Investissement : comment l’excès de confiance des hommes leur nuit-il ?

19 mars 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Happy couple on the beach practicing yoga with a cottage in the background

On dit que les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus. En serait-il, de même, quand les deux sexes gèrent leurs investissements ? Un journaliste financier du quotidien The New York Times citait il y a quelques jours plusieurs analyses qui justifient cette thèse.

Hommes : excès de confiance coûteux Les recherches les plus récentes proviennent d’un chercheur de la compagnie de fonds Vanguard. Durant la crise financière de 2008-2009, en scrutant les comptes de retraite (ou IRA aux États-Unis) de 2,7 millions de clients, on a constaté que les hommes étaient beaucoup plus prompts que les femmes à vendre leurs actions au bas du marché. On peut penser que ces ventes ont engendré de grosses pertes (manquant la reprise boursière de 2009).

Suivre son plan et minimiser les coûts (acheter au bas du marché et vendre au haut si le besoin se fait sentir) est ce qui caractérise les investisseurs qui achètent à long terme (buy-and-hold). Mais pendant la crise financière, l’étude de Vanguard révèle que les hommes ont transigé beaucoup plus que l’autre sexe et souvent au mauvais moment.

« Les investisseurs de sexe masculin, comme groupe cible, semblent éprouver un excès de confiance », affirme John Ameriks, chef de division Recherche et investissement-conseil et coauteur de l’étude. « Beaucoup de recherches universitaires suggèrent que les hommes pensent savoir ce qu’ils font, même si bien souvent ils ne le savent pas », ajoute-t-il.

Les femmes, d’un autre côté, admettent plus aisément qu’elles ignorent quelque chose, comme la direction du marché boursier ou le prix d’une action ou d’une obligation.

Certains diront que vendre des actions dont le prix est très volatil et dans un marcher baissier est une bonne façon de protéger son portefeuille. Ce qui n’est pas nécessairement vrai, écrit M. Sommer. Vendre avant la chute du marché et racheter après le creux est la chose à faire. Mais pour des investisseurs qui ont un horizon à long terme, la meilleure stratégie demeure d’ignorer les mouvements brusques et à court terme du marché tout en rééquilibrant le portefeuille de temps à autre.

Université de Californie : résultats semblables Une étude menée en 2001 par l’Université de la Californie intitulée « Boys will be boys : Gender, Overconfidence and Common Stock Investement », corrobore la recherche de Vanguard. Brad Barber et Terrance Odean ont analysé le comportement financier de 35 000 ménages faisant affaire chez une grande firme de courtage à escompte.

Toutes choses étant égales par ailleurs, les hommes ont négocié 50 % plus souvent leurs actions que les femmes. Ceci ayant pour effet d’augmenter les coûts de transaction et de réduire le rendement net de leur portefeuille. Les deux économistes constatent que si les deux sexes réduisent leurs rendements en transigeant, les hommes retranchent 0,94 point de pourcentage de plus que les femmes annuellement.

Le professeur Barber explique lors d’une entrevue téléphonique au New York Times que, généralement, les investisseurs qui affichent un excès de confiance interprèteront les nouvelles financières à très court terme et transigeront sur ce « bruit » même si ça ne fait pas toujours de sens. Et encore une fois, ce sont souvent les hommes qui tentent de décoder, sans succès, les bruits de fond du marché.

Femmes : aversion au risque Il est aussi reconnu que les femmes ont une plus grande aversion au risque que les hommes. Dans la gestion d’un portefeuille de placements, les femmes préfèreront souvent les investissements à revenus fixes. Ceci peut engendrer des rendements qui traînent de la patte à plus long terme, en assumant que les actions font mieux que les obligations. Toutefois, les rendements volatils de la dernière décennie ont rendu les excès de prudence un peu plus payants.

Ne pas généraliser Ces études doivent toutefois être prises avec un grain de sel (et d’humour), car elles demeurent des généralisations. Elles ne s’appliquent manifestement pas à l’ensemble des hommes et des femmes. « Les différences qui existent au sein du même sexe (comportements des femmes et comportements des hommes) sont beaucoup plus importantes qu’entre les deux sexes », dit M. Barber.

Pourquoi ces différences ? Le pourquoi de ces différences n’est pas très clair. « Est-ce biologique ou culturel ? », se demande le professeur Barber. « Inné ou appris ? À ce jour, on l’ignore ».

Beaucoup de recherches sont en cours. Depuis 5 ans, l’imagerie cérébrale a permis de déterminer « ce qui se passe au niveau du cerveau lorsqu’une personne prend une décision financière », explique Brian Knutson, un neuroscientifique et psychologue à l’Université de Stanford.

Les chercheurs ont trouvé que lorsqu’on stimule une région précise du cerveau, celle qui réagit quand on mange notre plat favori ou lorsque l’on regarde une personne séduisante, cela influence aussi la prise de risque financier. Quand un jeune homme visionne des photos d’hommes et de femmes légèrement vêtus qui s’embrassent, dit-il, cette région du cerveau s’active. Quand on leur faisait passer des tests financiers, ces mêmes hommes devenaient plus enclins à prendre « des paris à haut risque ».

« Les femmes, elles, n’ont pratiquement pas réagi devant ces mêmes photos », dit M Knutson. Il est possible que l’échantillon de femmes ne fût pas assez large ou que le stimulus présenté ne fût pas le bon…

D’autres études sur les effets des hormones sur le comportement financier démontrent des corrélations entre la testostérone et la prise de risque.

Ne pas « forcer » les femmes Alexandra Bernasek, une professeure d’économie à la Colorado State University, croit que si la science trouve un jour des réponses, en attendant, il serait une erreur « de forcer les femmes à adopter un comportement financier plus risqué » qui serait inapproprié pour elles et pour la société en général.

« Ceux qui ont pris trop de risque nous ont causé beaucoup de soucis, dit-elle. Ceci est certainement l’une des leçons que l’on doit retenir de la dernière crise financière ».