« La baisse des taux est derrière nous »

Par La rédaction | 8 mai 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
6 minutes de lecture

Après être longtemps restés très bas, les taux d’intérêt et hypothécaires seront orientés à la hausse au cours des prochaines années. Les consommateurs, entreprises et gouvernements devront s’y habituer, prévient Desjardins dans une étude publiée jeudi.

Le maintien d’une tendance baissière par les banques centrales des économies avancées était en grande partie dû à la faiblesse de l’inflation et à la persistance de capacités de production excédentaires. Mais la situation est en train d’évoluer, explique l’auteur du rapport, Mathieu D’Anjou.

L’économiste principal au Mouvement note que la chute continuelle des taux obligataires a fait place à une remontée depuis les derniers mois de 2016, notamment à la suite de l’élection de Donald Trump et à l’annonce de son programme pour stimuler la croissance économique.

CLIMAT PROPICE AVANT TRUMP

Toutefois, « la table semblait déjà mise avant l’élection pour une nouvelle tendance », car « la plupart des banques centrales semblaient avoir réalisé que des taux toujours plus bas avaient plusieurs désavantages et, surtout, les perspectives concernant la croissance mondiale et l’inflation commençaient à s’améliorer », souligne-t-il. La remontée des cours pétroliers a permis de ramener l’inflation très près des niveaux ciblés par les banques centrales, ce qui a notamment permis à la Réserve fédérale américaine de hausser ses taux directeurs de 0,25 % en décembre dernier, puis en mars.

Malgré le resserrement monétaire aux États-Unis et l’amélioration des perspectives économiques, la remontée des taux obligataires à la fin de l’année dernière a fait place à une nouvelle baisse depuis le commencement de 2017. Il ne s’agit cependant que d’une pause dans la tendance haussière, prévoit Mathieu D’Anjou, qui estime que « la tendance générale des taux d’intérêt aux cours des prochains trimestres reflétera surtout l’évolution des politiques monétaires et l’environnement économique ».

Et sur ce dernier point, « l’amélioration généralisée des indices de confiance à travers le monde est très encourageante » et « tout indique que la croissance mondiale sera plus vigoureuse en 2017 et en 2018 que l’an dernier, et ce, même si le gouvernement américain n’allait pas de l’avant avec d’importantes stimulations fiscales », insiste-t-il.

Dans ce contexte, la Fed devrait donc continuer à resserrer graduellement sa politique monétaire. D’autres banques centrales, dont celle du Canada (BdC), devraient commencer à l’imiter à partir de l’an prochain, « un scénario qui laisse entrevoir une remontée graduelle des taux obligataires nord-américains », prévoit l’analyste.

PAS DE FORT RELÈVEMENT EN VUE

Alors que la longue tendance baissière des taux d’intérêt a contribué à la forte progression des prix des maisons et de l’endettement des ménages au pays, l’amorce d’une tendance haussière pourrait être inquiétante et une poussée rapide de ces taux risquerait d’avoir « des conséquences négatives importantes sur l’ensemble des agents économiques canadiens », relève l’économiste de Desjardins.

Heureusement, rien ne laisse entrevoir une telle hypothèse, précise-t-il. D’abord parce que, consciente de l’endettement important, la BdC « fera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter un ajustement brusque des taux ». Ensuite, parce que les autres banques centrales le savent également. Enfin, « l’environnement économique, marqué par le vieillissement des populations et un potentiel de croissance économique plus faible, milite aussi pour un relèvement limité des taux d’intérêt », explique Mathieu D’Anjou.

Plusieurs banques centrales estiment ainsi que le taux neutre (qui permet à l’inflation de demeurer au niveau ciblé lorsque l’économie est équilibrée) est aujourd’hui « significativement plus bas qu’avant la crise de 2008 », souligne-t-il, rappelant que le taux neutre nominal canadien est passé de 5 % à environ 3 %.

QUEL IMPACT SUR LES TAUX HYPOTHÉCAIRES?

« Il est rassurant de constater que rien n’annonce un rebond rapide des taux d’intérêt canadiens vers les niveaux observés au début des années 2000, ou encore pire, à ceux du début des années 1980 », écrit l’analyste. Il tempère néanmoins cet optimisme en avertissant les agents économiques qu’ils doivent absolument se préparer à « une certaine remontée des taux d’intérêt au cours des prochaines années ». « Cela est particulièrement important pour les emprunteurs hypothécaires qui devront renouveler à plusieurs reprises leur prêt durant la période d’amortissement », insiste-t-il.

Dans son étude, l’analyste anticipe des hausses de 0,75% du taux hypothécaire variable et d’environ 1 % du taux fixe sur cinq ans d’ici le début de 2019 au pays. Cette remontée serait donc déjà terminée dans l’hypothèse, possible sinon probable, où l’Amérique du Nord connaîtrait un ralentissement économique vers la mi-2019. « Cette hypothèse nous semble justifiée par le fait que l’expansion économique américaine, débutée en 2009, est déjà très longue d’un point de vue historique. La remontée des taux d’intérêt et une poussée du protectionnisme pourraient être les déclencheurs du ralentissement économique », croit Mathieu D’Anjou.

Sa conclusion? « Une poussée spectaculaire des taux hypothécaires paraît très peu probable et notre scénario de base ne laisse entrevoir qu’une légère augmentation. Il serait toutefois prudent pour les emprunteurs de s’assurer d’être capables de faire face à une hausse d’environ 2 % des taux hypothécaires à moyen terme, ce qui pourrait survenir si l’expansion économique se prolonge. »

La rédaction vous recommande :

La rédaction