaces? Pourquoi modifier l’imposition des dividendes alors que le concept d’intégration fonctionne à des poussières près? »

Pour Yves Chartrand et le CQFF, le débat est clairement lancé.

Yves Bonneau