La Banque Nationale en pleine mutation

Par Jean-François Venne | 16 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Succursales moins grandes, mais plus technos, investissements dans les fintechs, rénovation du siège social, incursion dans les marchés émergents… Diriger la Banque Nationale, c’est tout sauf naviguer en eau calme, semble-t-il.

Louis Vachon, PDG de la Banque Nationale du Canada (BNC) depuis 2007, est venu raconter la transformation et les ambitions de l’institution qu’il dirige à plusieurs dizaines de convives, réunis jeudi à l’invitation du Cercle international de la finance de Montréal, au Club Saint-James.

Il s’est d’abord fait rassurant au sujet de l’économie canadienne et québécoise. Une croissance meilleure que prévue, un chômage en baisse et des renégociations difficiles de l’ALENA de moins en moins probables lui font dire qu’il n’y a pas péril en la demeure.

Le contexte économique mondial recèle tout de même quelques sources d’inquiétude. Pour la première fois de l’histoire, dans les pays du G7, la pyramide démographique se mue en rectangle sous le coup du vieillissement de la population, créant les pressions que l’on sait sur le marché du travail et les systèmes de retraite. Les changements climatiques et technologiques exigent aussi une adaptation rapide des sociétés comme des entreprises, voire leur transformation.

CHANGER DE PEAU

« Transformation », c’est le mot d’ordre depuis quelques années à la BNC, indique son président.

« Les entreprises qui réussiront seront celles qui sauront utiliser la révolution technologique à leur avantage », lance Louis Vachon. Pas étonnant d’apprendre, donc, que 90 % de l’emphase stratégique de la BNC est centrée sur cette révolution technologique. Le reste des efforts sont surtout concentrés sur sa percée dans certains marchés émergents.

La banque affecte entre 650 et 700 millions de dollars annuellement à son budget technologique, dont 300 à 350 M$ dans le développement de nouveaux outils. Ricardo Pascoe, directeur en chef de la transformation (CTO), veille avec une quinzaine d’employés à la bonne marche de la mutation de la banque et se rapporte directement à Louis Vachon.

Mais pas question de se fier uniquement à des machines. M. Vachon assure que l’élément le plus important pour qu’une banque réussisse, c’est son personnel. Suivent, dans l’ordre, la gestion des risques et les technologies elles-mêmes.

« Même si nous avons des tonnes de nouveaux outils, la mobilisation et la qualité des employés demeurent cruciales, soutient le PDG. Ce ne sont pas des algorithmes qui mèneront à la réussite, mais des personnes. »

En ce sens, il n’imagine pas la disparition des succursales, mais, encore là, leur transformation. Leur taille moyenne est en voie de passer de 3 200 pi2 à 1 800 pi2, et leur fonctionnement sera axé sur la haute technologie.

TOUT LE MONDE À BORD

Qui dit révolution technologique dit aussi révolution dans la culture d’entreprise, car les nouveaux outils transforment les rapports des employés entre eux et avec les clients. « La capacité de s’adapter est aussi importante, sinon plus, que les économies d’échelle », poursuit le PDG.

Communiquer le comment et le pourquoi des changements est crucial afin que les travailleurs les comprennent et y adhèrent, notamment les Y, qui composent 37 % de la main-d’œuvre de la banque. Bien sûr, les communications écrites ou par Skype sont monnaie courante, mais une fois par année, les dirigeants de la banque rassemblent 4 000 de leurs employés afin d’en discuter en personne.

Chaque déploiement de nouvelles technologies doit s’accompagner de ressources, soutien et formations afin que tous les employés les maîtrisent, souligne M. Vachon. Il faut choisir une cadence appropriée à l’instauration de ces changements. Des modifications trop rapides risquent de mener à l’essoufflement des troupes, voire au décrochage. « Les gens à l’intérieur de la boîte doivent y croire, c’est primordial », rappelle le PDG.

ALLER VOIR AILLEURS

Les fintechs ont aussi leur place dans cette transformation, indique-t-il. Comment la BNC choisit-elle ses projets? Elle embarque lorsqu’un élément précis soulève son intérêt. Par exemple, elle a investi dans la torontoise Nest Wealth non pas pour son conseiller-robot, mais plutôt pour sa plateforme de service à la clientèle, laquelle permet aux investisseurs d’ouvrir rapidement et simplement un compte, de modifier leurs objectifs en ligne, etc.

« Le gros défi avec les fintechs, c’est la cybersécurité, précise toutefois Louis Vachon. Il faut s’assurer qu’elles ne deviennent pas le maillon faible de notre chaîne de sécurité. »

Quand elle ne travaille pas à sa propre transformation, la BNC met le pied dans des marchés émergents. Elle vise de petits pays, où il est plus facile d’avoir un impact, par exemple le Cambodge. Il s’agit d’un marché modeste, où l’élite économique parle français et où la vaste majorité des transactions se font en dollars américains. L’économie y est relativement diversifiée et, surtout, n’est pas dopée par une rente pétrolière ou gazière.

« Nous croyons avoir quelque chose à offrir à ces marchés et comme c’est là qu’une bonne partie de la croissance se fera au cours des vingt prochaines années, nous devons y être », conclut Louis Vachon.

Jean-François Venne