Insolite : il perd 34,5 milliards en un an

Par Ronald McKenzie | 23 octobre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le Brésilien Eike Batista inscrira vraisemblablement son nom en lettres rouges dans le livre des records Guinness.

En effet, ce spéculateur et pseudo-industriel de 55 ans aurait perdu 34,5 milliards de dollars en un an.

Première fortune au Brésil, septième au monde selon Forbes avant de s’effondrer, Eike Batista a construit son empire financier en spéculant à la Bourse et en achetant-vendant à répétition (et à profit) des mines d’or, rapporte le site Rue89. Son conglomérat EBX Groupe a des intérêts dans presque tous les secteurs : minerai, sidérurgie, énergie, pétrole, logistique et industrie navale.

Avec l’argent vient la démesure. En avril 2012, il inaugure ce qui doit être le chef-d’œuvre de son plan de conquête : la mise en service d’un port, presque deux fois plus grand que l’île de Manhattan, au large de Rio de Janeiro.

« Tout le gratin politique et économique est là, [la présidente du Brésil] Dilma Rousseff en tête, dont il a financé la campagne présidentielle. La presse le présente comme le symbole de l’expansion économique de son pays; les investisseurs étrangers s’arrachent les actions de son groupe. Chacun veut emporter avec lui un morceau d’une si belle réussite », relate Rue89.

Eike Batista se fait construire un énorme manoir sur les hauteurs de Rio, avec deux immenses salles de cinéma maison et une « vue taillée pour un roi ». Il y organise des fêtes qui ravissent les vedettes des soaps brésiliens. Au milieu de son salon trône une Mercedes-Benz McLaren payée 500 000 $.

Sûr de ses succès à venir, il s’offre un yacht qu’il baptise Spirit of Brazil VII. Sa vie privée régale les journaux à potins. Il épouse une ancienne playmate et donne à ses deux fils le nom de divinités nordiques : Thor et Odin.

La chute

C’est en s’intéressant au pétrole qu’Eike Batista a coulé les fondations de son échec. En 2007, il s’endette pour acheter des puits de pétrole à des prix démentiels, bien au-dessus du marché. Un analyste financier explique à Bloomberg News: « Ils voulaient prouver au monde qu’ils pouvaient battre n’importe qui. Ils avaient besoin d’un succès extraordinaire pour récupérer leur mise. »

Batista promet que ses réserves sont immenses et rapides à exploiter. Sans s’en assurer. Il s’attaque à la production du pétrole comme on joue au poker. Ses contrôleurs de gestion commencent à émettre des doutes. « Eike est un trader, pas un bâtisseur de projets industriels. Il s’est fixé des objectifs réalisables en cinq ou dix ans qu’il a cherché à atteindre comme s’il courait un 400 mètres », a dit l’un de ses collaborateurs.

En 2012, l’empire d’Eike Batista s’effondre. L’euphorie économique brésilienne est passée, les promesses de Batista ne sont pas tenues, les actions de son entreprise perdent leur valeur. Les investisseurs se désengagent aussi vite qu’ils sont arrivés. Comme toutes les entreprises de son conglomérat dépendent les unes des autres, il suffit de retirer une carte pour que tout le château s’écroule.

Batista se retrouve seul avec ses dettes et l’échec de son modèle de gestion.

Aujourd’hui, l’ancien milliardaire a les traits tirés, mais il assure qu’il n’a fait que perdre une bataille. Il remboursera toutes ses dettes, promet-il, refusant de profiter de la loi brésilienne sur les faillites.

Eike Batista est assis sur un champ de ruines dont ses créditeurs se disputent les restes. Les autorités brésiliennes ont ouvert une enquête pour comprendre sa chute.

Ronald McKenzie