Investissement : ce chauvinisme qui rend aveugle

Par André Gosselin | 8 mai 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Partout sur la planète, les investisseurs choisissent les sociétés qu’ils connaissent bien : celles de leur patelin. Cet esprit de clocher est pourtant très néfaste pour leur portefeuille, écrit André Gosselin, fondateur de la philosophie de gestion du cabinet Orientation Finance.

Comme pour le reste de l’économie, la mondialisation constitue la tendance lourde sur les marchés financiers depuis 10 ans. On peut désormais acheter, notamment par des fonds communs ou des fonds négociés en Bourse (FNB), des actions mexicaines, norvégiennes, chinoises ou australiennes. Ce n’était pas possible il y a 20 ans.

Plus de 80 % des titres que les Canadiens détiennent aujourd’hui dans leurs portefeuilles sont ceux de sociétés canadiennes. Pourtant, les marchés boursiers des autres pays n’ont jamais été aussi accessibles, mais les investisseurs restent concentrés sur leur marché boursier local. D’un strict point de vue risque-rendement, on ne peut pas dire qu’ils respectent les principes élémentaires de la diversification de portefeuille.

Les Canadiens ne sont pas les seuls dans leur cas : une étude américaine évalue à 92,2 le pourcentage d’actions de sociétés américaines dans le portefeuille des investisseurs américains.

Quand on regarde du côté des autres grands marchés boursiers de la planète, la préférence pour des titres d’entreprises locales est tout aussi forte : 95,7 % de titres japonais dans le portefeuille des Japonais, 89,4 % d’actions françaises dans le portefeuille des Français, etc.

Les investisseurs du Canada, des États-Unis, de la France et de partout ailleurs dans le monde ont toujours été très « nationalistes », pour ne pas dire chauvins, en matière d’investissement. Nous avons un esprit de clocher que les conseillers financiers exploitent allègrement. Les investisseurs québécois préfèrent, et de loin, les titres d’entreprises québécoises. Et les investisseurs ontariens préfèrent les entreprises ontariennes. Même chose en Alberta.

Les investisseurs institutionnels ont aussi un esprit de clocher. Aux États-Unis, par exemple, les gestionnaires de fonds communs sont attirés par les entreprises qui se trouvent dans leur région, voire dans leur ville.

Ce chauvinisme est sans doute motivé par plusieurs raisons. Ainsi, on peut penser que les titres de sociétés canadiennes nous attirent davantage parce que nos médias et la publicité en parlent davantage. On peut aussi penser que le fait de consommer surtout des produits et services de sociétés canadiennes nous forcent à mieux les connaître que les entreprises étrangères, et donc à jeter notre dévolu sur elles quand on achète des actions. Le comportement de nos banques et de nos institutions financières explique peut-être en partie le phénomène : après tout, ce sont elles qui pilotent les émissions d’actions des sociétés canadiennes. Et, à ce chapitre, elles sont bien appuyées par une armée de courtiers vendeurs.

Je ne serais pas surpris d’apprendre que notre chauvinisme nous pousse à croire que nos gouvernements peuvent mieux protéger nos droits et nos intérêts d’actionnaires… à condition qu’on investisse dans des entreprises canadiennes plutôt qu’étrangères.

Le rôle des conseillers Les conseillers financiers, on le sait, ont une large part de responsabilité dans l’éducation des investisseurs, et c’est à eux de faire comprendre à leurs clients qu’en matière d’investissement, le chauvinisme ne paie pas. Ils doivent aussi leur enseigner les avantages de la diversification internationale du portefeuille et les amener à s’ouvrir sur le monde.

Je ne peux pas croire que tout ce qu’ils arrivent à faire, c’est d’inciter leurs clients à placer un maigre 5 % de leur actif financier dans des titres autres que canadiens et américains.

Le réflexe des conseillers financiers du Québec est simple : ils se disent que leurs clients préfèrent les entreprises canadiennes, puis les entreprises américaines. Ils leur vendent donc des titres de sociétés canadiennes et américaines. Au diable les beaux principes de la diversification internationale !

On sent toujours une résistance chez les conseillers à qui on parle de diversification internationale. « C’est déjà assez compliqué de vendre aux Québécois l’idée d’investir dans des actions, disent-ils. On ne va pas commencer à se compliquer la tâche en insistant sur les actions brésiliennes ou finlandaises. »

Prenez, par exemple, cette catégorie d’actif qu’on appelle les « petites capitalisations étrangères » (exception faite des entreprises américaines). Depuis la chute du communisme et la libéralisation croissante du commerce international, les petites entreprises publiques, partout dans le monde mais surtout en Europe, connaissent un essor sans précédent. Au point de constituer plus de 10% de la capitalisation boursière de la planète, un record de tous les temps.

La diversification est beaucoup plus profitable avec les petites firmes qu’avec les grandes. Sur les marchés boursiers européens, par exemple, les titres de petites capitalisations sont beaucoup moins corrélés entre eux que les titres de grandes entreprises.

Les investisseurs québécois pourraient sans crainte placer 20 % de leur portefeuille d’actions dans cette catégorie d’actif. Mais encore faut-il leur en expliquer les rouages et les avantages.

Le contenu de cette chronique a été gracieusement fourni par le cabinet Orientation Finance.

André Gosselin